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BRACELLI GIOVANNI BATTISTA (1re moitié XVIIe s.)

On ignore tout de la vie de cet artiste florentin qui est devenu subitement célèbre vers 1930, quand nombre d'artistes de l'avant-garde découvrirent en lui un étonnant précurseur. Les quelques gravures que l'on connaît de lui situent son activité entre 1624 et 1649, principalement à Rome, semble-t-il. Mais seul son très curieux recueil qu'il intitula Bizarrie di varie figure mérite de retenir l'attention. Révélé par un article de L'Amateur d'estampes en 1928, il fut remarquablement analysé l'année suivante par sir Kenneth Clark dans le Print Collector's Quarterly. Ce recueil de cinquante estampes de petit format daté de 1624 comprend un titre, un frontispice, une dédicace, et quarante-sept gravures légèrement tracées à l'eau-forte, que Clark divise en trois groupes : « calembours » plastiques assez peu réussis (un port figurant un corps humain, un bateau composé de nus) ; une série de compositions humaines figurées par divers ustensiles assemblés (casseroles, raquettes) ; enfin, et le plus intéressant, des personnages réduits à des formes géométriques (sphères, cylindres, cubes) ou à des motifs divers, rubans, charpentes.

Clark voit avec raison dans ces inventions insolites l'application des recherches maniéristes dans le domaine de la « représentation figurée » — c'est-à-dire l'assimilation symbolique ou fantaisiste d'une image à un concept —, très à la mode depuis le milieu du xvie siècle, dans un monde de plus en plus fasciné par les machineries. Il faut ajouter que Bracelli travaille à une époque où le grotesque, jusqu'alors simple élément du décor, devient de plus en plus humoristique parce qu'il est associé aux représentations triviales mises à la mode en Italie par les Carrache, et qu'il est utilisé pour exprimer le burlesque du théâtre italien. La correction du dessin de Bracelli, l'élégance même de certaines attitudes interdisent cependant d'y voir, sinon un divertissement, du moins une œuvre comique. Cependant certains « calembours », comme ce personnage qui aiguise un couteau sur son ventre figuré par une meule, ressortissent nettement à la comédie, mais d'autres, qui ne sont pas sans évoquer les personnages « métaphysiques » de Giorgio de Chirico, sont tout aussi bien inquiétants ou fantastiques.

Des recherches techniques du même ordre, mais qui n'ont pas la même portée, avaient été menées un peu avant dans l'atelier de Cambiaso à Gênes, mais Bracelli est beaucoup plus original. On comprend alors son succès auprès des surréalistes. Outre ce recueil, Bracelli n'a fait que quelques gravures sans grand intérêt, dont une suite de Figure con instrumenti musicali (1629). Il est cité comme peintre mais on ne connaît aucun tableau de lui. Il n'existe que neuf exemplaires répertoriés des Bizzarie, dont un seul (coll. Rosenwald) complet. Il a été publié en fac-similé par Alain Brieux en 1963 avec une préface de Tristan Tzara.

— Michel MELOT

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Écrit par

  • : directeur de la bibliothèque publique d'information, Centre Georges-Pompidou

Classification

Pour citer cet article

Michel MELOT. BRACELLI GIOVANNI BATTISTA (1re moitié XVIIe s.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CARICATURE

    • Écrit par Marc THIVOLET
    • 8 333 mots
    • 8 médias
    ...de ces expériences qui n'étaient possibles que parce qu'elles étaient assimilées à des divertissements. Poussant le jeu des équivalences, Arcimboldo, Bracelli réduisirent visages et corps à un assemblage d'objets. Christoph Jamnitzer poussa l'équivalence jusqu'à l'impasse graphique inévitable : la spirale....