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DAVID JACQUES LOUIS (1748-1825)

L'affirmation d'un style

Étude d'ensemble pour le «Serment des Horaces», J. L. David, 1 - crédits : École nationale supérieure des beaux-arts, Paris

Étude d'ensemble pour le «Serment des Horaces», J. L. David, 1

David revint à Paris précédé d'une flatteuse réputation, et il s'imposa en quelques années seulement. Sa position artistique, sociale, financière (celle-ci due en grande partie à son mariage), était considérable à la fin de l'Ancien Régime. Soutenu par d' Angiviller, qui lui commanda, dans le cadre de son programme d'encouragement, deux de ses plus importants tableaux d'histoire (Le Serment des Horaces, 1784 ; Les Licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils, 1789, Louvre), il avait aussi la faveur des particuliers, qui lui demandaient portraits et tableaux d'histoire, comme le comte d'Artois, frère du roi (Les Amours de Pâris et d'Hélène, 1788, Louvre), le maréchal de Noailles (Christ en croix, 1782, Église Saint-Vincent, Mâcon) ou encore Trudaine de la Sablière, représentant typique des milieux riches et éclairés de la France d'avant 1789, dont le peintre était proche (La Mort de Socrate, 1787, Metropolitan Museum, New York).

Il fut remarqué dès le Salon de 1781 avec son Bélisaire demandant l'aumône (musée des Beaux-Arts, Lille). Son morceau de réception à l'Académie, La Douleur et les regrets d'Andromaque sur le corps d'Hector son mari, exposé en 1783, eut encore plus de succès. Mais c'est avec les Horaces que sa célébrité atteignit un sommet. David était reparti en Italie pour peindre ce tableau au contact de l'antique et il l'exposa à Rome avant de le montrer à Paris. L'émotion fut énorme : par son sujet, exemplum virtutis qui exaltait l'héroïsme et le dévouement patriotiques, par sa composition rigoureuse, par la sévérité de son style qui n'exclut pas une facture énergique mais maîtrisée (par exemple dans l'éclaircissement du coloris), la toile prenait figure de manifeste. Dans sa conception comme dans les divers aspects de son exécution, elle synthétisait aussi toutes les recherches du peintre depuis le Bélisaire. David s'affirmait ainsi comme le véritable héritier de Nicolas Poussin et de la grande peinture classique, ce qu'il ne fit que confirmer par un nouveau chef-d'œuvre, le Socrate exposé en 1787, puis par le Brutus de 1789. La force de chacune de ces toiles est le fruit d'une patiente recherche. David, très respectueux des diverses sources sur lesquelles il s'appuie, épure progressivement la composition, intensifie l'expressivité des figures, sait fondre le coloris, riche et varié, dans une tonalité d'ensemble, et allier l'idéalisation aux détails réalistes –comme la corbeille à ouvrage du Brutus –, qui ont fait le bonheur des exégètes.

<it>Portrait d'Antoine Laurent Lavoisier et de sa femme</it>, J.-L. David - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait d'Antoine Laurent Lavoisier et de sa femme, J.-L. David

Les portraits qu'il réalise alors sont tout aussi révélateurs de cette évolution, aboutissant aux grandes réussites de la fin des années 1780 : Les Époux Lavoisier (1788, Metropolitan Museum), La Comtesse de Sorcy-Thélusson et La Marquise d'Orvilliers (1790, Alte Pinakothek, Munich et Louvre). La fermeté de la mise en page, l'austérité du décor et des accessoires, réduits à l'essentiel, s'accompagnent d'une grande sensibilité et d'une extraordinaire finesse de touche et de coloris qui mettent David au rang des plus grands portraitistes.

<it>Marius à Minturnes</it>, J. G. Drouais - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Marius à Minturnes, J. G. Drouais

Son renom était désormais européen, mais il continuait à se heurter à la sourde animosité de l'Académie, jalouse d'une ascension aussi rapide, rendue manifeste par le développement de l'atelier du peintre et, en 1784, le succès au prix de Rome de son élève favori, Jean Germain Drouais (1763-1788), que devaient suivre François-Xavier Fabre (1766-1837) en 1787 et Girodet en 1789. L'animosité était réciproque : David jugeait routinier et dépassé l'enseignement de l'Académie, qu'il aurait voulu réformer. Il espéra ainsi, en 1787, être nommé directeur de l'Académie de France, à Rome, mais d'Angiviller lui préféra François[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Barthélémy JOBERT. DAVID JACQUES LOUIS (1748-1825) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Jacques Louis David - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Jacques Louis David

Étude d'ensemble pour le «Serment des Horaces», J. L. David, 1 - crédits : École nationale supérieure des beaux-arts, Paris

Étude d'ensemble pour le «Serment des Horaces», J. L. David, 1

<it>Portrait d'Antoine Laurent Lavoisier et de sa femme</it>, J.-L. David - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait d'Antoine Laurent Lavoisier et de sa femme, J.-L. David

Autres références

  • LE SERMENT DES HORACES (J. L. David)

    • Écrit par
    • 219 mots

    Après avoir obtenu le prix de Rome en 1775, David (1748-1825) séjourna dans la métropole italienne et voyagea dans la péninsule jusqu'en 1780. Cette période fut cruciale pour lui : c'est à Rome, alors un des principaux foyers artistiques européens et le berceau du néo-classicisme...

  • BOUCHER FRANÇOIS (1703-1770)

    • Écrit par
    • 3 747 mots
    • 2 médias
    ...expliquer les sujets peints et dessinés par Jean-Baptiste Huet au début de sa carrière sans Boucher, dont il a transposé, voire pastiché les modèles ? Comment comprendre, même, les œuvres de jeunesse de David, ses morceaux de concours pour les Prix, sans rappeler qu'il fut l'élève de Boucher, dont il...
  • ROMANTISME

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  • CLASSIQUE ARCHITECTURE

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    ... siècle, du champ de la littérature dans celui des beaux-arts. On parle d'« école classique » pour désigner la « nouvelle école » de David, « imitatrice des Grecs et régulière dans ses compositions », et, dans la bataille romantique, le mot est employé pour désigner les artistes qui...
  • DELÉCLUZE ÉTIENNE JEAN (1781-1863)

    • Écrit par
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    Critique d'art. Témoin lucide des événements — et des bouleversements artistiques — qui ont marqué la France de la Révolution au second Empire, Delécluze a, tout au long de sa très abondante production de critiques (plus d'un millier d'articles), manifesté une inlassable fidélité aux valeurs...

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