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KRISHNA ou KṚṢṆA

De toutes les incarnations (avatāra) animales ou humaines par lesquelles Viṣṇu (Vishnou) accepta de se manifester sur la Terre pour la sauver, celle de Kṛṣṇa (Krishna), qui est la huitième, plus encore que celle de Rāma, constitue la plus populaire.

À la fois dieu et héros, sa légende qui constitue la geste de Kṛṣṇa se déroule longuement à travers le Mahābhārata, où il se manifeste comme l'allié et le conseiller des Pāṇḍava, et à travers plusieurs Purāṇa. Ainsi dans le Harivaṁśa-Purāṇa, comme dans le Bhāgavata-Purāṇa, destiné aux adorateurs de Viṣṇu, le Seigneur « Bhagavant », où la biographie mystique de Kṛṣṇa contient notamment le récit de ses aventures au milieu des bergères. Dans le Viṣṇu-Purāṇa, qui entre le iiie et le ve siècle constitua un important recueil de textes et de légendes où les sectes vishnouites trouvèrent leurs sources, il est relaté que la Terre, lasse de supporter le poids des désordres imposés par la domination des démons, supplia les dieux de rétablir l'équilibre des forces. Viṣṇu s'arrachant alors deux cheveux de la tête, un sombre et un clair, les envoya sur la Terre pour y devenir l'un Kṛṣṇa et l'autre Rāma. C'est ainsi que Kṛṣṇa exterminera le démon Kālanami, naguère anéanti par Viṣṇu et réincarné sous la forme du mauvais roi Kamsa. Mais, pour les théologiens, il est le souriant maître de sagesse, venu révéler aux hommes la supériorité de l'acte sans désir, chemin de la délivrance. Ainsi apparaît-il dans la Bhāgavad Gītā.

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Figure dominante de l' hindouisme en laquelle l'Inde se reconnaît volontiers, Kṛṣṇa, révélation de l'Être suprême, sous les traits d'un enfant volant du beurre ou d'un pâtre jouant de la flûte, a son image présente dans chaque foyer hindou. Des temples où lui est rendu un culte, les plus sacrés se trouvent à Mathurā, ville particulièrement chère aux dévots de Kṛṣṇa, et à Puri, en Orissā.

Une princesse Kṛṣṇa, « la Noire », appelée encore Draupadī, héroïne du Mahābhārata, choisit Arjuna, qui seul de ses prétendants a réussi à tendre l'arc prodigieux, en atteignant par cinq fois le but assigné, et devint alors l'épouse commune aux Cinq frères Pānḍạva.

La naissance et l'adolescence du dieu-héros

D'après la tradition classique recueillie dans les Purāṇa, Kṛṣṇa « le Noir », ainsi nommé par suite de son teint sombre, naquit à Mathurā (Uttar Pradesh), un peu au nord d'Agra, à la fin du « troisième âge » du monde. Il se rattache au clan des Yādava, qui est cité dès le Veda et dont le nom deviendra celui d'une tribu rajpute. Il eut pour mère la très belle princesse Devakī, l'épouse de Vasudeva. En ce temps régnait sur Mathurā le cruel Kamsa, frère de Devakī, qui savait par une prédiction qu'il appartiendrait à son neveu, huitième enfant de sa sœur, de le faire périr. Il retint donc la princesse en captivité, et chaque fois qu'il lui naissait un fils, il le faisait tuer. Cependant le septième, Balarāma, « Rāma à la force » appelé encore Halāyudha « porte-soc », lui échappa ; il devint le compagnon de Kṛṣṇa et s'illustra par ses exploits. Il devait notamment châtier la rivière Yamunā pour lui avoir refusé de modifier son cours, la labourant d'un soc de charrue jusqu'à ce que, épuisée, elle demandât grâce.

Quant à Kṛṣṇa, selon le Bhāgavata-Purāṇa, il confirma la prédiction et naquit le huitième mais secrètement « tandis que minuit sortait des ténèbres... du sein de Devakī divinement belle... Enfant merveilleux, avec ses yeux de lotus, ses quatre bras, ses armes – la conque, la massue et le disque –,... vêtu de jaune, beau comme un nuage sombre, les mille boucles de ses cheveux nimbées par l'éclat du diadème et des pendants d'oreilles en précieux lazuli, étincelant sous les bracelets, les anneaux et la ceinture lâche. »

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Cependant, pour le soustraire à la cruauté de Kamsa et le sauver de la mort, la fille du pâtre Nanda et de sa femme Yaśodā, née au même moment, lui est immédiatement substituée. Aussi est-ce au milieu des bergers et des bergères accourus de partout et chargés de dons que de grandes réjouissances célèbrent la naissance de Kṛṣṇa. Et dès cette naissance, à maintes reprises, il manifeste sa divinité par des interventions d'ordre surnaturel. Ainsi lorsque Pūtanā, pour le tuer, lui présente son sein d'où s'écoule un lait empoisonné, il boit, mais jusqu'à ce que s'épuise la substance même de la vie de la démone ; il extermine Trnāvarta qui voulait l'emporter dans les airs... Kamsa, pour l'atteindre, ordonna l'extermination de tous les enfants doués d'une grande force. Nanda prit alors avec lui Kṛṣṇa et Balarāma, et ils s'enfuirent jusqu'aux environs de Mathurā, à Gokula ou Vraja, « l'enclos », où ils se dissimulèrent pendant sept ans avant de gagner la forêt du « basilic sacré », qui devait devenir un lieu saint.

Durant cet exil, les prodiges se multiplièrent. Kṛṣṇa réduira tour à tour, en se jouant de leurs ruses ou de leurs métamorphoses, le monstre Baka sous l'aspect d'une grue, le serpent Agha, Pralamba qui cherchait à l'enlever, Ariṣṭa et Keśin, qui, pour le tromper, avaient pris l'un la forme d'un buffle, l'autre celle d'un cheval. Afin d'anéantir le Mal, il se mesura avec bien d'autres encore, et notamment avec le roi des serpents, Kāliya, dont le souffle impur empoisonnait les eaux de la Yamunā. Le piétinant, il dansa sur sa tête une danse démesurée, mais lui accorda sa grâce, car Kāliya n'avait fait qu'obéir aux lois propres à son espèce. Il se contenta de lui enjoindre de demeurer dans l'immensité de l'Océan, lui interdisant à jamais la Yamunā.

Ayant invité les bergers à remplacer une traditionnelle fête d'Indra par un sacrifice aux divinités des montagnes et des forêts, il dut les protéger, eux et leurs troupeaux, de la colère du dieu qui s'exprima par le déchaînement d'un formidable orage. Durant sept jours, il tint le mont Govardhana soulevé au-dessus de leurs têtes, à la manière d'un immense parapluie. Indra le reconnaît alors pour Viṣṇu.

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Devenu adolescent, tandis que les bergers l'adorent comme leur dieu, il prend plaisir aux danses des gopī, « les bergères », dont il accompagne de sa flûte la ronde ardente. Un épisode très populaire conte qu'un jour où elles se baignaient, il cacha leurs vêtements, les obligeant ainsi à se présenter nues devant lui pour venir reprendre ceux-ci. Mille d'entre elles deviendront ses épouses ; et des huit qui sont spécialement mentionnées se détache Radhā, « celle qui plaît », la favorite. Elle est décrite dans le Gītagovinda, chant d'amour d'un poète bengali du xiie siècle, dont se réclament toutes les sectes krishnaïtes. Son thème, d'apparence érotique, prend une valeur mystique, comparable à celle du Cantique des cantiques, pour exprimer l'état de l'âme envahie par le désir d'amour divin, sa recherche de son Seigneur, sa souffrance, sa solitude avant d'atteindre la plénitude de l'union divine. C'est le chemin de la bhakti, participation toujours plus passionnée de l'homme au divin.

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  • : membre de l'École française d'Extrême-Orient, diplômée de l'École pratique des hautes études

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