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BOULLÉE ÉTIENNE LOUIS (1728-1799)

Un enseignement et une œuvre théorique importants

Membre de l'Académie royale d'architecture de 1762 jusqu'à sa suppression en 1793, Boullée enseigne dès 1747 (il a dix-neuf ans !) et va influencer toute une génération d'architectes par ses conceptions à la fois rationnelles et utopistes. « Ed io anche son pittore » (« Et moi aussi je suis peintre ») : cette célèbre profession de foi de Corrège, que Boullée place en épigraphe de son Essai sur l'art, éclaire d'emblée sa pédagogie. « Art du dessin », comme la sculpture, la décoration ou la peinture, l'architecture (« mère des arts ») doit emprunter aux séductions poétiques de l'art figuratif, voire narratif, les moyens d'inventer le caractère spécifique de chaque bâtiment. « Oui, écrit Boullée, je le crois, nos édifices, surtout les édifices publics, devraient être, en quelque façon, des poèmes. Les images qu'ils offrent à nos sens devraient exciter en nous des sentiments analogues à l'usage auquel ces édifices sont consacrés. » La philosophie sensualiste d'un Condillac justifiait l'abandon de la rhétorique vitruvienne des ordres antiques : l'usage des formes naturelles pures (cube, pyramide, cylindre, sphère) devait s'accorder au rôle expressif des ombres et à la mise en scène d'immenses colonnades libres. Frapper l'imagination, par la clarté et la grandeur des effets, équivalait à éveiller la conscience de l'humanité en « progrès ».

Boullée, architecte-peintre, rêve d'un art urbain grandiose qui ne se concrétisera jamais, mais qui influencera certaines théories et réalisations européennes de la première moitié du xixe siècle. Sa doctrine a un rôle important dans la formation des candidats aux grands prix de l'Académie. Parmi ses élèves les plus connus, J. F. T. Chalgrin, A. T. Brongniart, M. Crucy, J. P. Gisors-l'Aîné, J. N. L. Durand, P. A. Pâris et A. M. Peyre feront carrière jusque sous l'Empire ou la Restauration. Quant à l'œuvre de l'architecte, ses écrits et ses dessins visionnaires sont oubliées dès la mort de l'artiste, malgré le legs qui est fait à la Bibliothèque nationale en 1793 (environ une centaine de magnifiques dessins, accompagnés du manuscrit de son Essai sur l'art). L'Essai sur l'art est finalement publié en 1968 et l'œuvre graphique de Boullée, étudiée en particulier par E. Kaufmann, apparaît désormais comme l'un des tout premiers témoignages de l'art idéal de l'époque des Lumières.

— Daniel RABREAU

— Universalis

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Sorbonne, directeur du centre Ledoux
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Daniel RABREAU. BOULLÉE ÉTIENNE LOUIS (1728-1799) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Cénotaphe à Newton</it>, É. L. Boullée - crédits : AKG-images

Cénotaphe à Newton, É. L. Boullée

Autres références

  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Notions essentielles

    • Écrit par Antoine PICON
    • 4 952 mots
    « Qu'est-ce que l'architecture ? La définirai-je, avec Vitruve, l'art de bâtir ? Non. Il y a dans cette définition une erreur grossière. Vitruve prend l'effet pour la cause. Il faut concevoir pour effectuer. Nos premiers pères n'ont bâti leurs cabanes qu'après en avoir conçu l'image. C'est cette production...
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L'architecte

    • Écrit par Florent CHAMPY, Carol HEITZ, Roland MARTIN, Raymonde MOULIN, Daniel RABREAU
    • 16 589 mots
    • 10 médias
    ...devient aussi philosophe et poète. La liberté d'invention se manifeste dans un goût intense pour le pur dessin d'architecture ( Piranèse, Legeay, Peyre, Boullée), mais aussi dans les œuvres édifiées de Soufflot, de De Wailly, de Gondoin ou de Ledoux, et de toute une génération décrite par Émile Kaufmann...
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture et société

    • Écrit par Antoine PICON
    • 5 782 mots
    ...une rénovation des principes de la discipline architecturale qui doit la rendre plus perméable aux attentes de la société. Les projets grandioses d'un Étienne Louis Boullée (1728-1799) portent la marque de réflexions assez comparables aux siennes sur le caractère moral et civique de l'architecture....
  • COLOSSAL, art et architecture

    • Écrit par Martine VASSELIN
    • 3 262 mots
    • 17 médias
    ..., de J.-J.  Lequeu (1793), reprend l'image héroïque d'un immense Hercule à la massue assis à cheval sur une porte triomphale, image du peuple libre. Dans son Architecture, essai sur l'art (rédigé avant 1793), E. L. Boullée redéfinit le colossal : « On confond souvent en architecture la vraie signification...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi