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POULENC FRANCIS (1899-1963)

Du divertissement aux œuvres religieuses

On peut distinguer plusieurs périodes dans l'œuvre de Francis Poulenc. De 1917 à 1923, le musicien ne compose que des œuvres de petite dimension : Trois Mouvements perpétuels pour piano (1918), Le Bestiaire, six mélodies sur des poèmes d'Apollinaire (1919), Cocardes, trois chansons populaires sur des poèmes de Jean Cocteau (1919), Le Gendarme incompris, une comédie bouffe (restée inédite) sur un texte de Jean Cocteau et Raymond Radiguet (1921). Il collabore, avec Georges Auric, Germaine Tailleferre, Darius Milhaud et Arthur Honegger, aux Mariés de la tour Eiffel (1921), écrit (entre 1918 et 1922) de brèves sonates pour piano à quatre mains, pour deux clarinettes, pour clarinette et basson, pour cor, trompette et trombone. Ces œuvres se rattachent à l'esthétique prônée par Cocteau : mélodies d'allure populaire, rythmes alertes, sonorités crues rappelant le music-hall et le cirque. Mais déjà dans Le Bestiaire apparaissent une sensibilité et une poétique personnelles, teintées de mélancolie.

De 1923 à 1935, le musicien réalise des œuvres où le métier s'affermit en même temps que s'enrichit sa palette expressive. Les Biches, ballet créé à Monte-Carlo par Serge de Diaghilev (1923), le Concert champêtre pour clavecin et orchestre, écrit pour Wanda Landowska (1928), Aubade, concerto chorégraphique pour piano et dix-huit instruments (1929), le Concerto en ré mineur pour deux pianos et orchestre (1932) témoignent de sa jeune maîtrise. Il compose des œuvres de musique de chambre : un Trio pour piano, hautbois et basson (1926), un Sextuor pour piano, flûte, hautbois, clarinette, basson et cor, marquant ainsi sa préférence pour les instruments à vent. Sa musique vocale se tourne vers le pastiche et le divertissement (Chansons gaillardes, 1926), retrouve une verve plus personnelle avec les Cinq Poèmes de Max Jacob (1931) et Le Bal masqué (1932), et atteint la perfection avec les Quatre Poèmes de Guillaume Apollinaire (1931). Si 1935 est l'année du premier concert à Paris du duo Bernac-Poulenc et des premières mélodies sur des textes de Paul Eluard, 1936 est l'année décisive qui marque un tournant très important dans l'œuvre de Francis Poulenc avec les Sept Chansons a cappella, les Litanies à la Vierge noire et le cycle de mélodies sur des poèmes d'Eluard Tel jour telle nuit (achevé en 1937). Écrites pour le baryton Pierre Bernac, les mélodies de Francis Poulenc épousent le cours subtil de la poésie de Paul Eluard, le clarifient sans le dénaturer. À la gravité de ces poèmes répondent, de leur côté, les œuvres d'inspiration religieuse : la Messe en sol majeur (1937), les Quatre Motets pour un temps de pénitence.

De 1940 à 1944, les années noires de l'Occupation ralentissent l'activité du musicien qui compose pourtant un ballet d'après les Fables de La Fontaine, Les Animaux modèles (1941), de nombreuses mélodies, la cantateFigure humaine, écrite en 1943 sur des poèmes d'Eluard et, dans l'espérance de la Libération qui semble proche, en 1944, ce mélange explosif de gaieté et de mélancolie, Les Mamelles de Tirésias, opéra bouffe sur un texte de Guillaume Apollinaire.

Denise Duval et Francis Poulenc - crédits : TT News Agency/ AKG-images

Denise Duval et Francis Poulenc

L'après-guerre est pour Francis Poulenc la période des moissons. Les chefs-d'œuvre succèdent aux chefs-d'œuvre : en 1950, le Stabat Mater ; en 1953, la Sonate pour deux pianos ; en 1955, les Dialogues des Carmélites ; en 1958, La Voix humaine, sur un texte de Cocteau ; en 1959, le Gloria ; en 1961, les Sept Répons des Ténèbres. Les deux dernières œuvres, en 1962, sont deux Sonates, pour hautbois et piano, pour clarinette et piano. Francis Poulenc y affirme une fois encore sa prédilection pour les instruments à vent, mais avec une gravité et une ampleur que l'on ne trouve pas dans les œuvres de sa jeunesse.

Ainsi, sans rupture, dans un[...]

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Pour citer cet article

Jean ROY. POULENC FRANCIS (1899-1963) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Francis Poulenc - crédits : Ron Burton/ Hulton Archive/ Getty Images

Francis Poulenc

Denise Duval et Francis Poulenc - crédits : TT News Agency/ AKG-images

Denise Duval et Francis Poulenc

Autres références

  • DIALOGUES DES CARMÉLITES (F. Poulenc)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 1 255 mots
    • 1 média

    L’ opéra Dialogues des carmélites de Francis Poulenc, en trois actes et douze tableaux reliés par de brefs interludes, connut une genèse singulière. En 1953, le compositeur est en voyage en Italie. Lors d’une rencontre avec le directeur de la maison d’édition italienne Ricordi, Guido Valcarenghi,...

  • DIALOGUES DES CARMÉLITES (F. Poulenc), en bref

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 321 mots

    Faire du mystère de la grâce et des exigences de la foi un sujet d'opéra, qui plus est un opéra ne faisant entendre majoritairement que des voix féminines n'allait pas de soi ; et pourtant ces Dialogues des carmélites, commandés par la Scala de Milan, ne posèrent de problème ni...

  • DUVAL DENISE (1921-2016)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 633 mots

    Denise Duval ne disposait pas de moyens vocaux exceptionnels. Pourtant, celle que Francis Poulenc qualifiait de « rossignol à larmes » a gagné par la pureté de son timbre, la clarté de son élocution, sa présence dramatique et la finesse de sa sensibilité une place de choix parmi les étoiles de l’art...

  • LIED

    • Écrit par Henry BARRAUD
    • 3 224 mots
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    ...caractérisés et de la meilleure encre chez Albert Roussel. Mais, dans le milieu du xxe siècle, le compositeur qui s'est le mieux replacé dans la grande tradition du lied, telle que l'avaient établie les compositeurs allemands ou autrichiens du xixe siècle, c'estFrancis Poulenc.
  • MUSIQUE SOUS L'OCCUPATION

    • Écrit par Myriam CHIMÈNES
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    ...intentions de leur auteur. Jean Françaix compose en 1941 une cantate dédiée « À Monsieur le Maréchal Philippe Pétain Chef de l’État Français », Francis Poulenc une cantatesur des poèmes d’Éluard publiés dans la clandestinité, Figure humaine (1943). Le statut des interprètes est différent....
  • SIX GROUPE DES, musique

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 1 691 mots
    • 2 médias
    La musique de Francis Poulenc (1899-1963), tenu pour un poète frivole et charmant, bref un « petit maître », ne correspond guère cependant à cette image ; à preuve Litanies à la Vierge noire (1936), La Messe en sol (1937), Sécheresses (1937), le Stabat mater (1951), Sept Répons des ténèbres...

Voir aussi