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CRISE DES SUBPRIMES

La faillite d'un dogme

La première leçon qui s'impose est que nous sommes en présence d'une crise idéologique et intellectuelle. Pendant les trois dernières décennies, les autorités et les élites ont été guidées par le « fondamentalisme du marché », selon l'expression de George Soros : la croyance que les marchés tendent vers l'équilibre et que les déviations par rapport à ce dernier sont temporaires. Les politiques de dérégulation et les innovations financières sont fondées sur cette croyance. Or celle-ci est remise en cause par la crise en cours, dans le monde tant académique que professionnel. Les innovations sont restées non régulées par les autorités à cause de cette hypothèse fallacieuse selon laquelle les marchés s'autorégulent. En fait, les autorités devraient savoir que les grandes crises (1987, 2000...) ont été évitées jusqu'ici du fait de leurs interventions et non de la capacité des marchés à retrouver leur équilibre. Les autorités et les acteurs financiers, aveuglés par leur fondamentalisme de marché, n'ont pas vu venir la crise en cours. Il serait essentiel que, dans les salles de marché comme dans les universités, on admette qu'il existe une autre représentation théorique des marchés, plus proche de la réalité, comme le reconnaissent les professionnels les plus éclairés. Les marchés fonctionnent sur la base du mimétisme et des interactions entre des acteurs travaillant en information incomplète et avec une rationalité limitée, ce qui peut conduire – en l'absence de régulation appropriée – à des équilibres multiples, ainsi qu'à une évolution chaotique et désordonnée des prix d'actifs dont la crise des subprimes donne une illustration éclatante. Il convient de procéder à un aggiornamento du paradigme néolibéral qui a abouti à une dérégulation excessive des marchés financiers et de leurs acteurs. Si les autorités américaines n'avaient pas supprimé les règles de protection des ménages surendettés, il est probable que la crise des subprimes n'aurait pas eu lieu. Il faut corriger une grande erreur commise par la théorie économique classique à propos du fonctionnement et de la nature des marchés. Selon cette dernière, le fonctionnement des marchés se réduirait à une interaction entre l'offre et la demande conduisant à la détermination de prix d'équilibre. Il suffirait de laisser jouer la concurrence sur les marchés pour qu'ils fonctionnent d'une manière optimale. Cette conception des marchés est contestable. Le paradoxe des marchés est en effet que ceux-ci ont besoin d'être encadrés par un ensemble d'institutions. Ce qui est très différent du laissez-faire qui est au cœur de la doctrine néolibérale. Des historiens tels que Fernand Braudel ont montré que, depuis des siècles, le bon fonctionnement des marchés est directement lié à la qualité des institutions publiques chargées de les organiser et de les contrôler.

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Écrit par

  • : professeur d'économie à l'université de Paris-XIII-Villetaneuse

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Pour citer cet article

Dominique PLIHON. CRISE DES SUBPRIMES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Paul Krugman - crédits : D. Applewhite/ Princeton University Office of Communications

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