Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ÉCONOMIE RÉGIONALE ET URBAINE

  • Article mis en ligne le
  • Écrit par

La structure centre-périphérie

Les disparités régionales évoluent si lentement qu’il est difficile d’en comprendre les raisons sans disposer d’un appareillage conceptuel nouveau. En effet, si la productivité marginale d’un facteur de production décroît avec son intensité, il semble raisonnable de penser que ce facteur va se déplacer vers la région ou le pays où sa productivité marginale est la plus élevée. In fine, les facteurs seraient ainsi également rémunérés à l’équilibre. Autrement dit, il suffirait de favoriser la mobilité des facteurs de production pour que les disparités régionales se résorbent. Si la mobilité internationale des facteurs reste faible, ce qui pourrait expliquer en partie des écarts entre pays et continents dans les niveaux de bien-être, la mobilité des facteurs devrait être suffisante pour résorber les écarts interrégionaux de revenus. Une fois de plus, les éléments d’explication sont à trouver dans l’existence de rendements d’échelle croissants.

Toute économie multirégionale caractérisée par une forte mobilité des personnes est le siège de nombreuses externalités pécuniaires. Ainsi, les travailleurs migrants ne tiennent pas compte de l'effet de leur décision sur les travailleurs et sur les firmes implantés dans la région qui les accueille. De même, lorsque des travailleurs émigrent, leur décision affecte également les marchés du travail et des biens dans la région de départ et, par conséquent, la situation de ceux qui y restent. Ces externalités sont d’autant plus importantes que ce sont souvent les travailleurs les plus qualifiés qui sont les plus mobiles. À première vue, la tâche semble insurmontable. Cependant, comme devait le montrer Paul Krugman (1991), plusieurs de ces effets peuvent être combinés et étudiés au sein d'un modèle somme toute assez simple, connu sous le nom de « modèle centre-périphérie ».

Les raisons de la concentration régionale

On sait que plusieurs phénomènes économiques importants échappent au modèle néo-classique fondé sur le couple concurrence parfaite-rendements constants et réclament, pour être étudiés de façon pertinente, le recours au couple concurrence imparfaite-rendements croissants. On a longtemps buté sur la difficulté d'appréhender ces deux phénomènes au sein d'un seul modèle permettant d'étudier l'interdépendance des marchés. Conçu initialement pour répondre à une autre question, le modèle de concurrence monopolistique développé par Avinash Dixit et Joseph Stiglitz (1977) a permis des progrès substantiels dans de nombreux domaines différents, entre autre en économie régionale. Dans la situation de concurrence monopolistique, les consommateurs ont une préférence pour la variété tandis que les firmes fournissant les biens différenciés sont en concurrence pour l'utilisation de ressources limitées car elles produisent à rendements croissants. Chaque firme est négligeable dans le sens où elle peut ignorer l'impact de ses décisions sur les autres firmes, et donc leurs réactions éventuelles, mais dispose néanmoins d'un pouvoir de marché suffisant pour fixer son prix au-dessus du coût marginal (comme en monopole) car son produit est différencié. En revanche, le niveau de la demande adressée à une firme dépend des décisions prises par toutes les firmes agissant sur le marché (comme en concurrence parfaite). Ce modèle s'est révélé être un instrument performant pour étudier les implications de la combinaison pouvoir de monopole-rendements croissants, en particulier lorsque sont présentes les conditions de base de processus auto-entretenus analogues à ceux que l'on rencontre dans les théories modernes de la croissance et de l'économie régionale.

C'est une version spatialisée du modèle de Dixit et Stiglitz qu'a proposée Krugman pour appréhender l'idée fondamentale[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien professeur d'économie à l'École nationale des ponts et chaussées

Classification

Pour citer cet article

Jacques THISSE. ÉCONOMIE RÉGIONALE ET URBAINE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le

Média

Pittsburgh (États-Unis) - crédits : Bettman/ Getty-Images

Pittsburgh (États-Unis)

Autres références

  • BERLIN

    • Écrit par et
    • 5 917 mots
    • 6 médias
    Capitale politique,Berlin peine toutefois à s’imposer comme métropole économique sur la scène internationale. Non seulement les entreprises berlinoises ont une emprise marginale sur les activités économiques des nouveaux Länder, mais elles restent majoritairement dépendantes des firmes dont les sièges...
  • BOBIGNY

    • Écrit par
    • 794 mots
    • 1 média

    Avec 48 892 habitants (en 2012), Bobigny est une commune de taille moyenne de la banlieue nord-est de Paris. Pourtant, son statut de préfecture de la Seine-Saint-Denis lui confère une place particulière dans le système territorial métropolitain.

    Bien que les fouilles archéologiques menées depuis...

  • BRETAGNE, région administrative

    • Écrit par et
    • 3 070 mots
    • 1 média
    Le secteur économique associe des performances remarquables et des germes de fragilité. D'un côté, la Bretagne est la deuxième région française dans le domaine des télécommunications, où elle présente des compétences remarquables (technopôle de Lannion, de Rennes-Atalante, de Brest). Ses autres points...
  • COLOMBIE

    • Écrit par , , et
    • 13 648 mots
    • 5 médias
    De cette occupation morcelée du territoire a découlé une logique régionale où chaque ville commande son environnement (proche ou éloigné) et cherche à se connecter aux axes du commerce interne et vers l'étranger. Après l'indépendance du pays (1830), les rivalités entre régions ont retardé la construction...
  • Afficher les 16 références