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JEAN DE LA CROIX (1542-1591)

L'un des premiers religieux de la réforme des Carmes déchaux, saint Jean de la Croix, fut pris dans les violentes controverses qui, dans son ordre, opposèrent les réformés aux mitigés, et il eut, par là, une existence dramatique. Mais il connut, jeune, les plus hauts sommets de l'expérience mystique, et il exprima ses états intérieurs en des poèmes qui font de lui un des plus grands écrivains de l'Espagne du Siècle d'or. Du commentaire de quelques-uns de ces poèmes, il tira des traités théoriques dont une partie seulement nous est parvenue ; la valeur en est telle qu'on le considère comme le « docteur mystique » par excellence et que son œuvre, par son importance spirituelle et philosophique, constitue un des sommets de la littérature chrétienne.

— Louis COGNET

Dans le panorama de la poésie espagnole de la Renaissance qui compte des noms prestigieux, Ercilla, Boscán, Garcilaso de la Vega, Luis de León, Fernando de Herrera... Jean de la Croix occupe une place singulière : la première. Son œuvre est brève : moins de mille vers en tout. « Saint Jean de la Croix – écrit Jorge Guillén – est le grand poète le plus bref de la langue espagnole, peut-être de la littérature universelle. » Mais cette poésie est d'une telle densité, d'une telle intensité, d'une telle beauté, qu'elle emporte l'admiration et entraîne l'adhésion de tous ses lecteurs. En effet, selon l'heureuse expression de J. L. Alborg, « même si on ne tient pas compte de sa signification religieuse, la poésie de saint Jean de la Croix représente un sommet de la poésie amoureuse universelle ».

« Le Docteur mystique »

Le réformateur et le mystique

Juan de Yepes est né en 1542, à Fontiveros, petit village de Vieille-Castille, d'une famille noble, mais pauvre, que la mort prématurée du père plongea bientôt dans la misère. Installé avec sa mère à Medina del Campo, il essaya divers métiers et s'intéressa en particulier à l'architecture et à la peinture, pour laquelle il était remarquablement doué. Après des études au collège des Jésuites, il entra en 1563 au couvent des Carmes sous le nom de Jean de Saint-Mathias. Puis il passa près de quatre ans à Salamanque, où il acquit une solide formation scolastique. Déçu par la vie trop extérieure des Carmes, il songeait à entrer à la Chartreuse, lorsqu'en 1567 il rencontra Thérèse d'Ávila qui l'avait intéressé à son projet de fonder une branche masculine de Carmel réformé analogue à celle qu'elle venait d'organiser pour les religieuses. En 1568, prenant le nom de Jean de la Croix, il fit partie du premier monastère réformé de Duruelo, où il s'imposa bientôt comme un des piliers du nouveau type de vie religieuse. Il fut envoyé en 1572 à Ávila comme confesseur du monastère des carmélites mitigées de l'Incarnation, dont Thérèse avait dû accepter la charge de prieure. Ainsi s'établit entre les deux saints une confiante collaboration, une amitié réciproque. Mais les réformés cherchaient alors à conquérir leur indépendance à l'égard des mitigés, qui réagirent vigoureusement et firent enlever, dans la nuit du 2 au 3 décembre 1577, Jean de la Croix, dont le rôle dans la réforme était connu. Emprisonné à Tolède dans un étroit cachot et soumis à des flagellations quotidiennes, il connut une terrible crise intérieure. Ce fut là qu'il composa quelques-uns de ses plus beaux poèmes, en particulier le Cantique spirituel(Cántico espiritual). En août 1578, il s'évada et reprit sa place parmi les réformés. Le temps où, de 1582 à 1588, il est prieur du couvent des Martyrs à Grenade est celui où virent le jour presque toutes ses grandes œuvres.

Pourtant, Jean de la Croix allait se trouver pris dans les dissensions internes des réformés. Au chapitre général, tenu à Pastraña[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut catholique de Paris
  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

Classification

Pour citer cet article

Louis COGNET et Bernard SESÉ. JEAN DE LA CROIX (1542-1591) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CANTIQUE SPIRITUEL, Jean de la Croix - Fiche de lecture

    • Écrit par Bernard SESÉ
    • 803 mots

    Le Chant de l'Épouse : c'est ainsi que Jean de la Croix (1542-1591), frère carme, désignait le poème dont il composa un commentaire en prose. Cet ensemble, rassemblé dans les manuscrits sous le titre de Explication des Chants qui traitent de l'exercice d'amour entre l'âme et son Époux...

  • ESPAGNE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Jean CASSOU, Corinne CRISTINI, Jean-Pierre RESSOT
    • 13 749 mots
    • 4 médias
    Saint Jean de la Croix (1542-1591) fut son frère et comme son disciple dans l'œuvre réformatrice et spirituelle. Ses commentaires en prose, s'ils ont, sur une expérience mystique, la force d'exposé de ceux de sainte Thérèse, fournissent en outre une méthode et démontrent chez leur auteur un très subtil...

Voir aussi