Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ALBERS JOSEF (1888-1976)

Le nom de Josef Albers évoque à tout amateur les innombrables toiles, intitulées Hommage au carré, élaborées à partir de 1949 selon une identique matrice formelle : plusieurs carrés emboîtés symétriquement par rapport à un axe vertical. Ces œuvres apparaissent comme aboutissement logique d'une longue série d'expériences dont l'intérêt est bien plus que simplement rétrospectif. D'une certaine manière, on pourrait dire que le creuset de cette expérimentation fondamentale, qui anticipe et préfigure le minimalisme, est l'enseignement que l'artiste a donné tout au long de sa vie, en Allemagne dans les années 1920 puis aux États-Unis à partir des années 1930. Si le travail de peintre de Josef Albers est, en quelque sorte, didactique (ses toiles disent à toute la peinture comment la couleur fonctionne dans son histoire), dans ses cours, il n'y était pourtant question de peinture qu'indirectement (c'est-à-dire radicalement), lorsque les étudiants avaient pour tâche, par exemple, de penser la transformation d'une surface par l'inscription d'une ligne. Ce n'est pas par hasard que ses premières expériences pédagogiques dans le champ artistique ont eu lieu au célèbre « cours préliminaire » du Bauhaus à Weimar, où il avait d'abord été élève : il ne s'est jamais agi pour lui d'un enseignement de la peinture, mais d'un préalable à toute mise en jeu formelle, celle-ci étant conçue comme une retombée qui, en tant que telle, ne l'intéresse pas. Ses tableaux se tiennent sur un seuil qui, pour lui, demeure le lieu du peintre d'où il donne des réponses multiples aux problèmes exacts et générateurs qu'il pose, éliminant toute autre contingence.

La découverte de la couleur

Né en 1888 à Bottrop (Westphalie, Allemagne), en plein pays minier, Josef Albers est issu d'une famille d'artisans. Son père, peintre en bâtiment, est aussi à l'occasion, peintre en décors de théâtre et lui montrera quelques tours du métier. Déjà « sensibilisé à l'art », donc, son premier choc date cependant de 1908, lorsqu'il visite à Munich la Pinacothèque, le musée Folkwang à Hagen, et voit pour la première fois des toiles de Matisse et de Cézanne. Albers est alors instituteur à la campagne. À l'âge de vingt-cinq ans, il demande un congé de deux ans pour poursuivre ses études à l'École royale des beaux-arts de Berlin : c'est là qu'il découvre l'art contemporain (l'expressionnisme, Der Sturm, Klee, le cubisme, Delaunay), et plus particulièrement Van Gogh et Edvard Munch, dont un Lever de soleil lui révèle, en 1913, sa passion pour la couleur. Dans les travaux de cette époque, comme dans ceux du maître scandinave, sans aplats ni contours, de longues bandes courbes et parallèles de couleur départagent par leur direction des zones sur toute la surface. Mais déjà l'accent est mis sur la luminosité de la réserve (le support, du papier blanc) qui sépare ces lignes grasses et éclaire l'ensemble. Diplômé, Albers est contraint de reprendre son poste provincial, mais il poursuit sa formation à Essen, et met à profit cet isolement pour faire le point sur ce qu'il a vu à Berlin : c'est là, dit-il, qu'il prendra conscience de l'importance de Cézanne, dont il sera sans doute l'un des rares à avoir perçu la nouveauté dans le travail sur la linéarité. Et si les linogravures ou les gravures sur bois de cette période semblent de facture « expressionniste », il ne s'agit pour lui que de penser avec la plus grande acuité possible la question du contraste (l'écart maximal noir/blanc) et non d'exhibition subjective de ses angoisses personnelles.

À Munich, Albers suit pendant dix-huit mois les cours de Franz von Stuck, qui le déçoivent, comme avant lui Klee et Kandinsky. Puis[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Yve-Alain BOIS et Universalis. ALBERS JOSEF (1888-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALBERS ANNI (1899-1994)

    • Écrit par Camille VIÉVILLE
    • 900 mots

    Anni Albers, dont l’œuvre a parfois été occulté par celui de Josef Albers (1888-1976), son époux, est une artiste majeure de l’art textile du xxe siècle.

    Née à Berlin le 12 juin 1899, Annelise Fleischmann étudie au Studienateliers für Malerei und Plastik (1916-1918) auprès du peintre postimpressionniste...

  • BAUHAUS

    • Écrit par Serge LEMOINE
    • 4 461 mots
    • 6 médias
    ...transfert du Bauhaus à Dessau permit de revoir la méthode de l'enseignement : le cours préparatoire, repris par Moholy-Nagy dès 1923, fut développé par Josef Albers. La dualité artiste-artisan disparut et chaque atelier fut dirigé par un seul maître. L'école, en effet, avait déjà six années d'existence...
  • BLACK MOUNTAIN COLLEGE

    • Écrit par Didier SEMIN
    • 1 111 mots

    Nulle école, sans doute, n'a compté dans l'histoire de l'art moderne aux États-Unis autant que le Black Mountain College. Il n'a pourtant été ouvert qu'un peu plus d'une vingtaine d'années – de 1933 à 1956 – et n'était pas une école d'art, au sens où nous l'entendons d'un établissement d'enseignement...

  • CONCRET ART

    • Écrit par Arnauld PIERRE
    • 2 723 mots
    • 1 média
    ...l'évolution dans laquelle il s'était engagé. Tandis que ses anciens compagnons de route s'éloignent des principes de l'art concret, l'artiste allemand Josef Albers (1888-1976), professeur au Bauhaus, réalise entre 1932 et 1935 une série de quatre-vingts gouaches à partir du motif de la clef de sol dont...

Voir aussi