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METTERNICH KLEMENS VON (1773-1859)

L'équilibre européen

Farouche partisan de l'équilibre européen, Metternich en fit l'autre principe fondamental des traités de Vienne ; c'est ainsi qu'il confirme le partage de la Pologne, pour empêcher la Russie de s'accroître trop vers l'ouest. Il considérait, d'autre part, que l'Autriche de 1815 avait atteint sa taille « optimale », et s'opposait à tout accroissement territorial. Une fois cette reconstruction terminée, il mit tout en œuvre pour la sauvegarder, ce qui explique sa participation à la Sainte-Alliance, encore qu'il ait été bien sceptique à l'égard des principes mystiques du tsar Alexandre ; ce qui explique aussi sa politique d'intervention contre les révolutions libérales, en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Son système, basé sur l'idéologie conservatrice, reposait sur des congrès réunissant les grandes puissances d'alors (Prusse, Russie, Autriche, Grande-Bretagne, et, après 1818, la France), chaque congrès confiant, au besoin, une intervention armée à l'une d'entre elles.

C'est la révolution grecque qui marqua un tournant dans cette politique. Logique avec lui-même, Metternich refusa d'intervenir en faveur des insurgés hellènes, car il ne voyait pas la nécessité d'un État grec indépendant et comprenait très bien les difficultés qu'à longue échéance la Russie ne manquerait pas de susciter. L'intervention de la France et de la Grande-Bretagne, puis la révolution de 1830, mirent définitivement en sommeil son système de « concertation » et Metternich vit son champ d'action limité à l'Italie, tandis que la Prusse préparait l'avenir en créant, en Allemagne, une Union douanière ou Zollverein, à son profit. Les dirigeants anglais, qui s'étaient toujours montrés réservés, étaient franchement hostiles à la politique d'intervention et Metternich, s'il était plus que jamais le maître de l'Autriche, ne régentait plus l'Europe.

C'est l'aspect négatif de son œuvre. L'aspect positif fut le Congrès de Vienne qui, malgré de nombreuses injustices et de nombreuses erreurs, modela la carte du continent pour un demi-siècle et, à part de brèves crises, procura la paix à l'Europe pour un siècle. Certes, la génération romantique a rêvé, en France, d'effacer la honte des traités de 1815 parce qu'ils consacraient la défaite de la Révolution française et la privaient de ses conquêtes plus ou moins légitimes de l'époque napoléonienne. Pourtant, cet arrangement de diplomates et d'experts insensibles aux courants d'opinion résista mieux à l'épreuve du temps que les brillantes constructions des idéologues. Les traités de 1815 convenaient finalement assez bien, à quelques réserves près, à une Europe encore largement rurale et féodale, dont les élites bourgeoises étaient, sauf en Occident, peu développées.

Et l'erreur de Metternich fut moins de restaurer en 1815 l'Europe de 1790 que de ne pas sentir, trente ans plus tard, que quelque chose changeait dans l'Europe continentale et qu'il fallait faire des concessions à l'esprit nouveau. Or, les méthodes qui avaient réussi en 1815, police politique, censure, emprisonnements, interventions armées, lui paraissaient toujours aussi efficaces. Aussi devint-il la cible des réformateurs les plus modérés et ce fut la cause de sa chute. À force d'avoir eu raison, il s'entêta dans ses principes, dans ses méthodes et, quoique non dénué d'intelligence, le vieux chancelier ne sentit pas que l'édifice craquait, ne fût-ce qu'à cause des transformations économiques de l'Allemagne et de l'Autriche.

— Jean BÉRENGER

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean BÉRENGER. METTERNICH KLEMENS VON (1773-1859) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Klemens von Metternich - crédits : Courtesy of the MET museum ; OA

Klemens von Metternich

Klemens von Metternich, dessin - crédits : Courtesy of the Staatliche Kunstsammlungen, Dresde

Klemens von Metternich, dessin

Autres références

  • NAPOLÉON Ier BONAPARTE (1769-1821) empereur des Français (1804-1814 et 1815)

    • Écrit par Universalis, Jacques GODECHOT
    • 8 337 mots
    • 18 médias
    ...déclarer qu'ils ne combattaient pas le peuple de France mais seulement Napoléon. En novembre 1813, ce dernier avait rejeté les conditions proposées par le ministre des Affaires étrangères autrichien, le prince Klemens de Metternich, conditions qui auraient préservé les frontières naturelles de la France....
  • NAPOLÉON II (1811-1832) duc de Reichstadt, roi de Rome

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    La vie et la personnalité de Napoléon II, duc de Reichstadt, l'« Aiglon », fils de Napoléon, roi de Rome, prince de Parme, ont été tout à la fois obscurcies et embellies par la légende. Barthélemy et Méry créent en effet, sous la Restauration, un mythe bonapartiste : François...

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    • Écrit par Guillaume de BERTHIER DE SAUVIGNY
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Voir aussi