FONCTIONNALISME
L'intuition fondatrice du fonctionnalisme emprunte aux travaux anthropologiques et sociologiques classiques qui, à la fin du xixe siècle, se sont souvent laissé séduire par l'analogie organiciste. De ce point de vue, lasociété est plus que la somme des parties qui la composent. Comme dans un corps vivant, chaque segment (la famille, l'école...) remplit un rôle précis et contribue à la bonne marche du système social.
De l'anthropologie à la sociologie structuro-fonctionnaliste
Après la Première Guerre mondiale, une branche entière de l'anthropologie se constitue en marchant sur de telles brisées. Inspiré par l'école française de sociologie,Alfred Reginald Radcliffe-Brown (1881-1955) (Structure and Function in Primitive Society, 1952) reprend à son compte l'idée que les différentes composantes d'une société peuvent s'expliquer par les fonctions qu'elles remplissent et par le concours qu'elles apportent à la bonne marche de la structure d'ensemble. Plus distant d'Émile Durkheim et plus occupé de l'individu,Bronislaw Malinowski (1884-1942) formule de façon plus nette et originale encore les principes fondateurs du « fonctionnalisme », terme dont il revendique la paternité et qui entre dans le vocabulaire des sciences sociales au cours des années 1930. L'auteur de A Scientific Theory of Culture and Others Essays (1944) commence par définir la culture comme l'ensemble des moyens utilisés par les êtres humains pour vivre et prospérer. L'homme doit satisfaire deux types de besoins : des besoins élémentaires d'origine biologique (métabolisme, reproduction, sécurité...) et des besoins culturels « dérivés » (production de richesses, contrôle social, éducation...). Analyser une institution équivaut alors à comprendre quel besoin elle contente, depuis les nécessités alimentaires de base jusqu'aux demandes de spiritualité auxquelles répondent les exécutions sacramentelles.
Bien que soumise ensuite à une inflation de définitions, l'analyse fonctionnaliste bénéficie d'un lustre nouveau en sociologie grâce aux travaux deTalcott Parsons (1902-1979), professeur à l'université Harvard. Soucieux de donner un coup d'arrêt à la dérive empiriste dont se rend coupable à ses yeux la sociologie nord-américaine, Parsons bâtit une théorie structuro-fonctionnaliste (structural-functionnal analysis) dont la première pierre est posée en 1937 avec la publication de The Structure of Social Action. À l'aide d'un matériau emprunté aux sciences sociales européennes (Émile Durkheim, Alfred Marshall, Vilfredo Pareto et Max Weber), Parsons jette les bases d'une théorie qui met en scène un acteur capable d'ajuster des moyens à des fins mais sous contrainte d'un environnement culturel qui prédéfinit l'éventail et la hiérarchie des buts et des ressources légitimes. Parsons ancre plus fondamentalement encore sa réflexion dans la tradition fonctionnaliste en affichant sa conviction que toute totalité sociale est le composé d'éléments interdépendants. À la différence de Malinowski cependant, Parsons ne suit pas un chemin qui mène de la partie vers le tout. Il adopte à l'inverse une démarche qui, partant de la totalité, permet de comprendre de quels ressorts bénéficie la dynamique d'un système.
Parsons met en évidence trois conditions majeures au bon fonctionnement des systèmes d'action. Il faut, en premier lieu, un cadre stable. L'intériorisation des normes et des valeurs par les acteurs et l'institutionnalisation de ces dernières dans la culture et les structures constituent la solution à ce problème majeur qu'est celui de l'ordre social. Systèmes d'attentes et d'anticipations réciproques qui façonnent les interactions, les rôles sociaux joués[...]
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Écrit par
- Michel LALLEMENT : professeur de sociologie au Conservatoire national des arts et métiers
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Pour citer cet article
Michel LALLEMENT, « FONCTIONNALISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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