CYRÉNAÏQUE ÉCOLE (Ve-IVe s. av. J.-C.)
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Groupe de philosophes qui tire son nom de Cyrène, d'où était originaire son fondateur, Aristippe, disciple de Socrate. Les principaux successeurs d'Aristippe furent : sa fille Arété (une des rares femmes philosophes de l'Antiquité) ; le fils de celle-ci, Aristippe Metrodidactos (c'est-à-dire le « Disciple de sa mère ») ; Hêgêsias Péisithanatos (« qui conseille la Mort ») ; Annicéris ; Théodore l'Athée (Voir G. Giannantoni, I Cirenaici, Florence, 1958 ; E. Mannebach, Aristippi et Cyrenaicorum Fragmenta, Leyde, 1961).
Leurs écrits (pour la plupart des dialogues socratiques) sont perdus et leur doctrine n'est connue que par des témoignages postérieurs. Leur morale du plaisir se fonde sur un subjectivisme radical. Nous ne sommes certains que de nos impressions subjectives (impression de « blanc », de « sucré », d'« amer »), mais ces impressions sont incommunicables. Car, si les mots de « blanc », de « sucré », d'« amer » sont communs à tous les hommes, les sensations de « blanc », de « sucré », d'« amer » sont propres à chaque individu et inexprimables. Les phénomènes sont nos sensations subjectives, et non pas les objets eux-mêmes. S'il en est ainsi, chaque individu ne peut considérer comme bien que ce qu'il désire, c'est-à-dire son plaisir, et comme mal que ce qu'il fuit, c'est-à-dire ce qu'il éprouve comme douleur. Plaisir et douleur sont donc des expériences individuelles incommunicables, qui dépendent beaucoup plus de l'individu qui les éprouve que de l'objet qui les produit. Il y a plaisir lorsque l'émotion est douce et régulière ; douleur, lorsque l'émotion est violente. Il n'y a de plaisir que dans l'instant présent. S'attacher au passé, attendre l'avenir, chercher à se procurer les objets extérieurs sous le prétexte qu'ils sont causes des plaisirs, c'est se détourner de l'actualité du plaisir.
La doctrine cyrénaïque conduit donc à une sagesse : le bonheur consistera dans un « système » de plaisirs, et ces plaisirs se trouveront dans la liberté de l'individu à l'égard des objets et du temps. L'individu transcende les objets qui lui procurent son plaisir, ce qu'illustre le mot célèbre d'Aristippe à propos de sa maîtresse : « Je possède et ne suis pas possédé. » Mais cette liberté n'est pas entière. Le sage ne peut éviter la douleur ; sa vie n'est pas continuellement agréable. Il est très difficile de réunir tous les plaisirs qui feront une vie heureuse. Chez un successeur d'Aristippe, Hêgêsias, ces affirmations tournent au pessimisme radical : rien, dans la vie, ne répond au désir profond de l'homme. L'existence n'apporte que douleur et souci, le bonheur est impossible. Le sage fuira donc la souffrance, en se réfugiant, s'il le faut, dans la mort ; de là vient le surnom de Péisithanatos qu'on donna à Hêgêsias.
La tendance représentée par Annicéris échappera à ce pessimisme en refusant d'assigner à la vie entière de l'homme une fin déterminée : c'est chaque action particulière qu'il faut considérer pour reconnaître que la fin propre de l'action est le plaisir qu'elle engendre. La nuance singulière apportée par Théodore dans l'école cyrénaïque est difficile à préciser ; mais il semble avoir exercé une influence considérable sur la critique épicurienne de la théologie, en s'attaquant d'une manière radicale, dans son livre Sur les dieux, à toutes les conceptions religieuses traditionnelles.
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 2 pages
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par :
- Pierre HADOT : professeur au Collège de France
Classification
Autres références
« CYRÉNAÏQUE ÉCOLE ( V e -IV e s. av. J.-C.) » est également traité dans :
ARISTIPPE DE CYRÈNE (425-355 av. J.-C.)
Disciple de Socrate, fondateur de l'école cyrénaïque. Les écrits d'Aristippe de Cyrène sont tous perdus, mais on possède à son sujet de nombreuses anecdotes (« chries ») ou paroles fameuses prononcées dans une situation typique. Diogène Laërce, qui en a conservé beaucoup ( Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres , II, 65) donne la raison du succès de ces histoires : « Il était capab […] Lire la suite
HÉDONISME
Les données de l'historiographie philosophique sont imprécises, qui permettraient de circonscrire les problèmes relatifs à la naissance du mot et de la notion d'hédonisme. Créé en 1890, par dérivation du grec ἡδονή qui signifie plaisir, ce terme désigne dès lors un ensemble de thèses éparses que la tradition philosophique gréco-latine attribuait aux cyrénaïques. Ces derniers, comme les mégariqu […] Lire la suite
THÉODORE L'ATHÉE, dit LE DIVIN (fin IVe-déb. IIIe s. av. J.-C.)
Théodore l'Athée, dit aussi Théodore de Cyrène (à ne pas confondre avec un autre Théodore de Cyrène, mathématicien du siècle précédent, dont Platon suivit les leçons), aurait succédé à Aristippe le Jeune à la tête de l'école de Cyrène fondée par Aristippe l'Ancien, ou du moins d'une partie de cette école, puisque Diogène Laërce parle de théodoriens, mais aussi d'hégésiaques et d'annicériens. Fuyan […] Lire la suite
Pour citer l’article
Pierre HADOT, « CYRÉNAÏQUE ÉCOLE (Ve-IVe s. av. J.-C.) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 06 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/cyrenaique-ecole/