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RAMEAU JEAN-PHILIPPE

Le théoricien

Rameau est un de ces rares créateurs qui ont cherché à analyser leur propre démarche créatrice. On lui doit la première théorie cohérente de l' harmonie, fondée sur des principes physiques et les découvertes du mathématicien Joseph Sauveur (1653-1716). Pour lui, la musique est à la fois une science physico-mathématique (fondée sur le son, phénomène physique, et les rapports mathématiques des sons entre eux) et un art dont la finalité est d'exprimer et de susciter des passions.

Les principaux ouvrages théoriques de Rameau sont, dans l'ordre chronologique : le Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels (1722) et le Nouveau Système de musique théorique (1726), déjà cités, puis La Génération harmonique (1737), Démonstration du principe de l'harmonie servant de base à tout l'art musical (1750). Il convient d'ajouter à ces ouvrages essentiels, la série des lettres critiques à d'Alembert et aux éditeurs de l'Encyclopédie.

Partant de la résonance d'une corde vibrante, Rameau note les harmoniques naturels : octave supérieure, 12e (quinte de l'accord parfait), 2e octave, 17e majeure (tierce de l'accord parfait majeur) et les sons les plus aigus perçus par une oreille exercée, et il conclut que tous les accords issus de la combinaison de ces sons sont identiques ; c'est le principe du renversement des accords. Ainsi, d'un seul son fondamental, il déduit l'unité de l'harmonie ; les 2e et 3e harmoniques formant la triade majeure, les dissonances naissant des tierces ajoutées. De plus, il formule la théorie des deux séries de quintes, ascendantes et descendantes. D'autre part, il remarque que lorsque des cordes 2, 3, 4 et 5 fois plus longues entrent en vibration aux côtés de la corde résonante, elles fournissent des harmoniques inférieurs qui, ramenés à l'intérieur d'une octave, donnent la triade mineure (explication figurant dans la Génération harmonique). Il en déduit les rapports étroits entre la dominante, la sous-dominante et la tonique, fondement de l'harmonie classique. Enfin, il attribue aux tonalités et aux harmonies des effets psychologiques et des fonctions expressives. Ainsi, la joie et la magnificence se traduisent par des consonances ou des dissonances préparées, tandis que les dissonances non préparées expriment la fureur et le désespoir. Il pense que « le diatonique a l'agréable en partage, le chromatique, le varié, que le mode mineur tient du tendre et du triste, que l'enharmonique effraie, épouvante, met partout le désordre... ». Il en vient ainsi tout naturellement à formuler une esthétique fondée sur l'harmonie, dont le rôle est de « pénétrer l'âme [...] C'est à l'harmonie seulement qu'il appartient de remuer les passions, la mélodie ne tire sa force que de cette source dont elle émane directement. » C'est précisément ce que Rousseau contestera, en prônant avec les Italiens la primauté de la mélodie.

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Pour citer cet article

Roger BLANCHARD. RAMEAU JEAN-PHILIPPE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jean-Philippe Rameau - crédits : De Agostini/ Alfredo Dagli Orti/ Getty Images

Jean-Philippe Rameau

Autres références

  • HIPPOLYTE ET ARICIE (J.-P. Rameau)

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 320 mots
    • 1 média

    Rameau a cinquante ans lorsque, théoricien émérite et compositeur reconnu, il ose enfin s'attaquer au seul genre qui lui résistait encore : l'opéra. Sa première tragédie en musique, Hippolyte et Aricie, créée le 1er octobre 1733, à l'Académie royale de musique de Paris...

  • TRAITÉ DE L'HARMONIE RÉDUITE À SES PRINCIPES NATURELS, Jean-Philippe Rameau

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 1 108 mots

    De 1722 à 1764, année de sa mort, Rameau ne cessa jamais d’avoir une activité théorique, jalonnée par de nombreux écrits (traités, mémoires, lettres ouvertes, notamment dans la polémique qui l’oppose à Jean-Jacques Rousseau). Les ouvrages théoriques dans lesquels il expose son système sont le ...

  • BALLET

    • Écrit par Bernadette BONIS, Pierre LARTIGUE
    • 12 613 mots
    • 20 médias
    André Campra lance alors un genre neuf, l'opéra-ballet, dont le chef-d'œuvre est Les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau (1735). On y voit le dieu de l'Amour abandonner l'Europe, trop passionnée par la guerre, pour l'heureuse Amérique, mais cet opéra constitue comme une revanche de l'esprit...
  • BASSE, musique

    • Écrit par Henry BARRAUD
    • 3 508 mots
    • 1 média
    Rameau, dans ses ouvrages théoriques sur l'harmonie, a montré que le système trouvait sa justification dans la résonance naturelle, dont l'analyse fait apparaître ces mêmes sons que nous associons dans nos accords. La théorie a prêté à certaines discussions qu'il n'y a pas lieu d'évoquer ici. Mais il...
  • BOUFFONS QUERELLE DES

    • Écrit par Jacques GHEUSI
    • 1 976 mots
    ...froides, ennuyeuses, sans âme, dues à de médiocres compositeurs avaient envahi la scène lyrique française après la mort de Lully, mais un grand musicien, Jean-Philippe Rameau, conservait à l'opéra son prestige. Partisan du vrai en musique, Rameau s'en rapportait à la nature pour exprimer dans ses opéras...
  • CHRISTIE WILLIAM (1944- )

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 2 324 mots
    ...donné à l'Opéra royal de Versailles en 1982, dans une mise en scène de Jorge Lavelli. En 1983, année du tricentenaire de la naissance de Jean-Philippe Rameau, William Christie enregistre l'intégrale de l'œuvre pour clavecin de ce compositeur, et sort de l'oubli la pièce de balletAnacréon...
  • Afficher les 16 références

Voir aussi