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ZURBARÁN FRANCISCO DE (1598-1664)

De tous les peintres espagnols du xviie siècle, Zurbarán est sans aucun doute, après Velázquez, le plus mondialement connu. Plus en accord avec la sensibilité de notre époque que Murillo ou que Ribera, il leur a usurpé la renommée dont ils jouissaient auparavant. Zurbarán, qui pour le romantisme représentait l'ascétisme monastique espagnol, jouit au xxe siècle d'une vogue à laquelle le cubisme n'a pas été étranger, en faisant découvrir chez le peintre d'Estrémadure des qualités plastiques d'une exécution rigoureuse et élaborée, analogues à celles de la peinture de Piero della Francesca, de Georges de La Tour ou de Cézanne. Avec son art exact, simple, un peu prosaïque et provincial, aux formes encore gothiques mêlées aux procédés du maniérisme tardif et du premier baroque, Zurbarán est un peintre chez qui l'exigence d'un univers construit comme une architecture s'unit à une certaine ingénuité voulue. Pour retrouver un phénomène analogue, il faudrait chercher chez certains sculpteurs espagnols de son époque, créateurs d'images réalistes en bois polychrome. Mais, à leurs qualités de vérisme, il faudrait ajouter ce caractère primitif de Zurbarán qui se manifeste aussi bien dans les coloris que dans les plis amples des vêtements de ses personnages qui, modelés par la lumière contrastée en clair-obscur, sont plutôt statiques et ont cet air étriqué et figé des gens simples. Une des qualités essentielles de ce peintre est sans aucun doute d'avoir su communiquer au spectateur cet amour pour les objets les plus banals. L'intensité de la « vie immobile » d'une rangée de pots alignés simplement sur un plan unique ou la parfaite quiétude d'un personnage de Zurbarán ont rarement été représentées avec plus d'efficacité et aussi peu de moyens expressifs. Peintre réaliste formé dans le clair-obscur du début du xviie siècle, Zurbarán est un des plus grands de ceux qui représentent le Siècle d'or de l'art espagnol. Peintre fécond, il aura un atelier important, mais ses disciples demeureront des peintres secondaires. Après sa mort, son art n'aura pas de suite en Espagne, en raison de l'évolution du goût, mais son influence sera grande tout au long du xviie siècle en Amérique latine.

Un peintre du Siècle d'or

La vie de Francisco de Zurbarán ne se présente pas sous une forme harmonieuse et continue. Presque totalement ignorée il y a peu de temps encore, elle est pleine de hauts et de bas, de moments obscurs et de crises. Homme plutôt renfermé, provenant d'un milieu rural, il restera un artiste consciencieux et discret qui évoluera au milieu d'une clientèle presque exclusivement ecclésiastique. Il n'entreprendra pas le voyage en Italie, ni n'entrera en contact direct avec les milieux cosmopolites de son époque. Il travaille à Séville et en Estrémadure, et, bien qu'ayant triomphé à la Cour au moment de sa maturité, il ne réussira cependant pas à tirer profit de son succès et il mourra à Madrid pauvre et oublié.

Fils d'un modeste commerçant d'origine basque, Zurbarán naît à Fuente de Cantos, dans la province de Badajoz. Il se forme à Séville dans l'atelier d'un peintre inconnu aujourd'hui, Pedro Díaz de Villanueva. Sa formation terminée, en 1618, on le trouve installé à Llerena où il se marie avec une femme d'origine modeste, de dix ans son aînée, dont il aura trois enfants. L'un d'eux, Juan, peindra à son tour, surtout des natures mortes. On ne sait pas grand-chose de ces années provinciales de Zurbarán si ce n'est qu'il réalise des tableaux pour les retables d'églises de villages, des travaux artisanaux comme la dorure des brancards de la Vierge et le plan de la fontaine octogonale de la Plaza Mayor de Llerena. Mais son prestige amène les dominicains de Séville à lui commander en 1626, pour une somme encore modique, vingt et une toiles[...]

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Pour citer cet article

Antonio BONET-CORREA. ZURBARÁN FRANCISCO DE (1598-1664) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>La Défense de Cadiz</it>, F. de Zurbaran - crédits :  Bridgeman Images

La Défense de Cadiz, F. de Zurbaran

<it>Hercule et le Minotaure</it>, F. Zurbaran - crédits :  Bridgeman Images

Hercule et le Minotaure, F. Zurbaran

<it>Saint Hugues au réfectoire des chartreux</it>, F. Zurbaran - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Saint Hugues au réfectoire des chartreux, F. Zurbaran

Autres références

  • ANDALOUSIE

    • Écrit par Michel DRAIN, Marcel DURLIAT, Philippe WOLFF
    • 10 381 mots
    • 17 médias
    ...ensuite l'apothéose marquée par quatre tempéraments d'artistes de tout premier ordre : Francisco Herrera le Vieux (1576 ?-1656), Velázquez (1599-1660), Zurbarán (1598-1664), Alonso Cano (1601-1667). Le plus doué de tous, Velázquez, quitta cependant Séville, dès 1623, pour devenir le premier peintre du...
  • BAROQUE

    • Écrit par Claude-Gilbert DUBOIS, Pierre-Paul LACAS, Victor-Lucien TAPIÉ
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    ...Quichotte...), expliquent à la fois son rayonnement au-dehors et la singularité de ses grands artistes. Ni le Greco à Tolède (1614), ni à Séville Zurbarán (1598-1664) ne peuvent être soumis à une catégorie définie : ils sont issus d'expériences espagnoles, et inconcevables en dehors d'elles, même...
  • ESPAGNE (Arts et culture) - L'art espagnol

    • Écrit par Marcel DURLIAT
    • 5 038 mots
    • 11 médias
    ...principal client des peintres : non seulement des maîtres provinciaux, encore soumis à l'organisation médiévale des métiers, mais aussi des artistes renommés. Zurbarán met son réalisme rustique au service des grands cycles iconographiques monastiques. Les meilleures œuvres de Murillo sont également des tableaux...
  • GUINARD PAUL (1895-1976)

    • Écrit par Marcel DURLIAT
    • 1 251 mots

    En 1976 a disparu, avec Paul Guinard, l'un des meilleurs connaisseurs de la peinture espagnole. Il était né à Annecy, et les traditions héritées de son père, officier, eurent une influence durable sur ses idées et sur son comportement. Après avoir participé à la campagne d'Orient pendant la Première...

  • Afficher les 7 références

Voir aussi