MUNCH EDVARD (1863-1944)

Parallèlement aux grandes œuvres des écrivains scandinaves, Henrik Ibsen, August Strindberg, la production d'Edvard Munch représente la contribution inattendue de la Norvège à l'épanouissement de la peinture et de la gravure au xx e siècle. La période décisive de l'évolution de Munch fut placée sous le signe du dialogue avec la France et avec l'Allemagne. Cependant, il nourrit un profond scepticisme vis-à-vis de l'impressionnisme et s'intéressa uniquement à son aspect technique. Tout comme Van Gogh ou Gauguin, Munch fut l'un des premiers postimpressionnistes ; ces peintres s'opposaient en fait à l'impressionnisme, car ils remplaçaient sa froideur positiviste par un humanisme nouveau. L'art d'un Arnold Böcklin ou d'un Max Klinger, d'inspiration très littéraire, de même que les œuvres de l'écrivain Richard Dehmel eurent surtout pour effet d'inciter Munch à réaliser ses projets personnels en se rapprochant infiniment plus du réel.

Les affinités entre Munch et Gauguin n'ont pas encore été clairement définies ; certaines analogies apparaissent, en particulier dans les gravures, mais elles sont insignifiantes en regard de la parenté spirituelle qui unit Munch à Van Gogh. L'origine germanique du Hollandais et du Norvégien fait revivre sous une forme nouvelle la tradition expressive d'un Dürer ou d'un Rembrandt et engendre une puissance émotionnelle de la peinture qui aura une influence en Allemagne et en Autriche, et aussi bien sur les artistes de la Brücke que sur Oskar Kokoschka ou Egon Schiele. Au moment où mourait Van Gogh, Munch trouve son style personnel et continue, avec ses propres moyens d'expression, à rechercher une représentation du monde dont l'homme est le centre.

La situation en Scandinavie et « La Frise de la vie »

Au xix e siècle, la Scandinavie ne connut pas de période victorienne ou « second Empire » ; en effet, la tradition protestante et le principe de la royauté libérale modéraient le goût pour les fastes de cour. Jusqu'à la seconde moitié du siècle, le réalisme bourgeois, Biedermeir, resta donc dominant. Les peintres représentaient surtout des intérieurs évoquant l'atmosphère paisible du monde bourgeois, ou reflétant la quiétude des paysages environnants. C'est dans ce contexte – qu'il va attaquer violemment – que Munch fait ses débuts. Il est né à Loten, dans la Norvège du Sud. Certains événements tragiques de son enfance, comme la perte de sa mère et d'une de ses sœurs, qui moururent toutes deux de tuberculose, sont à l'origine de sa révolte. En 1889, retiré à Saint-Cloud, Munch, sous le coup d'impressions nouvelles, écrit : « Les peintres ne représenteront plus de scènes d'intérieur, l'homme lisant, la femme cousant, ils doivent peindre des hommes qui respirent, s'émeuvent et aiment [...] Je vais faire une série de tableaux dans cet esprit ; il faudra que l'on comprenne ce qu'ils contiennent de sacré, et que les gens se découvrent devant eux comme s'ils se trouvaient dans une église. » Plus tard, il commente sa Frise de la vie : « La frise est conçue comme une suite de tableaux de même nature qui, formant un tout, donneront une image de la vie. L'interminable ligne du rivage, derrière laquelle écume la mer éternellement mouvante, parcourt la frise de bout en bout ; sous les arbres respire la vie multiple avec ses peines et ses joies. La frise est ressentie comme un poème de la vie, de l'amour et de la mort. »

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Écrit par

  • Hans BISANZ : docteur en philosophie, Historisches Museum der Stadt, Vienne
  • Frank CLAUSTRAT : maître de conférences en histoire de l'art contemporain, université Paul-Valéry Montpellier 3

Classification

Pour citer cet article

Hans BISANZ, Frank CLAUSTRAT, « MUNCH EDVARD (1863-1944) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Autres références

  • EDVARD MUNCH, L'ŒIL MODERNE (exposition)

    • Écrit par Lionel RICHARD
    • 5 347 mots

    Le début de carrière du peintre norvégien Edvard Munch (1863-1944) date des années 1880. Séjournant à Paris et à Berlin, il a acquis une réputation européenne avant 1914. Une nouvelle exposition au Centre Georges-Pompidou à Paris (21 septembre 2011 - 23 janvier 2012), avec pour commissaires Angela[...]

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