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CONCERT

La notion de concert nous paraît aujourd'hui toute naturelle et familière. Selon le schéma classique, le concert est l'exécution par un ou plusieurs interprètes et devant un public d'une ou de plusieurs œuvres écrites par un ou plusieurs compositeurs : il est donc généralement considéré comme le principal mode de « distribution » ou de « consommation » de la musique.

En réalité, cette notion de concert n'est pas universelle. Les mots mêmes d'exécution, d'interprète, de public, d'œuvre et de compositeur n'ont de sens que dans un cadre socio-culturel historiquement déterminé et relativement restreint. Ils demeurent étroitement liés à une certaine conception de la musique qui a cours dans l'Europe intellectuelle depuis quatre ou cinq siècles, mais était inconnue des Anciens et dont on ne rencontre l'équivalent rigoureux dans aucune autre civilisation.

Or il se trouve que cette conception de la musique a donné naissance à un nombre considérable d'œuvres de haute valeur destinées au concert, si bien que l'histoire du concert se confond presque avec l'histoire de la musique occidentale.

Avant l'institution des concerts payants

L'idée d'organiser des concerts réguliers à entrées payantes est très récente : totalement inconnue avant le xvie siècle, elle ne s'est généralisée qu'au xixe et n'a guère pris avant le xxe siècle la forme qu'elle revêt aujourd'hui à peu près partout.

Les civilisations primitives ignorent la distinction entre l'artiste et le public. Le chanteur, le joueur d'instrument participent au même titre que ceux qui les entourent à une action commune de caractère rituel, ou bien ils s'expriment pour eux-mêmes, sans se soucier de savoir qui les écoute. L'Antiquité grecque fut sans doute la première à admettre qu'un public passif écoute des musiciens en tant qu'artistes, mais ce fut toujours dans le cadre de concours, analogues à une compétition sportive. Aulètes ou citharistes étaient écoutés du public le jour rituel où, revêtus d'une robe spéciale, ils se présentaient devant un jury pour savoir qui serait couronné ; le reste du temps, ils ne différaient guère des autres citoyens : ils jouaient lors des sacrifices, des banquets, des fêtes publiques, jamais dans des concerts organisés sous un prétexte d'« art ».

Musique de cour

Offrir de la musique à un public est peut-être une déformation due à la vanité des rois. Les musiciens, rituellement, et depuis toujours, offraient de la musique aux dieux. Les rois – et notamment les pharaons –, s'attribuant la qualité divine, estimèrent avoir droit eux aussi à se faire offrir de la musique. Ils y prirent goût, et c'est ainsi que fut fixée pour de longs siècles, après la musique de culte, l'autre forme essentielle du concert de jadis : la musique de cour.

Mais, dans la musique de cour, l'artiste ne se faisait pas applaudir d'un public convoqué. C'est lui qui était convoqué par son public, et celui-ci, théoriquement, était un seul homme : le prince. Les autres, suite ou invités du prince, n'étaient là que par surcroît. Quand les riches ou les intellectuels, par la suite, se mirent à leur tour à inviter des artistes – et ce fut alors la « musique de salon » – ils ne firent qu'imiter le prince : c'est là un mécanisme bien connu de la montée des classes sociales par envie, imitation et appropriation des privilèges.

Venir spécialement en un lieu pour applaudir un artiste, cela représente une nouvelle étape, dont l'origine est sans doute inattendue. On peut la trouver dans la vanité de certains empereurs romains, et en particulier de Néron. Se croyant un grand artiste et ne pouvant naturellement s'abaisser à concourir, l'impérial cabotin avait pris l'habitude de convoquer à toute heure[...]

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Écrit par

  • : ancien directeur de l'Institut de musicologie de l'université de Paris
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Jacques CHAILLEY et Universalis. CONCERT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACOUSMATIQUE MUSIQUE

    • Écrit par François BAYLE
    • 7 820 mots
    • 4 médias
    Une théorie de la projection des « sons organisés » (Edgar Varèse) naît progressivement de la pratique nouvelle du concert acousmatique, encore dans son Moyen Âge expérimental. L'émergence, dans l'esprit des compositeurs, d'une conception organisée de l'espace acoustique ne s'est pas encore produite....
  • AIR, musique

    • Écrit par Michel PHILIPPOT
    • 3 278 mots

    Dans le langage commun, on a pris l'habitude de désigner par le mot « air » la musique destinée à être chantée. On oppose ainsi, dans la chanson, l'air aux paroles. Par extension, on en est arrivé à employer le mot « air » dans le cas de toute mélodie suffisamment connue...

  • BEECHAM THOMAS (1879-1961)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 670 mots
    • 1 média

    Ce chef d'orchestre anglais est à l'origine de la majeure partie de la vie symphonique et lyrique londonienne. Originaire du Lancashire, il naît à Saint-Helens, le 29 avril 1879, dans une famille très riche (les Laboratoires Beecham) qui l'envoie étudier à Oxford. Il apprend la ...

  • BERLIN ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 1 289 mots
    • 4 médias

    Fondé en 1882, l'Orchestre philharmonique de Berlin (Berliner Philharmonisches Orchester) a toujours été considéré comme l'une des meilleures et des plus prestigieuses formations symphoniques du monde. Son homogénéité, l'élan collectif qui s'en dégage reflètent dans ce qu'elle a de plus fort...

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Voir aussi