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MICHELET JULES (1798-1874)

Jules Michelet - crédits : Pictures From History/ Universal Images Group/ Getty Images

Jules Michelet

Michelet fut l'un des maîtres du romantisme non seulement français mais européen. Il fonda l'autorité du peuple qui avait accompli la première des révolutions modernes sur toute une tradition dont il « ressuscita » les étapes en joignant aux audaces du prophète les curiosités de l'archiviste et les prudences de l'historien. Il devint ainsi le directeur de conscience de la génération qui, après avoir suivi ses cours du Collège de France, participa aux journées de février 1848, refusa l'Empire et fonda la IIIe République. Il fut aussi reconnu comme un guide par les hommes qui militaient à travers l'Europe opprimée, sur les bords de la Vistule, du Danube ou de l'Arno, en faveur de l'indépendance nationale et de la démocratie.

Michelet mort, l'histoire malmena sa gloire. Les luttes sociales mirent en honneur une idéologie internationaliste. Les attaques portées par Maurras et les siens contre le prédicateur de la République furent accueillies complaisamment dans l'Université. Plusieurs générations positivistes, impatientes de rejeter la tutelle de l'historien romantique, imposèrent à la science du passé le modèle des autres sciences. Que restait-il donc et que reste-t-il de Michelet ? Il serait trop cruel de souligner les illusions ou les égarements de ses divers adversaires. Ils sont, aujourd'hui, manifestes : les nations ont la vie dure, la République aussi ; le procès de l'histoire scientiste n'est plus à faire depuis que Lucien Febvre s'en est fait le procureur. En un temps où l'imagination recouvre ses droits, Michelet pourrait bien devenir l'un des maîtres d'un nouveau romantisme.

L'héroïsme de l'esprit

Le futur ennemi des Jésuites, Jules Michelet, naquit à Paris le 21 août 1798. Il connut, pendant ses premières années, l'épreuve de la misère, de la faim, du froid. Son père, petit artisan imprimeur ayant connu des difficultés professionnelles et politiques, reporta sur son fils ses rêves déçus. Il lui raconta les journées révolutionnaires et lui transmit sa ferveur jacobine, tout en lui enseignant l'art de la composition typographique. Surtout, il s'imposa des sacrifices pour assurer à son fils une solide instruction. Au collège Charlemagne, le jeune Michelet se mêla difficilement à ses condisciples, d'origine bourgeoise. Il ne fut pas de ces lycéens de l'Empire qui rêvèrent de servir dans les rangs de la Grande Armée. Il se contentait d'aimer Virgile. En 1816, au concours général, il remporta trois prix, dont deux de latin. Trois ans plus tard, il était licencié et docteur ès lettres, avec une thèse sur Plutarque. Gavroche était devenu un fort en thème. Mais il ne s'était pas détaché de ses origines populaires.

Il lui fallait, d'abord, gagner sa vie. Il prit la décision de faire carrière dans l'enseignement. Ses débuts, comme répétiteur, furent pénibles. Il ne manqua pas de se présenter au premier concours de l'agrégation des lettres, en 1821, et il y fut reçu, au troisième rang, sans avoir dû solliciter la bienveillance d'un recteur ou d'un évêque. On le chargea de professer l'histoire, timidement introduite dans les programmes de l'enseignement secondaire. Il l'enseigna à Sainte-Barbe, puis, à partir de 1827, à l'École normale en même temps que la philosophie. Il y initia, comme précepteur, la petite-fille de Louis XVIII.

Michelet ne sacrifia point sur l'autel de la pédagogie son génie naissant. Il se livra pendant une dizaine d'années, en vue ou en marge de ses cours, à des lectures aussi diverses qu'approfondies. Une prodigieuse curiosité intellectuelle l'animait, à la mesure de celle d'un Rabelais ou d'un Diderot. Il l'appela « héroïsme de l'esprit ». Il la justifia aussi en exaltant, dans un discours de distribution de prix (1825), l'« unité[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, docteur ès lettres, directeur du centre de recherches révolutionnaires et romantiques, professeur de littérature française à l'université de Clermont-II

Classification

Pour citer cet article

Paul VIALLANEIX. MICHELET JULES (1798-1874) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Jules Michelet - crédits : Pictures From History/ Universal Images Group/ Getty Images

Jules Michelet

Michelet, T. Couture - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Michelet, T. Couture

Autres références

  • LA SORCIÈRE, Jules Michelet - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 871 mots

    Publiée en 1862 chez Dentu et Hetzel, La Sorcière peut être considérée, après L'Amour (1858) et La Femme (1859) comme le troisième volet d'une trilogie consacrée par Jules Michelet (1798-1874) à la femme, dont il avait également célébré la grandeur dans Jeanne d'Arc (1853)...

  • ANACHRONISME, histoire

    • Écrit par Olivier LÉVY-DUMOULIN
    • 1 413 mots
    Et pourtant, le métier d'historien repose tout autant sur une démarche anachronique ;Jules Michelet le rappelle dans sa célèbre Préface à l'Histoire de France (1869). L'œuvre n'est-elle pas colorée des sentiments du temps de celui qui l'a faite ? Et d'évoquer l'émotion de la France envahie...
  • HISTOIRE (Histoire et historiens) - Vue d'ensemble

    • Écrit par Olivier LÉVY-DUMOULIN
    • 1 099 mots

    L'histoire comme justification de la politique, comme caution de la mémoire des groupes, l'histoire redécouverte par les autres sciences humaines et sociales sont autant de signes qui témoignent de l'actualité du travail des héritiers d'Hérodote. Les articles qui suivent entendent...

  • HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, Jules Michelet - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-François PÉPIN
    • 760 mots

    L'Histoire de la Révolution française, de Jules Michelet (1798-1874), a été publiée de 1847 à 1853. L'œuvre est à la fois riche d'une documentation collationnée par l'auteur, directeur de la section historique des Archives depuis 1831, et fécondée par le parti pris de...

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