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HÉLIOCENTRISME

La nouvelle astronomie, source de la physique moderne

Mais plus profondément peut-être, la nouvelle astronomie devait bouleverser la physique. La cosmologie de Ptolémée s'appuyait sur une physique qui l'avait largement précédée ; l'ensemble formait un tout certes non exempt de faiblesses, et même de contradictions partielles, mais globalement cohérent. Copernic propose une nouvelle cosmologie sans faire œuvre de physicien alors que cette cosmologie est incompatible avec la physique d'Aristote. Le monde savant se retrouve face à une cosmologie pour ainsi dire... suspendue dans le vide ! Le dilemme est simple : ou bien adhérer à la nouvelle cosmologie, pour des raisons astronomiques ou philosophiques, et répudier la physique d'Aristote, et, donc, se voir obligé d'en construire une nouvelle ; ou bien garder la physique aristotélicienne et refuser l'héliocentrisme.

Galilée, J.Sustermans - crédits : Universal History Archive/ Getty Images

Galilée, J.Sustermans

C'est en ces termes que Galilée pose le problème, dès la première journée du Dialogue sur les deux principaux systèmes du monde (1632). Car Galilée a sinon des preuves du moins des raisons fortes d'adhérer à l'héliocentrisme (ne serait-ce que l'observation des phases de Vénus). Il adoptera donc la cosmologie de Copernic et construira une nouvelle physique avec le succès et les conséquences que l'on sait. Et, si Galilée détermine, entre autres, les lois de la chute des graves, Kepler, lui, déterminera celles des mouvements planétaires, et Huygens, celle de la force centrifuge. Il faudra le génie de Newton pour unifier ces approches différentes, découvrir la gravitation universelle, montrer qu'une seule physique s'applique à la Terre et au ciel et fonder la mécanique céleste.

Apparu sans nécessité impérieuse, l'héliocentrisme n'a, dans un premier temps, apporté aucune facilité nouvelle à la pratique quotidienne de l'astronomie. De toute façon, à une époque où la dynamique – c'est-à-dire la détermination des mouvements à partir des forces mises en jeu – n'existe pas, où l'ambition des astronomes se borne à une description cinématique rationnelle des apparences célestes, le « meilleur système » de référence n'est pas celui de Copernic, mais celui de Tycho Brahe, qui cumule l'avantage ptolémaïque d'un observateur terrestre fixe et l'un des avantages coperniciens, la compréhension immédiate du comportement différent des planètes inférieures et des planètes supérieures. Ce sera lorsque les astronomes, utilisant la loi de la gravitation universelle, détermineront les mouvements des corps célestes à partir de leur position, de leur vitesse et des forces en présence, que la supériorité du système héliocentrique se révélera évidente : c'est dans ce système que les équations, dont la résolution donne les mouvements, se formulent le plus simplement. C'est donc cent cinquante ans après la parution du De revolutionibus qu'éclate la supériorité de l'héliocentrisme dans un domaine insoupçonnable au temps de son inventeur. Et c'est bien dans la singularité de son apparition et dans ses virtualités exceptionnelles que réside la grandeur de l'œuvre de Copernic.

— Jean-Pierre VERDET

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Pour citer cet article

Jean-Pierre VERDET. HÉLIOCENTRISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Le système de Copernic - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Le système de Copernic

Ptolémée, Juste de Gand - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Ptolémée, Juste de Gand

Galilée, J.Sustermans - crédits : Universal History Archive/ Getty Images

Galilée, J.Sustermans

Autres références

  • THÉORIE HÉLIOCENTRIQUE D'ARISTARQUE DE SAMOS

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 222 mots

    L'observation du ciel conduit tout naturellement à penser que c'est le Soleil qui tourne autour de la Terre : c'était l'opinion d'Aristote (385 env.-322 avant J.-C.) et de ses contemporains. Un siècle après Aristote, Aristarque de Samos (310 env.-env. 230 avant J.-C.) émet l'hypothèse...

  • THÉORIE HÉLIOCENTRIQUE DE COPERNIC

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 297 mots
    • 2 médias

    Dans un manuscrit – De hypothesibus motuum caelestium a se constitutis commentariolus, plus connu sous le titre abrégé de Commentariolus – distribué discrètement à des amis sûrs en 1512 ou 1513 (en tout cas avant le 1er mai 1514), Nicolas Copernic formule les principes de sa théorie héliocentrique...

  • ASTRONOMIE

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 11 339 mots
    • 20 médias
    ...avance sur ses contemporains quand il affirme que la Terre, loin d'être fixe, non seulement tourne sur elle-même comme l'a proposé Héraclide, mais aussi décrit une orbite circulaire autour du Soleil, qui devient le centre de tous les mouvements. Cela explique l'alternance des saisons et simplifie considérablement...
  • BRUNO GIORDANO (1548-1600)

    • Écrit par Jean SEIDENGART
    • 5 290 mots
    ... et, par-delà ce dernier, à l'idée d'un Univers infini. Certes, Copernic était resté attaché au finitisme cosmologique, même si son système héliocentrique avait agrandi considérablement les dimensions du monde. Ce que Bruno retient de lui, c'est essentiellement sa réduction de l'illusion...
  • COPERNIC NICOLAS (1473-1543)

    • Écrit par Universalis, Jean-Pierre VERDET
    • 5 395 mots
    • 5 médias
    Chez Copernic, l'Univers s'harmonise. Au centre, le Soleil ; puis viennent Mercure, Vénus, la Terre, qui prend rang de simple planète, Mars, Jupiter et Saturne, puis la sphère des étoiles fixes. Là, point de rupture : il y a un lien simple entre les distances par rapport au Soleil et la durée des...
  • DESCARTES RENÉ (1596-1650)

    • Écrit par Ferdinand ALQUIÉ
    • 12 505 mots
    • 2 médias
    ...« même si on le propose à titre d'hypothèse ». En novembre, Descartes apprend cet arrêt (qui, du reste, rappelait une condamnation plus ancienne de l' héliocentrisme, celle de 1616). Il renonce aussitôt à publier Le Monde. La décision de Descartes fut-elle inspirée par la peur, la prudence et le souci...
  • Afficher les 17 références

Voir aussi