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GROTESQUES, histoire de l'art

Le mot grotesque est apparu vers la fin du xve siècle, lors de la découverte de décors peints sur les murs de maisons romaines enterrées (et donc semblables à des grottes), à Rome et dans la campagne romaine. La Domus Aureaou Maison dorée — la maison de Néron — est la plus connue de ces demeures.

Les grotesques sont les décorations qui couvraient entièrement les murs des appartements de la Rome du ier siècle avant J.-C. Ce décor se compose d'architectures illusionnistes, de scènes à personnages, de paysages, d'enroulements de feuillages qui remplacent les colonnes, de candélabres formés de tempietti, de baldaquins composés d'enroulements de feuilles et de fleurs, de figures fantastiques, mi-humaines, mi-animales, qui naissent des feuillages.

Ces motifs non naturalistes furent critiqués par les tenants d'un art rationnel ou classique, qui préconisaient la réalité comme objet de l'art. Vitruve, dans son traité sur l'architecture (ier s av. J.-C.), fut le plus sévère à cet égard.

Cet ornement a connu dès sa redécouverte un grand succès, qui ne s'éteindra qu'au début du xixe siècle. Tout au long du xvie siècle, les artistes ont imité les grotesques antiques et ont laissé des décors de ce style, ainsi Luca Signorelli (chapelle Saint-Brice, 1499-1504, cathédrale d'Orvieto), Pinturrichio, Raphaël et Giovanni da Udine (loggia du palais du Vatican, 1517-1518), Giovanni da Udine et Jules Romain (villa Madame, Rome, env. 1520-1525). Des artistes de la génération suivante ont aussi réalisé d'importants décors de grotesques : Perino del Vaga (château Saint-Ange, Rome, 1540-1545), Marco Marchetti (Palazzo Vecchio, Florence, 1556-1557 ; loggia du Vatican, 1572-1585). Plusieurs séries d'estampes ont fait connaître ces décors et ont contribué à la diffusion des grotesques en Europe : en France, par exemple, les estampes de Domenico del Barbiere, avant 1566, et de Jacques Androuet du Cerceau en 1566.

Après la Contre-Réforme, dans la seconde moitié du xviie siècle et durant tout le xviiie siècle, les grotesques ont connu un renouveau d'intérêt, les artistes se détachant alors des exemples de l'Antiquité romaine et de la Renaissance (J. Berain, D. Marot, C. Audran, C. Gillot, A. Watteau, G. M. Oppenordt). Plus tard, les artistes renouèrent avec les modèles de la Renaissance, en particulier ceux de Raphaël et de ses élèves (Juste-Nathan Boucher par exemple).

Depuis le début du xviiie siècle, le mot arabesque a été utilisé pour décrire les grotesques modernes, alors même que la stylisation des arabesques est à l'opposé de l'utilisation des éléments de la nature et de l'extrême fantaisie dont ils font l'objet dans les grotesques. On trouve aussi le mot grotesque dans la littérature, on l'applique également à des décors curieux, à des figures de monstre ou bien encore à des figures de fantaisie. Ce qui crée une confusion entre l'ornement peint proprement dit, son histoire et son développement, et tout ce qui est supposé en dériver ou tout ce qui peut y être associé (A. Chastel, La Grottesque, Paris, 1988).

— Peter FUHRING

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Écrit par

  • : historien de l'art, diplômé de l'université de Leyde, Pays-Bas

Classification

Pour citer cet article

Peter FUHRING. GROTESQUES, histoire de l'art [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARABESQUE, histoire de l'art

    • Écrit par Peter FUHRING
    • 3 448 mots
    ...de la Renaissance. Et au moment où l'arabesque disparaissait du répertoire ornemental courant, le mot fut appliqué à de nombreux motifs similaires. Les grotesques ont été improprement appelés arabesques sans doute parce qu'ils comportent des rinceaux et des entrelacs. Or l'origine de ces deux ornements...
  • ART DE COUR

    • Écrit par Philippe VERDIER
    • 4 801 mots
    • 1 média
    ...Flandre au cours de la seconde moitié du xiiie siècle, se multiplient dans les marges oiseaux et bestioles, et les grylles dans les bas de page. Ces grotesques témoignent d'un regard qui s'ouvre avec fraîcheur sur le bestiaire de la nature et d'un scepticisme irrespectueux à l'égard de la religion...
  • AUDRAN LES

    • Écrit par Colombe SAMOYAULT-VERLET
    • 561 mots

    Famille de graveurs, d'ornemanistes et de peintres français du xviie siècle et du début du xviiie siècle. Les personnages les plus célèbres de cette dynastie sont le graveur Gérard et le peintre ornemaniste Claude III.

    Gérard Audran (1640-1703) commença par étudier la gravure...

  • BRACELLI GIOVANNI BATTISTA (1re moitié XVIIe s.)

    • Écrit par Michel MELOT
    • 524 mots

    On ignore tout de la vie de cet artiste florentin qui est devenu subitement célèbre vers 1930, quand nombre d'artistes de l'avant-garde découvrirent en lui un étonnant précurseur. Les quelques gravures que l'on connaît de lui situent son activité entre 1624 et 1649, principalement à Rome, semble-t-il....

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Voir aussi