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SIBELIUS JEAN (1865-1957)

Jean Sibelius - crédits : Keystone Features/ Hulton Archive/ Getty Images

Jean Sibelius

Ayant suscité les appréciations les plus contradictoires chez les critiques, tenu longtemps dans un purgatoire d'où seuls Anglais et Américains l'avaient fait sortir (ce qui ajoutait à la méfiance des Allemands et des Latins puisque le bon goût musical ne semblait pouvoir franchir ni la Manche ni l'Atlantique !), Sibelius revient au premier rang et prend peu à peu la place qu'il mérite. Non sans erreurs d'appréciation : un certain nombre d'opinions préconçues circulent sur le personnage et il convient de les dissiper.

Sibelius ne peut pas être rangé dans la catégorie des compositeurs dits « nationaux ». Il n'est ni le Grieg, encore moins le Dvořák, voire le Bartók, finlandais : il n'utilise pas la musique populaire comme matériau thématique, et les caractéristiques de son style mélodique ne doivent rien aux mélodies populaires de son pays. Ce sont les commentateurs, victimes de l'hyperurbanisation de l'Europe occidentale industrialisée, qui ont vu en Sibelius un chantre du terroir. Nul besoin pour lui de retourner aux sources : il ne les a jamais quittées tant la Finlande d'alors était – et reste encore – un paradis écologique ! Sibelius n'a cherché qu'à atteindre un langage universel ; le plus grand risque pour lui aurait été de « folkloriser » sa musique et de la reléguer ainsi à une production couleur locale inapte à passer les frontières. La toile de fond (et non pas le développement) de l'œuvre de Sibelius reste nordique, et le nationalisme finlandais ne peut y trouver son compte qu'après coup.

Lorsqu'il vient au monde, la Finlande est sous le joug russe depuis un peu plus d'un demi-siècle. Mais, pendant les six siècles précédents, c'est la Suède qui dominait le pays. Sibelius va vivre dans un contexte familial suédois, d'extraction et de culture : sur la centaine de mélodies environ qu'il va composer, l'écrasante majorité empruntera des textes en suédois. Dès lors, même si la montée de son art coïncide avec celle du nationalisme littéraire (à la suite de la publication par Elias Lönnrot du Kalevala, vaste épopée finnoise), il est aussi vain de nier que Sibelius se rapproche de la lignée (dont Franz Berwald – suédois – est à l'origine) des grands symphonistes nordiques pan-nationaux au côté de Carl Nielsen, son exact contemporain, qu'il est absurde d'en faire un antirusse (alors que bien des similitudes avec sa musique apparaissent dans certaines œuvres de Borodine, de Rimski-Korsakov ou de Tchaïkovski).

Enfin, Sibelius a été un grand voyageur sensible aux divers courants esthétiques qui ont traversé l'Europe. Lorsqu'il compose des musiques de scène, là encore, il choisit Strindberg, Maeterlinck, Hofmannsthal, Shakespeare. Il ne négligera aucun des courants qui ont éveillé sa curiosité et enrichira d'autant son art, qui va à chaque fois y gagner en universalité.

Premiers contacts

Sibelius est né le 8 décembre 1865 à Hämeenlinna, une ville située à près de 200 kilomètres au nord d'Helsinki. Le père, médecin militaire de souche à la fois suédoise et finnoise, avait épousé la fille d'un médecin immigré de Suède : l'atmosphère culturelle dans laquelle va baigner le jeune Johan Julius Christian sera donc de langue et de coutumes presque exclusivement suédoises, d'autant plus que seules sa mère et sa grand-mère maternelle l'élèveront après la mort du père en 1868. Les premières leçons de piano se révèlent peu fructueuses : les compositions de Sibelius pour cet instrument resteront marginales. Il préfère et préférera toujours le violon, pour lequel il écrira son unique concerto (il regrettera beaucoup de n'avoir pu devenir un violoniste virtuose).

Après avoir été reçu bachelier en 1885, il commence des études de droit – concession faite[...]

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Écrit par

  • : maître en lettres modernes et linguistique générale, chargé de cours à la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence, producteur à Radio-France, directeur antenne musique, Radio France Internationale

Classification

Pour citer cet article

Michel VINCENT. SIBELIUS JEAN (1865-1957) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jean Sibelius - crédits : Keystone Features/ Hulton Archive/ Getty Images

Jean Sibelius

Autres références

  • KAJANUS ROBERT (1856-1933)

    • Écrit par Universalis
    • 534 mots

    Le chef d'orchestre et compositeur finlandais Robert Kajanus se fit le champion de la musique de son pays. Il est considéré comme le père de la musique finlandaise.

    Robert Kajanus naît le 2 décembre 1856, à Helsingfors (auj. Helsinki), ville appartenant alors au grand-duché de Finlande...

  • RAUTAVAARA EINOJUHANI (1928-2016)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 1 889 mots

    Né le 9 octobre 1928 à Helsinki dans une famille de musiciens, le compositeur et pédagogue finlandais Einojuhani Rautavaara se retrouve orphelin à l'âge de seize ans : il perd sa mère en 1944 ; son père, le baryton Eino Rautavaara, vedette de l'Opéra d'Helsinki dans les années 1910 et 1920, était mort...

  • STENHAMMAR WILHELM (1871-1927)

    • Écrit par Michel VINCENT
    • 755 mots

    Né et mort à Stockholm, Wilhelm Stenhammar est considéré à juste titre comme l'un des pères de la musique suédoise contemporaine. Disparu trop tôt (il s'éteint à l'âge de 56 ans d'une hémorragie cérébrale), Stenhammar a marqué la vie musicale de son pays tout autant par ses activités d'interprète...

Voir aussi