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MILHAUD DARIUS (1892-1974)

Un génie classique

Le 24 octobre 1920, Gabriel Pierné crée la musique pour Protée de Claudel. Cette exécution provoque un grand scandale, par suite des propositions de polytonalité qui se révèlent dans cette œuvre. Le scandale se poursuit en mai 1921, lors de la création des Cinq Études pour piano et orchestre. Le vacarme est tel que la police doit faire évacuer la salle. À partir de ce moment, l'opinion concernant le compositeur se sépare en deux factions opposées : les partisans, qui comprennent le langage polytonal, et les opposants, qui restent accrochés à des conceptions plus traditionnelles... L'Homme et son désir et La Création du monde, aux Ballets suédois, connaissent un très grand succès, ainsi que Salade. Ces trois ballets (1923-1924) continuent à être considérés comme représentatifs de l'art du compositeur, de même que l'opéra Les Malheurs d'Orphée (texte de Lunel), créé en 1925, et que la complainte Le Pauvre Matelot (texte de Cocteau), créée en 1927. En 1925, Milhaud épouse sa cousine Madeleine Milhaud. Ensuite, il entreprend de nombreux voyages et tournées de concerts en Europe et en Amérique.

À l'invitation de Hindemith, il compose en 1927 trois « opéras-minute » sur des textes d'Henri Hoppenot, L'Enlèvement d'Europe, L'Abandon d'Ariane et La Délivrance de Thésée, accueillis partout avec un chaleureux succès. Le 5 mai 1930 a lieu à l'opéra Unter den Linden, à Berlin, la création du grandiose Christophe Colomb (texte de Claudel), sous la direction d'Erich Kleiber. Cet ouvrage, un des sommets de la production du compositeur, consacre définitivement son importance dans l'opinion mondiale. Infatigable, doué d'une puissance de création inépuisable, en dépit d'un état de santé précaire, Milhaud a déjà composé à cette époque plus de cent œuvres (son catalogue comporte plus de cinq cents ouvrages, grands et petits, magnifiques ou sans éclat, comme cela se passe pour tous les auteurs doués d'un tel pouvoir de production). Bientôt, aux genres abordés précédemment s'ajoutent des concertos et des cantates. La musique de Milhaud est accueillie favorablement en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, en Italie, en Amérique du Nord. En France, son art n'a cessé d'être âprement discuté, mais ne laisse personne indifférent. Le 5 janvier 1932, l'Opéra de Paris crée Maximilien, grand opéra dramatique qui se heurte à une incompréhension quasi totale. Mais sa musique de chambre recueille une adhésion presque unanime. Le 7 octobre 1939, l'opéra d'Anvers crée Médée, opéra en un acte, qui reste une œuvre majeure dans la série des tragédies en musique. Le 10 mai 1940, après la représentation de Médée à l'Opéra de Paris, la guerre ramène l'auteur à Aix, d'où il part pour les États-Unis, à l'invitation de l'Orchestre symphonique de Chicago, qui lui avait commandé une symphonie, genre auquel il ne s'était pas encore attaqué ; cette symphonie sera suivie de onze autres. Milhaud donne un cours de composition au Mills College, à Oakland. Rentré en France en juillet 1947, il voit son Bolivar monté à l'Opéra de Paris, avec des décors de Fernand Léger, en 1949. C'est à nouveau un succès. Durant son séjour aux États-Unis, soixante-quatre œuvres nouvelles avaient vu le jour, parmi lesquelles un treizième quatuor à cordes, une troisième symphonie et un somptueux Service sacré pour le samedi matin. Il est nommé professeur de composition au Conservatoire de Paris, Messiaen professant l'analyse musicale. Parallèlement à son activité parisienne, Milhaud donne régulièrement un cours d'été à Aspen (Colorado). De partout affluent les commandes, qu'il tient à honorer régulièrement. En 1951 paraît son dix-huitième et dernier quatuor à cordes. Quatre quintettes vont suivre, ainsi qu'un[...]

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Écrit par

  • : administrateur de la Société philharmonique de Bruxelles, conseiller musical à l'Orchestre national de Belgique, directeur honoraire de la Radio-télévision belge, président scientifique de l'International Institute for the Cooperative Music Studies, Berlin
  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

Classification

Pour citer cet article

Paul COLLAER et Alain PÂRIS. MILHAUD DARIUS (1892-1974) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Darius Milhaud - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Darius Milhaud

Autres références

  • COLLAER PAUL (1891-1989)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 622 mots

    Musicologue, pianiste et chef d'orchestre belge, Paul Collaer a joué un rôle essentiel dans la vie musicale bruxelloise, dont il a été le principal animateur entre les deux guerres.

    Né à Boom le 8 juin 1891, il fait ses études à l'université de Bruxelles (1909-1914), qu'il termine...

  • JAZZ

    • Écrit par Philippe CARLES, Jean-Louis CHAUTEMPS, Universalis, Michel-Claude JALARD, Eugène LLEDO
    • 10 992 mots
    • 25 médias
    ...Stravinski (Ragtime) et les tentatives de jazz symphonique (Rhapsody in Blue, de George Gershwin) ne témoignent pas d'une compréhension véritable. Seul Darius Milhaud, dans La Création du Monde, eut l'intuition fugace de l'esprit du blues. Aux États-Unis, le jazz, jusqu'aux lendemains de la Seconde Guerre...
  • LUNEL ARMAND (1892-1977)

    • Écrit par Gérard SÉNÉCA
    • 656 mots

    Professeur de philosophie, écrivain lauréat de plusieurs prix littéraires importants, conférencier, collaborateur de Darius Milhaud (auquel le liait une amitié jamais démentie qui datait de l'enfance). L'œuvre d'Armand Lunel est inséparable de la Provence, sa région natale, et de la Côte d'Azur,...

  • MUSIQUE SOUS L'OCCUPATION

    • Écrit par Myriam CHIMÈNES
    • 3 746 mots
    • 2 médias
    Parmi les musiciens que l’application des lois d’exclusion met en danger, Darius Milhaud choisit de quitter en 1940 la France pour les États-Unis, tandis que des compositeurs juifs étrangers fixés en France pendant l’entre-deux-guerres, comme René Leibowitz ou Tibor Harsányi, restent en France...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi