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DOMAINE PUBLIC

Le droit de propriété n'a pas pour titulaires que les particuliers ; les collectivités publiques possèdent également des biens mobiliers et immobiliers qui constituent ce que l'on appelle leur domaine et dont on admet généralement aujourd'hui qu'elles sont propriétaires. Toutefois, pour des raisons qui tiennent au degré d'importance que ces biens présentent pour l'administration, ils ne sont pas tous soumis au même régime juridique. Les uns, qui forment le domaine privé, obéissent, sous réserve de quelques dispositions particulières, aux règles du droit privé ; ce qui entraîne la compétence judiciaire pour les litiges auxquels ils peuvent donner lieu. Les autres constituent le domaine public et relèvent d'un régime de droit public. Le droit de la propriété privée ne leur est pas en principe applicable ; les difficultés contentieuses qu'ils soulèvent sont tranchées par les juridictions administratives.

Critère de la domanialité publique

La distinction entre domaine public et domaine privé était ignorée de l'Ancien Régime : le domaine de la couronne avait une consistance hétéroclite. Les biens que le roi avait acquis à titre personnel s'y confondaient avec les chemins, les rivières et les places de guerre. L'ensemble était considéré comme une propriété du monarque, propriété inaliénable mais dont la couronne pouvait tirer des revenus. Le Code civil s'est borné à transférer à la nation la propriété du domaine (art. 541), mais sans introduire de distinction entre les biens qui le composaient. C'est seulement dans la première moitié du xixe siècle que la doctrine, sous l'influence de Proudhon (Traité du domaine, 1833), s'est employée à dégager de l'ensemble des biens publics certains d'entre eux pour les faire bénéficier d'une protection spéciale, notamment de l'inaliénabilité que la Révolution avait supprimée. Ce sont ces biens qui, désormais, allaient former la catégorie du domaine public.

Il restait à identifier leurs signes distinctifs. Ce fut l'objet d'une longue controverse doctrinale mettant en œuvre à la fois les caractères intrinsèques des dépendances domaniales et les positions prises par la jurisprudence administrative à leur endroit. Aujourd'hui, la thèse dominante retient plusieurs critères dont la combinaison permet de rattacher au domaine public certaines propriétés des collectivités et des établissements publics. Le premier critère est l'affectation du bien à l'usage du public, soit que cette affectation vise un usage collectif (voies publiques, rivages de la mer, par exemple), soit qu'elle concerne un usage privatif (cimetières, halles, parkings payants, etc.). L'affectation à un service public constitue le second critère de la domanialité publique. Cependant, appliqué sans nuance, et compte tenu de l'extension actuelle du nombre des services publics, il conduirait à soustraire au droit commun de la propriété un nombre considérable de biens, et cela sans aucune justification d'intérêt public. C'est pourquoi la jurisprudence limite les conséquences de l'affectation à un service public en exigeant que le bien soit lié au but visé par le service soit par sa nature, soit à raison de l'aménagement spécial qu'il a reçu. Cette restriction permet de résoudre le problème posé par la domanialité des meubles (les tableaux d'un musée feront partie du domaine alors que la machine de la dactylo en sera exclue) et par la multiplicité des bâtiments utilisés par l'administration. Seuls seront considérés comme dépendances domaniales ceux qui auront fait l'objet de travaux spécifiques d'installation. On peut donc, en définitive, rattacher au domaine public l'ensemble des biens des collectivités et des établissements publics mis à la disposition du public, directement ou par l'entremise d'un service, sous réserve que ces biens soient adaptés à leur fin par[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris

Classification

Pour citer cet article

Georges BURDEAU. DOMAINE PUBLIC [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

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    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 676 mots
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