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ZURBARÁN FRANCISCO DE (1598-1664)

Les composantes d'un art

Le rôle joué par le ténébrisme dans la formation de Zurbarán est un problème qui a toujours intéressé les critiques et les historiens d'art. Pour les uns, le peintre d'Estrémadure reste, dans les premières années de son activité, en dehors des problèmes du clair-obscur. Pour d'autres, il aborde les problèmes d'éclairage, spécialement dans ses natures mortes, avec des conceptions qui viennent du ténébrisme. On ne connaît pas suffisamment les œuvres de ses débuts pour dire ce que furent ses essais dans ce domaine, mais il est certain que de 1625 à 1640 Zurbarán reste partisan de ce qu'on pourrait qualifier de peinture claire et transparente qui l'apparente, dans une certaine mesure, à un Vermeer de Delft.

Les grands cycles

Dans les séries monastiques, il faut remarquer que Zurbarán ne peint que les communautés masculines. De ces cycles où la vie ascétique et les faveurs divines sont décrites avec un naturel extrême, on peut signaler deux chefs-d'œuvre : Saint Bonaventure et l'Ange (musée de Dresde) et l'Exposition du corps de saint Bonaventure (musée du Louvre, Paris). La composition dense et les magnifiques portraits des religieux et du roi d'Aragon qui entourent le corps du saint contribuent à donner une remarquable solennité plastique à cette œuvre qui associe magistralement valeurs abstraites et réalisme.

<it>Saint Hugues au réfectoire des chartreux</it>, F. Zurbaran - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Saint Hugues au réfectoire des chartreux, F. Zurbaran

Dans la série que Zurbarán exécute à Séville pour la chartreuse des Cuevas (à une date d'ailleurs discutée par les spécialistes), on retient le Saint Hugues au réfectoire des Chartreux(musée de Séville), où la conception de l'espace annonce Cézanne. Les moines alignés derrière l'horizontale de la table, les plis rigides et parallèles de la nappe, la vaisselle, les couverts et le pain disposés simplement, les blancs et les gris des habits et des murs de cet intérieur, où les mouvements sont calmes et silencieux, évoquent une vie quotidienne d'héroïsme sans hauts faits et sans éclat. Face à Ribera, qui décrit le moment qui précède les martyres, et aux peintres italiens, qui choisissent des scènes dramatiques, Zurbarán, à la demande de sa clientèle, nous livre un monde où les actions sont choisies dans la vie quotidienne, même lorsqu'il s'agit de représenter les faveurs divines. On en a l'exemple dans la Messe du père Cabañuelas, à Guadalupe, où un acolyte distrait reste indifférent à l'extase où est plongé le père hiéronymite. Même lorsque le Christ pose sa main sur la tête transie d'amour divin dans la Vision du père Salmerón, Zurbarán persévère dans ce naturalisme qui communique encore plus de force à sa ferveur. L'incapacité de Zurbarán à représenter le divin de façon fantastique nous vaut des compositions comme le Triomphe de saint Thomas d'Aquin, du musée de Séville, où les personnages de la partie céleste peints dans la plus pure tradition sévillane ont d'autant plus de grandeur qu'ils sont extraits de la vie réelle.

Natures mortes et portraits

Un jeune mouton, F. de Zurbarán - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Un jeune mouton, F. de Zurbarán

Zurbarán est avant tout un portraitiste, bien que, pour des raisons de clientèle, il ait assez peu cultivé ce genre. Dans ses tableaux historiques comme le Secours de Cadiz (musée du Prado), dans les scènes narratives ou les portraits de moines, en dehors des valeurs des tissus et des formes plastiques des personnages, il n'oublie pas la personnalité psychologique de ses modèles. Il en est de même des objets : ses natures mortes ont une densité, une plénitude si poussées que, même lorsqu'elles ne sont qu'un des éléments d'une composition, leur présence s'impose autant que la scène principale. Si la nature morte constitue, comme dans le tableau de la collection Contini Bonacossi, le thème unique, les objets, comme chez Sánchez Cotán, ont une valeur qui les assimile à des êtres individualisés.

De[...]

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Pour citer cet article

Antonio BONET-CORREA. ZURBARÁN FRANCISCO DE (1598-1664) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>La Défense de Cadiz</it>, F. de Zurbaran - crédits :  Bridgeman Images

La Défense de Cadiz, F. de Zurbaran

<it>Hercule et le Minotaure</it>, F. Zurbaran - crédits :  Bridgeman Images

Hercule et le Minotaure, F. Zurbaran

<it>Saint Hugues au réfectoire des chartreux</it>, F. Zurbaran - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Saint Hugues au réfectoire des chartreux, F. Zurbaran

Autres références

  • ANDALOUSIE

    • Écrit par Michel DRAIN, Marcel DURLIAT, Philippe WOLFF
    • 10 381 mots
    • 17 médias
    ...ensuite l'apothéose marquée par quatre tempéraments d'artistes de tout premier ordre : Francisco Herrera le Vieux (1576 ?-1656), Velázquez (1599-1660), Zurbarán (1598-1664), Alonso Cano (1601-1667). Le plus doué de tous, Velázquez, quitta cependant Séville, dès 1623, pour devenir le premier peintre du...
  • BAROQUE

    • Écrit par Claude-Gilbert DUBOIS, Pierre-Paul LACAS, Victor-Lucien TAPIÉ
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    ...Quichotte...), expliquent à la fois son rayonnement au-dehors et la singularité de ses grands artistes. Ni le Greco à Tolède (1614), ni à Séville Zurbarán (1598-1664) ne peuvent être soumis à une catégorie définie : ils sont issus d'expériences espagnoles, et inconcevables en dehors d'elles, même...
  • ESPAGNE (Arts et culture) - L'art espagnol

    • Écrit par Marcel DURLIAT
    • 5 038 mots
    • 11 médias
    ...principal client des peintres : non seulement des maîtres provinciaux, encore soumis à l'organisation médiévale des métiers, mais aussi des artistes renommés. Zurbarán met son réalisme rustique au service des grands cycles iconographiques monastiques. Les meilleures œuvres de Murillo sont également des tableaux...
  • GUINARD PAUL (1895-1976)

    • Écrit par Marcel DURLIAT
    • 1 251 mots

    En 1976 a disparu, avec Paul Guinard, l'un des meilleurs connaisseurs de la peinture espagnole. Il était né à Annecy, et les traditions héritées de son père, officier, eurent une influence durable sur ses idées et sur son comportement. Après avoir participé à la campagne d'Orient pendant la Première...

  • Afficher les 7 références

Voir aussi