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POLLOCK JACKSON (1912-1956)

Plus qu'aucune autre en ce siècle, l'œuvre de Jackson Pollock aura souffert de la légende de l'artiste à laquelle celui-ci a malheureusement contribué en déclarant : « Quand je suis dans mon tableau, je ne suis pas conscient de ce que je fais. » Rendu célèbre dans les années 1950 par les photographies de Hans Namuth le montrant au travail dans son atelier et par l'interprétation « existentialiste » de son art par Harold Rosenberg (qui inventa l'expression d' action painting), le peintre fut longtemps considéré comme un excité dont les éclaboussures étaient la transcription directe et pathétique des états d'âme. Pourtant, un critique comme Clement Greenberg sut très tôt déceler la part considérable d'élaboration esthétique dans les toiles de Pollock et affirma que plus qu'un document psychopathologique il s'agissait là d'une des entreprises picturales les plus importantes de ce siècle. « Pollock brisa la glace », dit de lui un de ses confrères, Willem De Kooning : il est à l'origine du foisonnement extraordinaire de l'art d'outre-Atlantique après 1945.

Formation

Né dans l'Ouest américain – il en garda toute sa vie une nostalgie pour les grands espaces et un intérêt très vif pour l'art des Indiens –, Pollock fut initié à la peinture dès son adolescence par son frère Charles. En 1930, il rejoint celui-ci à New York pour y étudier avec Thomas Hart Benton, le chef de file de l'école régionaliste, qui s'oppose aux médiocres tentatives des peintres américains pour imiter l'avant-garde européenne et inculque à ses élèves un fort respect pour la Renaissance italienne. Cet enseignement n'est pas seulement « quelque chose contre quoi réagir violemment plus tard », comme aimera à le dire Pollock : il en retient un mode d'organisation contrapuntique de la surface picturale autour de pôles sous-jacents, dont il fera grand usage. C'est aussi grâce à Benton qu'il prend contact avec les muralistes mexicains, alors très actifs aux États-Unis : en 1936, il entre dans l'« atelier expérimental » de Siqueiros, où il s'initie aux techniques nouvelles utilisées pour la production de fresques ou de bannières politiques (peinture à la bombe, pigments synthétiques). Simultanément, il participe de 1935 à 1943 au Works Progress Administration, vaste programme de soutien financier aux artistes mis en œuvre par Roosevelt ; c'est de cette période que datent son intérêt pour la peinture murale et ses premières réflexions sur la nécessité d'abandonner la peinture de chevalet. À travers des revues comme Cahiers d'art, il découvre l'art de Picasso et de Miró (« les deux artistes que j'admire le plus ») et les théories des surréalistes, qui allaient bientôt débarquer à New York. Des premiers, il goûte surtout l'invention graphique (contours à double sens de Picasso, liberté « biomorphique » de Miró) ; des seconds, les notions d'automatisme et d'inconscient. Mais cette période de formation n'est pas qu'enthousiaste : pris entre les feux croisés de ses admirations contradictoires, le jeune artiste connaît une crise au cours de laquelle il sombre dans l'alcoolisme. C'est au traitement psychanalytique qu'il entreprend en 1939 que nous devons la part la plus personnelle de son œuvre de jeunesse, le dessin étant alors utilisé par son analyste à des fins thérapeutiques. Mais cette production a aussi engendré l'un des contresens les plus courants faits sur son art : des kyrielles d'historiens d'art, arguant de l'obédience jungienne de son analyste, voudront plus tard retrouver dans ses œuvres majeures des allusions mythiques, des traces d'« inconscient collectif » et gommer ainsi la nature fondamentalement abstraite de son entreprise.[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

Classification

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