Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DAVID JACQUES LOUIS (1748-1825)

Le peintre de Napoléon

Avec Bonaparte, David trouva définitivement son grand homme, auquel il devait, jusqu'à sa mort, comme beaucoup d'autres Jacobins, vouer une fidèle admiration. Il n'entra vraiment en contact avec le général que vers 1797, souhaitant faire son portrait (ébauché et resté inachevé, Louvre), sortant enthousiasmé de leur première rencontre et disant à ses élèves (le mot est rapporté par Delécluze) : « Quelle belle tête il a ! C'est pur, c'est grand, c'est beau comme l'antique ! [...] C'est un homme auquel on aurait élevé des autels dans l'antiquité [...]. Bonaparte est mon héros. » Cet engouement ne devait pas toujours être payé de retour. Le consul, puis l'Empereur firent certes de David une sorte de conseiller officieux en matière artistique – il fut nommé premier peintre en 1804 –, mais son rôle fut relativement mineur : il donna quelques dessins de costumes et des modèles de mobilier (il avait déjà, bien auparavant, fait exécuter par Georges Jacob, pour son usage personnel, les meubles du Brutus), mais, en matière d'art décoratif, il se heurtait à la faveur de Charles Percier et de Pierre François Léonard Fontaine.

<em>L’Empereur Napoléon dans son cabinet de travail aux Tuileries</em>, J.-L. David - crédits : Courtesy National Gallery of Art, Washington

L’Empereur Napoléon dans son cabinet de travail aux Tuileries, J.-L. David

Quant à la peinture, il rencontra sur son chemin, outre l'active ambition de Vivant-Denon et l'hostilité latente de ses collègues de l'Institut, toujours jaloux de ses succès et de ses élèves, l'inertie de l'administration, peu désireuse de lui accorder les prérogatives qu'il demandait, et qui auraient fait de lui une sorte de Le Brun. Ses fonctions furent en réalité purement honorifiques et cela n'empêcha pas de graves et permanents conflits, tant pour les commandes que pour les paiements, jugés excessifs, que l'artiste exigeait. Ses relations avec la bureaucratie impériale furent infiniment plus tendues que ne l'avaient été, sous Louis XVI, ses rapports avec la direction des bâtiments, et il est très loin d'avoir été le dictateur des arts que l'on imagine. C'est ainsi que, dans son atelier, se manifestaient les courants les plus divers, celui des « primitifs », partisans d'un retour à une pureté archaïque de la ligne, regroupés autour de Maurice Quaï, ou celui des « troubadours » avec Pierre Révoil ou Fleury Richard. Venus de toute l'Europe, ses élèves, au total plusieurs centaines, trouvèrent en David un pédagogue libéral aux qualités unanimement reconnues, soucieux de leur individualité, ses disciples les plus doués poursuivant dans des voies souvent très différentes de la sienne, mais en lui restant tous très attachés : rares sont ceux qui, comme Ingres, se détachèrent du maître. Celui-ci se consacra presque uniquement, pendant toute cette période, à des œuvres en rapport avec l'épopée impériale : portraits de Bonaparte au Grand-Saint-Bernard (cinq versions ; original : 1800, Malmaison), portraits de Pie VII (trois versions ; original : 1805, Louvre), portraits de Napoléon en costume impérial (plusieurs versions, 1805-1807), Napoléon dans son cabinet de travail (deux versions ; original : 1812, National Gallery, Washington) ; et surtout les scènes du sacre de l'Empereur : quatre étaient prévues, deux seulement furent exécutées, Le Sacre proprement dit (1805-1807, Louvre) et La Distribution des aigles (1810, Musée national du château de Versailles). David, dans toutes ces œuvres, sut allier le réalisme dans la description des décors et des costumes à l'idéalisation de la composition et du caractère, insistant tantôt sur un aspect, tantôt sur un autre. Le général conquérant, « calme sur un cheval fougueux » – ce qui a peu à voir avec la réalité historique de Bonaparte franchissant les Alpes à dos de mulet –, s'intègre naturellement à la tradition picturale et sculpturale de la grande figure équestre. L'Empereur dans son cabinet des Tuileries[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Barthélémy JOBERT. DAVID JACQUES LOUIS (1748-1825) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Jacques Louis David - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Jacques Louis David

Étude d'ensemble pour le «Serment des Horaces», J. L. David, 1 - crédits : École nationale supérieure des beaux-arts, Paris

Étude d'ensemble pour le «Serment des Horaces», J. L. David, 1

<it>Portrait d'Antoine Laurent Lavoisier et de sa femme</it>, J.-L. David - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait d'Antoine Laurent Lavoisier et de sa femme, J.-L. David

Autres références

  • LE SERMENT DES HORACES (J. L. David)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 219 mots

    Après avoir obtenu le prix de Rome en 1775, David (1748-1825) séjourna dans la métropole italienne et voyagea dans la péninsule jusqu'en 1780. Cette période fut cruciale pour lui : c'est à Rome, alors un des principaux foyers artistiques européens et le berceau du néo-classicisme...

  • BOUCHER FRANÇOIS (1703-1770)

    • Écrit par Marianne ROLAND MICHEL
    • 3 747 mots
    • 2 médias
    ...expliquer les sujets peints et dessinés par Jean-Baptiste Huet au début de sa carrière sans Boucher, dont il a transposé, voire pastiché les modèles ? Comment comprendre, même, les œuvres de jeunesse de David, ses morceaux de concours pour les Prix, sans rappeler qu'il fut l'élève de Boucher, dont il...
  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...efficace chez les littérateurs, elle jeta dans l'art une grande confusion. En effet, on assimilait volontiers le concept de classicisme à l'école de David. Or David avait justement opéré une révolution, volontaire et brutale, pour détruire la tradition académique, et l'on voit à l'intérieur de ce que...
  • CLASSIQUE ARCHITECTURE

    • Écrit par Claude MIGNOT
    • 4 847 mots
    • 5 médias
    ... siècle, du champ de la littérature dans celui des beaux-arts. On parle d'« école classique » pour désigner la « nouvelle école » de David, « imitatrice des Grecs et régulière dans ses compositions », et, dans la bataille romantique, le mot est employé pour désigner les artistes qui...
  • DELÉCLUZE ÉTIENNE JEAN (1781-1863)

    • Écrit par Jean-Pierre MOUILLESEAUX
    • 749 mots

    Critique d'art. Témoin lucide des événements — et des bouleversements artistiques — qui ont marqué la France de la Révolution au second Empire, Delécluze a, tout au long de sa très abondante production de critiques (plus d'un millier d'articles), manifesté une inlassable fidélité aux valeurs...

  • Afficher les 15 références

Voir aussi