Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

EXTERRITORIALITÉ

Fiction juridique selon laquelle certaines personnes ou certains biens sont réputés se trouver hors du territoire où ils se trouvent réellement et échappent de ce fait aux lois qui le régissent. L'exterritorialité a pris, dans l'histoire du droit international, plusieurs formes, dont certaines ont perdu tout caractère d'actualité. Curieusement, les premiers textes consacrant le privilège, pour des individus, d'échapper à la loi locale s'appliquaient à des personnes privées. C'est avec le traité conclu en 1535 entre François Ier et le sultan Soliman Ier que cette pratique, qui devait durer quatre siècles, prit naissance sous le nom de capitulations (du latin capitula, chapitre). Les Français installés sur le territoire de l'Empire ottoman échappaient aux lois et aux juridictions de cet Empire. D'autres traités suivirent, étendant les privilèges des puissances occidentales à divers pays d'Orient et d'Afrique (en particulier la Chine). Ces traités, dénués de réciprocité en pratique, se sont révélés inconciliables avec l'évolution de la société internationale et ont progressivement disparu soit par extinction conventionnelle, soit par la renonciation des bénéficiaires (Turquie, 1923 : traité de Lausanne ; Égypte, 1936 : traité de Montreux ; Chine, 1953) ; le régime des capitulations est donc éteint.

Il n'en est pas de même des privilèges accordés aux ministres publics. Il faut remonter à 1625 pour trouver dans le Droit des gens de Grotius qu'« un ambassadeur [...] par une sorte de fiction [...] est regardé comme étant hors des terres de la puissance auprès de qui il exerce ses fonctions ». Ces principes coutumiers se sont maintenus jusqu'à nos jours : les chefs d'État, les membres d'un gouvernement, les agents diplomatiques, les consuls et, depuis la Seconde Guerre mondiale, les fonctionnaires internationaux en bénéficient. Les immunités sont étendues au personnel de l'ambassade ou du consulat et à leur famille, ainsi qu'aux locaux qui les hébergent. La théorie qui fonde ces immunités s'est cependant modifiée. La doctrine et la jurisprudence, quasi unanimes, ont condamné la fiction d'exterritorialité pour lui substituer la théorie d'inviolabilité. C'est une condition nécessaire du bon fonctionnement des services diplomatiques et de leur indépendance que leurs membres ne soient pas soumis à des mesures de contrainte du fait de l'État qui les héberge. D'autre part, la règle d'inviolabilité et d'immunité subit aujourd'hui quelques restrictions : une tendance commence à se faire jour à ne plus couvrir que les actes d'autorité, les actes de gestion étant exclus. L'abandon de la théorie de l'exterritorialité ne fait pas perdre aux hôtels d'ambassade et aux locaux qui leur sont joints le caractère d'inviolabilité. Celle-ci reste aujourd'hui justifiée pour des motifs de courtoisie internationale et les nécessités concrètes du bon fonctionnement des services (convention de Vienne, 1961). Sur ces mêmes notions est encore reconnu le droit d'asile, bien que de nombreuses controverses aient éclaté à cet égard (affaire Haya de la Torre, Cour internationale de justice, 1950). Ayant subi de nombreuses attaques, tant du point de vue théorique que du point de vue pratique, la notion d'exterritorialité ne se maintient plus que dans le domaine du droit maritime. Encore est-elle, là aussi, en butte à de vives critiques. Malgré cela, certains auteurs admettent encore qu'un navire est « une partie flottante du territoire », soumis comme tel à son autorité. Il serait plus exact et tout aussi clair de dire qu'un navire possédant une nationalité doit être rattaché à un système précis, celui de l'État auquel il ressortit, et que cet attachement subsiste même[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de droit international public à l'université d'Évry-Val-d'Essonne

Classification

Pour citer cet article

Patricia BUIRETTE. EXTERRITORIALITÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHINE - Histoire jusqu'en 1949

    • Écrit par Jean CHESNEAUX, Jacques GERNET
    • 44 594 mots
    • 50 médias
    ...une diminution de la souveraineté chinoise dans plusieurs domaines essentiels, telle l'administration (avec les « concessions ») ou la justice (avec l'«  exterritorialité »). De même, les flottilles militaires étrangères ont, depuis le traité de Tianjin, le droit de remonter les eaux intérieures chinoises,...
  • ROME

    • Écrit par Géraldine DJAMENT, Sylvia PRESSOUYRE
    • 11 408 mots
    • 15 médias
    ...le conclave chargé d'élire les papes. Il convient d'y ajouter plusieurs microterritoires au statut particulier : les territoires dotés du privilège d'exterritorialité (par exemple la basilique et le palais du Latran ou le collège de la Propagande), les immeubles exemptés d'expropriation...
  • VATICAN CITÉ DU

    • Écrit par Universalis, Émile POULAT
    • 4 605 mots
    • 5 médias
    ...souveraineté et suivit l'évolution des monarchies. La Révolution française y mit fin, en France d'abord (1791), puis en Italie (1797). Enlevé de Rome en 1809, le pape n'y rentra qu'en 1814. Le congrès de Vienne (1815) le rétablit dans ses prérogatives et le reconnut roi de l' État pontifical....

Voir aussi