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BOGART HUMPHREY (1899-1957)

Smoking blanc, œillet à la boutonnière et verre de whisky à la main, dans le cabaret de Casablanca (1942), il égrène des souvenirs douloureux : le film, un des plus populaires au monde, a fait de Humphrey Bogart l'incarnation du romanesque hollywoodien dans ce qu'il a de meilleur. Borsalino sur l'œil, trench-coat serré, Bogart se passe dubitativement le pouce sur la lèvre. Un genre (le film noir), une époque (les années 1940) pourraient se réduire à cette icône.

<it>The African Queen</it>, de John Huston - crédits : Horizon Pictures and Romulus Films Ltd./ Collection privée

The African Queen, de John Huston

Fils d'un médecin new-yorkais en vue, Humphrey Bogart naquit dans un milieu aisé le 23 janvier 1899 à New York. Étudiant indiscipliné, puis militaire sans éclat, après la guerre (qui lui valut une blessure qui laissa sa lèvre supérieure inerte, engendrant un sourire-rictus et un geste caressant du pouce qui resteront à jamais liés à sa « persona » cinématographique), il se retrouva, fortuitement, dans le métier du théâtre : d'abord comme garçon de bureau, puis comme régisseur et enfin comme acteur, par nécessité financière, en 1922. Tout en jouant les jeunes premiers dans plusieurs pièces de théâtre, il arrondissait ses fins de mois en travaillant dans les studios de cinéma de la capitale, dès 1930.

Un aventurier sentimental

Profitant du passage au cinéma parlant qui valut à plusieurs acteurs de théâtre, familiers de la diction, d'être engagés à Hollywood, Humphrey Bogart part pour la Californie où la Fox lui fait tourner cinq films (dont un avec John Ford). Le fils de grand bourgeois est déjà le mauvais garçon patibulaire, à la démarche nerveuse et au débit de mitraillette, mais il n'impressionne guère et revient à Broadway. En 1934, c'est encore un rôle de truand qui lui échoit dans la pièce de Robert Sherwood, La Forêt pétrifiée où il occupe la scène longtemps et de manière électrisante. La pièce remporte un immense succès. La Warner Bros. en achète les droits d'adaptation et demande à Leslie Howard, créateur du rôle principal, de le reprendre dans la version filmée (The Petrified Forest, Archie Mayo, 1936). Celui-ci n'accepte qu'à une condition : qu'Humphrey Bogart y reprenne également son rôle de Duke Mantee. La réalisation est assez terne, mais les partenaires (Leslie Howard, Bette Davis) sont éclatants et Bogart, excellent, y gagne un contrat à long terme avec la Warner, qui restera jusqu'au début des années 1950 son studio principal. Malheureusement, c'est sans montrer beaucoup d'imagination qu'on lui confie des rôles de malfrats, même si certains films ne sont pas sans qualité (Rue sans issue [Dead End], William Wyler, 1937 ; Les Anges aux figures sales[Angels with Dirty Faces], Michael Curtiz, 1938).

Casablanca, M. Curtiz - crédits : Picture Post/ Moviepix/ Getty Images

Casablanca, M. Curtiz

C'est essentiellement grâce à trois refus de George Raft, star du studio spécialisé dans l'emploi de « dur », qu'Humphrey Bogart va accéder au mythe, dans un Hollywood que la guerre a privé de nombreuses vedettes masculines : La Grande Évasion (High Sierra, Raoul Walsh, 1941), Le Faucon maltais (The Maltese Falcon, John Huston, 1941) et Casablanca, de Michael Curtiz, en 1942. Dans le premier film, Bogart confère une humanité touchante à Roy Earle, gangster traqué au grand cœur, qui mourra tragiquement dans le décor grandiose des rochers arides de la Sierra. Adaptation d'un roman de Dashiel Hammett, Le Faucon maltais crée un genre (le film noir), et Bogart y fixe avec précision l'archétype cinématographique du détective privé : Sam Spade n'est pas seulement un dur à cuire, il se montre sensible et possède un code d'honneur intransigeant. Enfin Casablanca, en le confrontant à la féminité frémissante d'une Ingrid Bergman, toute de blanc vêtue, et en donnant à son sens de l'honneur une dimension politique, achève de le propulser au firmament d'Hollywood. Il a désormais ses accessoires fétiches : la cigarette, le verre de whisky,[...]

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Écrit par

  • : historien du cinéma, professeur émérite, université de Caen-Normandie, membre du comité de rédaction de la revue Positif

Classification

Pour citer cet article

Christian VIVIANI. BOGART HUMPHREY (1899-1957) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>The African Queen</it>, de John Huston - crédits : Horizon Pictures and Romulus Films Ltd./ Collection privée

The African Queen, de John Huston

Casablanca, M. Curtiz - crédits : Picture Post/ Moviepix/ Getty Images

Casablanca, M. Curtiz

Autres références

  • BACALL LAUREN (1924-2014)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 1 647 mots
    • 1 média
    ...entre le cinéma et la vie ; Hawks n'avait pas imaginé que la rencontre entre Hemingway et sa propre épouse, que conte le film, se doublerait de celle de Bogart et de Bacall. Il sera même dépité de l'idylle naissante entre les protagonistes : est-ce pour cette raison qu'il revendra rapidement le contrat...
  • CASABLANCA, film de Michael Curtiz

    • Écrit par Kristian FEIGELSON
    • 894 mots
    • 1 média
    ...coexistent sur un plateau reconstituant la casbah en studio. Sa construction autour d'une unité de lieu, le café Rick, accentue l'atmosphère théâtrale. Le film consacre aussi un duo d'acteurs opposant Humphrey Bogart, aventurier et alcoolique, à Ingrid Bergman, femme énigmatique, tous deux révélés...
  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    En 1941, précisément, Humphrey Bogart interprète un gangster qui sort de prison dans La Grande Évasion (High Sierra) de Raoul Walsh. Dès lors, il impose son personnage, puis son mythe. Avec la complicité de ses amis Huston, Hawks et Walsh, il va donner au film noir ses lettres de noblesse : Le...
  • POLICIER FILM

    • Écrit par Universalis, Jean TULARD
    • 4 270 mots
    • 5 médias
    ...un personnage du Corbeau en faisant osciller une lampe. Mais où est l'ombre ? Où est la lumière ? » Nul héros n'est plus ambigu que Bogart, dandy rageur et fatigué, paladin sans peur mais nullement sans reproche du film noir américain, agissant constamment aux frontières de la légalité...

Voir aussi