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CRITIQUE D'ART, Antiquité gréco-romaine

La critique des professeurs

C'est dans des œuvres rhétoriques du ier siècle avant et après J.-C. conçues en milieu romain (Cicéron, Denys d'Halicarnasse, Quintilien) que réapparaissent des histoires normatives de l'art bâties sur le modèle de Xénocrate, mais avec une progression et un idéal tout autre. Ces développements illustrent des histoires de la rhétorique en posant une homologie entre les différents arts. Un trait remarquable de ces passages est que les histoires littéraires sont extensibles et intègrent progressivement les nouveaux écrivains, tandis que les parallèles artistiques sont immuables et envisagent un passé figé qui ne dépasse pas la génération des artistes examinés par Xénocrate. Ce qui a changé, c'est l'idéal à atteindre, « une beauté au-delà du vrai » (decor supra verum) qui s'attache avant tout au contenu de l'œuvre, à l'effet produit sur le spectateur et aux capacités visionnaires de l'artiste. La phantasía, comme le souligne le rhéteur Philostrate, au début du iiie siècle, a pris le pas sur la mímēsis (Vie d'Apollonios de Tyane, ii, 22). Phidias, que Xénocrate plaçait au premier degré de sa hiérarchie des sculpteurs, se voit exalté comme le seul artiste capable de concevoir, à l'égal d'Homère (voir Dion Chrysostome, XIIe Discours), la majesté divine dans ses grandes statues chryséléphantines.

Cette critique véhiculée dans les milieux de l'enseignement rhétorique hérite aussi d'un passé complexe. Elle repose d'abord sur une comparaison entre les arts de la parole et ceux de l'image qui, au-delà d'Aristote, remonte à un plus lointain passé. On devait au poète Simonide l'aphorisme célèbre : « La peinture est une poésie muette et la poésie une peinture qui parle », première formulation de l'ut pictura poesis d'Horace et source de tout un courant épigrammatique où le poète rivalise avec le peintre ou le sculpteur pour évoquer par les mots l'univers sensible. Gorgias, dans son Éloge d'Hélène, avait revendiqué le même privilège pour la prose d'art. On voit en outre s'affirmer dès le ive siècle, par exemple chez Xénophon (Mémorables, iii, 10 sqq.), l'exigence pour les arts plastiques de dépasser la représentation physique pour exprimer l'intériorité des caractères et des passions, donc pour montrer, par l'intermédiaire du sensible, l'invisible. Il en va de même pour Aristote qui préfère les peintres « éthiques », comme Polygnote, au service des idéaux civiques, aux maîtres du clair-obscur, comme Zeuxis, plus soucieux d'améliorer leur technique que d'offrir aux jeunes gens des tableaux instructifs. Les écoles philosophiques de l'époque hellénistique, et notamment les stoïciens, avaient encore contribué à déplacer l'intérêt critique du faire technique de l'artiste vers ses qualités visionnaires et vers l'examen du contenu et du sujet de l'œuvre.

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Pour citer cet article

Agnès ROUVERET. CRITIQUE D'ART, Antiquité gréco-romaine [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ART NÉO-ATTIQUE (Rome)

    • Écrit par
    • 230 mots
    • 1 média

    Au lendemain des guerres puniques, la puissance militaire et diplomatique de Rome s'impose progressivement à l'ensemble du monde méditerranéen. Enrichis par les conquêtes et séduits par les nombreux originaux pillés par les généraux, les Romains et les Italiens recherchent des œuvres d'art...