HISTAMINE

L'histamine, tout comme l'adrénaline, l'acétylcholine, la 5-hydroxytryptamine, appartient à une série de substances pharmacologiques emmagasinées dans les cellules vivantes et dotées à la fois d'une puissante activité et d'une grande toxicité. L'histamine possède certainement dans les conditions normales, une fonction régulatrice de la vasomotricité ; mais ses effets se manifestent plus particulièrement au cours de certains processus pathologiques, et, notamment, lors des troubles graves qui caractérisent le choc allergique.

Découverte d'abord dans l' ergot de seigle, qui contient d'autres poisons tels les dérivés de l'acide lysergique (L.S.D.) utilisés aujourd'hui en thérapeutique humaine, elle a été synthétisée par A. Windaus et W. Vogt en 1907. Le grand physiologiste anglais H. H. Dale a montré les puissants effets qu'elle exerce sur la microcirculation, les muscles lisses et les sécrétions digestives. Vers 1920, C. H. Best, H. H. Dale et leurs collaborateurs ont mis en évidence et localisé cette amine biogène dans les tissus animaux et humains, ce qui est en faveur de sa fonction physiologique réelle.

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La découverte, à quarante ans d'intervalle, des antihistaminiques de synthèse (dont on sait maintenant qu'ils portent sur les récepteurs H1) et des antagonistes des récepteurs H2, s'est accompagnée d'un nombre considérable de travaux de recherche. Deux chapitres importants de la pharmacologie ont été ainsi fondés ; l'effet thérapeutique qui en a suivi est véritablement considérable.

Histamine

Répartition tissulaire

Mastocyte : réaction anaphylactique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mastocyte : réaction anaphylactique

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Chez les Mammifères, l'histamine n'est pas élaborée par un organe particulier ; elle est présente dans tous les tissus en plus ou moins grande quantité. Sa teneur élevée dans les tissus de revêtement cutanéomuqueux, qui sont les plus exposés aux traumatismes, aux infections et aux agressions en général, ainsi que ses puissants effets sur la microcirculation, apportent des arguments en faveur de l'intervention de ce médiateur chimique dans l'organisation de la réaction inflammatoire (cf. inflammation). Des travaux plus récents indiquent que l'histamine se trouve concentrée dans les mastocytes, cellules tissulaires d'une morphologie très particulière et bourrées de granulations métachromatophiles ; disséminées dans l'ensemble du tissu conjonctif, elles se localisent de préférence autour des petits vaisseaux et des organes à muscles lisses. Or, ce sont précisément ces structures qui sont électivement sensibles à l'histamine.

Au cours de la réaction allergique, les mastocytes subissent des modifications morphologiques frappantes : la cellule expulse avec violence les granulations qui vont se disperser autour d'elle. Ces granulations contiennent de l'héparine et probablement aussi de l'histamine, de la 5-hydroxytryptamine et d'autres substances qui interviennent dans la réaction allergique.

Origine et forme biochimique

L'histamine, ou β-imidazoléthylamine, résulte de la décarboxylation d'un précurseur naturel, l'histidine (aminoacide présent dans presque tous les constituants protidiques des Vertébrés), sous l'action d'une enzyme, l'histidine-décarboxylase.

Antihistaminiques de synthèse - crédits : Encyclopædia Universalis France

Antihistaminiques de synthèse

Action de l'histamine - crédits : Encyclopædia Universalis France

Action de l'histamine

Le problème qui se pose aux biologistes est le suivant : l'histamine, par ses propriétés physiologiques, est un poison puissant, puisqu'une dose de 500 μg environ tue un cobaye en quelques minutes. Or, si on totalise toute la quantité de cette substance présente dans un organisme de Mammifère supérieur, l'Homme par exemple, on trouverait un chiffre égal à plusieurs dizaines de doses mortelles. Il faut donc admettre que, dans les conditions normales, l'histamine présente dans les tissus est inactive. Elle forme avec certains composés une protéine et de l'héparine, un complexe. Lorsqu'elle est libérée sous forme active, elle déclenche des perturbations physiologiques plus ou moins sévères, qui peuvent mettre la vie en danger. On a tout lieu de croire que, dans l'organisme, l'histamine existe sous trois formes : sous forme libre, elle est présente dans les humeurs en quantité infime ; sous forme labile, elle se trouve en majeure partie dans les mastocytes, et elle est libérée au cours de la réaction allergique ; sous forme liée, elle est présente dans presque tous les tissus normaux et pathologiques et elle ne peut être libérée qu'après traitements à l'aide de réactifs chimiques forts.

Récepteurs histaminiques H1 et H2

La stimulation de la sécrétion gastrique par l'histamine est connue depuis 1920 ; et, depuis cette époque, un débat était ouvert pour savoir s'il s'agissait d'une action purement pharmacologique ou si cette amine jouait un rôle dans la physiologie sécrétoire de l' estomac, comme le voulait C. Code. Fait remarquable, cette action gastrosécrétagogue n'était pas inhibée par les premiers antihistaminiques connus, dérivés des travaux de B.  Halpern. En 1966. A. S. F. Ash et H. O. Schild considèrent qu'il faut distinguer les récepteurs pharmacologiques intervenant dans les réponses à l'histamine et pouvant être bloqués par un puissant antihistaminique : la mépyramine. Ils leur attribuent le nom de récepteurs H1. En 1972, J. W. Black et son équipe dénomment récepteurs H2 les récepteurs concernés par une non-réponse à la mépyramine (sécrétion gastrique, utérus, atrium cardiaque), et, surtout, ils apportent la preuve que des molécules de synthèse présentant de grandes analogies avec l'histamine peuvent bloquer la réponse de ces organes à l'histamine. Ainsi est élaborée la notion fondamentale d'antagoniste des récepteurs H2 à l'histamine.

La répartition entre récepteurs H1 et H2 en fonction des organes et des effets obtenus apparaît sur le tableau, qui montre la très grande diffusion de ces récepteurs.

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Les récepteurs H2 sont très généralement couplés à un système enzymatique régulateur de fonctions cellulaires spécifiques, le système adénylate cyclase (E. W. Sutherland) aboutissant à la formation d'adénosine-monophosphatase cyclique (cAMP).

On peut admettre que, dans les systèmes digestif, de reproduction, respiratoire, cardio-vasculaire, nerveux et sanguin, les deux types de récepteurs histaminiques interviennent de manière concourante à l'état physiologique et probablement pathologique. Ceci semble particulièrement vrai pour les processus immunitaires : libération d'antigènes, cytotoxicité à médiation lymphocytaire, allergie, anaphylaxie.

Les récepteurs histaminiques du système nerveux se répartissent également entre H1 et H2 avec peut-être une troisième classe particulière. Parmi les fonctions physiologiques reconnues, citons la sécrétion de prolactine (H1) et d'ACTH (adrénocorticotrophic hormone) avec les actions antagonistes d'H1 et H2. D'autre part, il semble que certaines médications psychotropes puissent exercer leur activité par le jeu d'une action de blocage ou de stimulation des récepteurs H2 du cerveau (antidépresseurs tricycliques, clonidine). Très généralement, l'idée prévaut qu'il existe des voies nerveuses histaminergiques, dont l'étude est susceptible d'amener un renouvellement de la physiologie nerveuse.

Choc anaphylactique

L'administration d'histamine à un animal ou à l'homme détermine une série de dérèglements graves qu'on désigne sous le terme de choc histaminique. Chez la plupart des espèces animales et chez l'homme, le tableau clinique est composé d'une dépression circulatoire grave, accompagnée d'une contraction des organes à muscles lisses : bronches, viscères digestifs, utérus, vessie... L'effondrement de la pression artérielle est dû à une perte de tonus des artérioles terminales, qui a pour conséquence une dilatation du réseau capillaire, dont la perméabilité s'accroît. Cela détermine la séquestration périphérique d'une part importante de la masse sanguine, en même temps que le sang devient plus visqueux. L'hypovolémie, la baisse du régime circulatoire et une hyperviscosité sanguine sont les trois éléments du choc histaminique.

La contraction des organes à muscles lisses explique les troubles, tels que la dyspnée asthmatiforme, les coliques, la diarrhée, qui constituent les autres symptômes du choc histaminique.

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Or, le choc anaphylactique qui survient chez un individu allergique après administration d'une substance allergique à laquelle ce dernier est sensibilisé est, par ses symptômes et son évolution, superposable au choc histaminique. Les mesures des taux d'histamine dans la circulation indiquent qu'il existe une corrélation certaine entre les taux d'histamine circulante et l'intensité du choc anaphylactique.

L'histamine, injectée par voie intradermique, provoque une réaction érythématopapuleuse qui reflète l'action locale de cette amine sur le réseau vasculaire terminal. La papule urticariforme, que détermine l'application locale de l'allergène par scarification ou par son injection intradermique chez un individu sensibilisé, relève d'une libération d'histamine.

Substances histaminolibératrices

Les substances histaminolibératrices sont susceptibles de produire les mêmes réactions que le choc allergique en libérant l'histamine par action directe sur la cellule, sans qu'il y ait nécessairement une sensibilisation préalable. Ces substances appartiennent à des séries chimiques très différentes : alcaloïdes, amines aromatiques, macromolécules, enzymes, venins et toxines. Elles sont capables de provoquer, chez n'importe quel sujet, des réactions locales et systématiques identiques à celles qui sont produites par le processus immunologique (fig.2).

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VII, faculté Xavier-Bichat, chef du service de gastroentérologie à l'hôpital Bichat
  • : membre de l'Institut, professeur au Collège de France, directeur de l'Institut d'immunologie

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Mastocyte : réaction anaphylactique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mastocyte : réaction anaphylactique

Antihistaminiques de synthèse - crédits : Encyclopædia Universalis France

Antihistaminiques de synthèse

Action de l'histamine - crédits : Encyclopædia Universalis France

Action de l'histamine

Autres références

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    • 1 média
    ...de la crise d'asthme allergique, la bronchoconstriction est la conséquence de l'interaction entre un allergène et un anticorps, qui libère des substances spasmogènes telles que l'acétylcholine et l'histamine. En effet, le calibre des bronchioles est sous le contrôle du système nerveux autonome :
  • ALLERGIE & HYPERSENSIBILITÉ

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    ... symptômes du choc anaphylactique varient selon les espèces animales, mais ils sont identiques chez la même espèce, quel que soit l'antigène utilisé. Les manifestations cliniques sont dues essentiellement à la libération massive de l'histamine cellulaire. Chez tous les mammifères, on observe...
  • AMINOACIDES ou ACIDES AMINÉS

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    ...quantité, les IgE sont les immunoglobulines responsables de la réaction d'hypersensibilité immédiate, du fait de leur capacité à se lier aux récepteurs cellulaires à haute affinité des mastocytes et basophiles, entraînant la sécrétion immédiate d'histamine et autres substances à effet inflammatoire.
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Voir aussi