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CARRIÈRE JEAN-CLAUDE (1931-2021)

Fils de viticulteurs, Jean-Claude Carrière naît le 19 septembre 1931 à Colombières-sur-Orb (Hérault), où il passe son enfance. Alors qu’il a treize ans, ses parents prennent la gérance d’un café à Montreuil-sous-Bois. Dès le lycée, il est attiré par le cinéma et la littérature, pense devenir professeur, mais écrit déjà dans des revues littéraires pendant ses études au lycée Lakanal puis à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud. En 1957, l’année où il prépare l’agrégation, paraît son premier roman : Lézard. Il renonce alors à l’enseignement. De 1957 à 1959 il publie, sous le pseudonyme de Benoît Becker, un cycle Frankenstein ensix volumes au Fleuve noir. Suivront deux novélisations de films, Les Vacances deM. Hulot et Mon Oncle qu’il rédige avec Jacques Tati. À cette occasion, il rencontre son assistant Pierre Étaix dont il écrira le scénario de tous les films, de Rupture (court-métrage, 1961) au Grand Amour (long-métrage, 1969). Il a trouvé sa voie, le cinéma, et s’affirme dès les années 1960 comme un fabuleux chercheur d’idées, apprécié des plus grands réalisateurs et producteurs.

En soixante ans, Jean-Claude Carrière va signer le scénario de près de soixante-dix films et douze téléfilms. Son travail peut être de trois types : soit il est l’auteur, le réalisateur mettant en scène son texte comme le fait Jean-Daniel Verhaeghe pour La Controverse de Valladolid (1992), récit du célèbre débat au cours duquel, au xvie siècle, l’Église s’efforça de trancher la question de savoir si les Indiens d’Amérique possédaient ou non une âme. Soit il n’intervient que quelques jours en cours d’écriture en tant que script doctor, son savoir-faire étant unanimement reconnu dans la profession. Mais, la plupart du temps, il travaille étroitement avec le réalisateur pour établir le scénario et écrit seul les dialogues. C’est ainsi qu’après son adaptation du Journal d’une femme de chambre, d’Octave Mirbeau par Buñuel, en 1963, il collabore aux six derniers longs-métrages du cinéaste (1966-1977) pour des œuvres aussi différentes que Belle de jour (1967, avec Catherine Deneuve en grande bourgeoise se prostituant l’après-midi dans une maison close), La Voie lactée (1968, sur la route de Compostelle, deux hommes font des rencontres qui sont autant d’allusions aux hérésies de l’Église catholique) ou Le Charme discret de labourgeoisie (1972, suite de burlesques histoires surréalistes imaginées en pleine vague maoïste). Il co-écrit également Mon dernier soupir (1982), l’autobiographie du cinéaste. Il collabore à plusieurs reprises avec bon nombre des plus prestigieux réalisateurs de son temps : Louis Malle (Viva Maria, 1965), Volker Schlöndorff (Le Tambour, 1979), Jean-Luc Godard (Sauve qui peut[la vie], 1979), Andrzej Wajda (Danton, 1983), Milos Forman (Valmont, 1989), Jean-Paul Rappeneau (Cyrano deBergerac, 1990). Mais il écrit aussi le scénario de La Chair de l’orchidée (Patrice Chéreau, 1975), Le Retour de Martin Guerre (Daniel Vigne, 1982), Max monamour (Nagisa Oshima, 1986), Le Ruban blanc (Michael Haneke, 2009)… Ses derniers scénarios ont été rédigés avec Philippe Garrel (Le Sel des larmes, 2020) et son fils Louis Garrel (L’Homme fidèle, 2018). Car, habile adaptateur littéraire de Sagan, Proust, Kundera, Giono ou Tournier, entre autres, il a toujours imaginé aussi des scénarios pour notre temps.

<em>La Controverse de Valladolid</em>, J.-D. Verhaeghe - crédits : Jean Pimentel/ Kipa/ Sygma/ Getty Images

La Controverse de Valladolid, J.-D. Verhaeghe

Jean-Claude Carrière - crédits : Opale/ Bridgeman Images

Jean-Claude Carrière

Au théâtre, Jean-Claude Carrière est l’auteur d’une douzaine de pièces souvent reprises : la première, L’Aide-mémoire (1968), fut portée à nouveau sur scène en 2014. Mais son investissement créatif le plus intense restera sa collaboration de plus de vingt ans avec Peter Brook. Pour lui, Carrière retraduit Shakespeare (Timon d’Athènes, Mesure pour mesure, La Tempête), mais aussi Tchekhov (La Cerisaie, 1981). Les expériences se multiplient et Carrière est[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

Classification

Pour citer cet article

René PRÉDAL. CARRIÈRE JEAN-CLAUDE (1931-2021) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>La Controverse de Valladolid</em>, J.-D. Verhaeghe - crédits : Jean Pimentel/ Kipa/ Sygma/ Getty Images

La Controverse de Valladolid, J.-D. Verhaeghe

Jean-Claude Carrière - crédits : Opale/ Bridgeman Images

Jean-Claude Carrière

Autres références

  • BROOK PETER (1925-2022)

    • Écrit par Georges BANU
    • 2 583 mots
    • 7 médias
    En 1985, Peter Brook réalise un spectacle-somme, le Mahābhārata, texte fondateur qu’il adapte avecJean-Claude Carrière. Il fournit une image du monde où des demi-dieux cohabitent avec des humains et s’engagent dans des guerres destructrices, avant la réconciliation finale. Le Mahābhārata...
  • ÉTAIX PIERRE (1928-2016)

    • Écrit par Alain GAREL
    • 674 mots
    • 1 média

    Acteur, prestidigitateur, musicien, clown, peintre, dessinateur, sculpteur, créateur d’automates, affichiste, humoriste, écrivain, dramaturge, metteur en scène, gagman, scénariste et réalisateur de cinéma, tel était Pierre Étaix.

    Né à Roanne le 23 novembre 1928, il découvre à cinq ans le ...

  • RAPPENEAU JEAN-PAUL (1932- )

    • Écrit par René PRÉDAL
    • 585 mots
    • 1 média

    Né en 1932, Jean-Paul Rappeneau est, dans les années 1950, l'assistant de Raymond Bernard, Jean Dréville et Georges Lacombe avant de collaborer à une série de courts-métrages avec Édouard Molinaro et Carlos Villardebo. En 1958, il travaille à une adaptation des Trois Mousquetaires pour...

Voir aussi