EMPIRE (PREMIER)
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Le 2 décembre 1804, Napoléon se fait couronner empereur, mais s'il choisit ce titre, c'est par désir d'éviter celui de roi, après dix années de révolution, plutôt que par référence à l'expansion territoriale de Rome ou de Charlemagne. Son objectif est alors de rétablir la monarchie héréditaire à son profit et non de poursuivre une guerre de conquête qui semble terminée depuis que la France a atteint ses frontières naturelles et consolidé son influence en Italie du Nord et en Allemagne.
Portrait de Napoléon Ier, Girodet-Trioson
Anne Louis GIRODET dit GIRODET-TRIOSON, Portrait de Napoléon Ier - Étude pour "Remise des clés de la ville de Vienne le 13 novembre 1805", huile sur toile. Musée Bonnat, Bayonne.
Crédits : Erich Lessing/ AKG-images
C'est après Austerlitz et Trafalgar que naît la théorie du grand empire. Talleyrand avait prévenu les Anglais en 1802 : « Le premier coup de canon peut créer subitement l'empire gaulois [...]. Le Premier consul a trente-trois ans et il n'a encore détruit que des États de second ordre. Qui sait ce qu'il lui faudrait de temps, s'il y était forcé, pour changer de nouveau la face de l'Europe et ressusciter l'empire d'Occident ? »
Le Blocus continental, machine de guerre économique contre l'Angleterre, servit de prétexte à une série d'annexions, de remaniements territoriaux et dynastiques qui firent passer plus de la moitié de l'Europe sous la domination de Napoléon. Ainsi se forma un empire tout en rivages et en ports, de Hambourg à Bordeaux, de Barcelone à Gênes, de Naples à Trieste. L'axe principal en fut le Rhin, soumis à l'influence française, de sa source à son embouchure. Cet empire, Napoléon eut le souci de l'unifier par les routes, les codes, les brassages de population au sein de la Grande Armée, la centralisation administrative.
Mais ce qui finit par compromettre la domination napoléonienne, ce fut le sentiment d'abord confus, puis de plus en plus précis après les décrets de 1810 assouplissant le Blocus, que le système continental favorisait en définitive l'industrie et le commerce de la France proprement dite au détriment des pays vassaux ou alliés. Au nom de la lutte contre l'hégémonie économique de l'Angleterre, la France substituait en réalité sur le continent sa propre suprématie à celle de sa rivale.
La désastreuse expédition de Russie précipita la ruine du grand empire et réveilla dans la vieille Europe les nationalismes les plus agressifs. Au terme de l'aventure napoléonienne, la France se retrouvait plus petite qu'à la veille de la Révolution et soumise à la surveillance de ses vainqueurs. Mais en détruisant l'ancien système féodal et en favorisant l'avènement politique de la bourgeoisie dans tous les États que la Grande Armée avait envahis, Napoléon n'en a pas moins préparé la naissance d'une Europe nouvelle.
Les guerres victorieuses
Dès 1803, l'Angleterre avait repris la guerre devant la menace d'une hégémonie non seulement politique mais économique de la France sur le continent. À la faveur de la paix d'Amiens, la politique des républiques sœurs menée par le Directoire avait en effet été poursuivie par Bonaparte. Ce dernier n'avait-il pas été élu à la tête de la République italienne ? N'était-il pas devenu médiateur de la Confédération helvétique et pratiquement suzerain de la République batave ? Ne devait-il pas être considéré comme l'inspirateur des décisions de la Diète germanique qui, en 1803, remania la carte de l'Allemagne ? Le cabinet britannique pouvait difficilement accepter une telle extension de l'influence française, d'autant qu'elle s'accompagnait de la signature de traités de commerce avec Naples, l'Espagne, la Russie, le Portugal et la Turquie. Plus inquiétant encore était un brusque réveil des prétentions coloniales de la France, comme le prouvait l'expédition de Saint-Domingue.
Aussi le conflit entre la France et l'Angleterre se ralluma-t-il en mai 1803. Ce fut la question de Malte qui provoqua la rupture : les Anglais ne pouvaient se résigner à abandonner une position qui leur permettait de paralyser toute entreprise française en Méditerranée orientale. Curieuse guerre au demeurant : Napoléon ne pouvait espérer l'emporter sur mer faute de marine, ni l'Angleterre sur terre faute de soldats. Chaque camp devait donc trouver une stratégie appropriée à ses forces et [...]
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Écrit par :
- Jean TULARD : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Pour citer l’article
Jean TULARD, « EMPIRE (PREMIER) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 26 janvier 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/empire-premier/