CONSOMMATION Dépenses de consommation

Le partage du revenu entre la consommation et l'épargne

Au sein même de la seule communauté des économistes, l'analyse de la consommation fait débat. Le clivage principal a longtemps opposé les keynésiens et les monétaristes quant à la nature du revenu qui détermine la consommation des ménages.

Revenu courant, revenu permanent et épargne de précaution

Pour les keynésiens, les pouvoirs publics ont la mission de stimuler la consommation en élevant le revenu courant, le chômage, fléau du capitalisme, ayant pour cause l'insuffisance de la demande effective. Pour les monétaristes, disciples de Milton Friedman, cette intervention de l'État perturbe l'efficacité des mécanismes du marché. Dans sa théorie du revenu permanent, Friedman postule, en effet, que le consommateur décide du niveau de ses dépenses en fonction du revenu moyen qu'il prévoit d'obtenir sur une longue période. Franco Modigliani et Richard Brumberg, dans cette logique, définissent l'horizon de cette planification du ménage sur l'ensemble de son cycle de vie. La consommation dépend alors de la somme actualisée de toutes ses ressources futures, et non de son revenu courant comme dans les théories keynésiennes.

Cette dernière approche, elle aussi, est contestée. La temporalité des comportements financiers des ménages a été en effet intégrée de façon plus complexe dans les modèles microéconomiques, en ce qui concerne le partage entre revenu et épargne. De ce point de vue, le ménage est conçu comme prenant en compte les incertitudes relatives à son revenu futur et à l'accès plus ou moins facile au crédit. Leur consommation présente étant ainsi modulée par une épargne de précaution.

Lissage de la consommation par rapport au revenu

La plupart des travaux conduits à partir de séries chronologiques ou sur la base de données individuelles confirment que le revenu est bien le déterminant principal de la consommation au niveau le plus agrégé. Depuis le début des années 1980, par exemple, l'élévation des niveaux de vie a été continue en France. 1993 a été une année exceptionnelle de régression. Il est vrai que, dans cette période, la croissance est ralentie quand on la compare à celle des deux décennies antérieures. L'évolution de la consommation présente une évolution assez semblable au revenu, même si elle est lissée par rapport à celle des revenus, le ménage s'efforçant de maintenir sa consommation à un niveau relativement stable en jouant sur son épargne et sur le crédit : en particulier, pendant les années de régression de pouvoir d'achat, la consommation a continué de croître, les ménages puisant dans leur épargne financière.

Dans la durée, au sein de la quasi-totalité des pays de l'O.C.D.E., consommation et revenu croissent dans les mêmes proportions, ce qui semble relever d'une sorte de condition d'équilibre à long terme, le jeu des taux d'intérêt corrigeant les excès ou l'insuffisance d'épargne.

L'horizon prévisionnel du ménage

L'horizon prévisionnel du ménage fait l'objet d'autres travaux qui mettent en cause l'approche antérieure du cycle de vie. Le comportement de prudence, propre aux modèles avec épargne de précaution, modifie le profil de la consommation sur le cycle de vie. Dans ces nouveaux modèles qui prennent en compte l'incertitude sur les revenus, le caractère risqué des revenus futurs a tendance à réduire la consommation, principalement celle de biens durables. Par ailleurs, ils remettent en question l'horizon de vie retenu dans les modèles pionniers proposés par Milton Friedman et par Franco Modigliani. Quel est donc l'horizon pris en compte par les ménages pour déterminer leur niveau de consommation ? Si l'accord est unanime pour rejeter l'idée que c'est le revenu courant qui est seul pris en considération et détermine la consommation,[...]

Pour nos abonnés, l'article se compose de 7 pages

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • Nicolas HERPIN : sociologue, directeur de recherche, C.N.R.S.
  • Daniel VERGER : inspecteur général de l'I.N.S.E.E., chef de l'unité méthodes statistiques

Classification

Pour citer cet article

Nicolas HERPIN, Daniel VERGER, « CONSOMMATION - Dépenses de consommation », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Autres références

  • ACHAT POUVOIR D'

    • Écrit par Stéfan LOLLIVIER
    • 31 031 mots
    • 2 médias
    La mesure du pouvoir d'achat fait intervenir les ressources, objet de la discussion précédente, mais également au dénominateur les prix des dépenses de consommation. L'outil de référence pour mesurer l'augmentation de ceux-ci est l'indice des prix à la consommation (I.P.C.). Depuis[...]
  • ACIER - Économie

    • Écrit par Franco MANNATO
    • 55 971 mots
    Laconsommation d'acier recouvre différentes notions plus ou moins aisées à traduire en chiffres. La consommation apparente d'acier est la somme de la production d'acier et des échanges nets d'acier (importations moins exportations). Les données exploitables sont, pour la production, les volumes de production[...]
  • ART (Aspects esthétiques) - Le beau

    • Écrit par Yves MICHAUD
    • 30 661 mots
    • 6 médias
    [...]monde de l'art, mais bien, comme c'était le cas dans l'Antiquité et au Moyen Âge, de prendre en compte le monde tel qu'il est aujourd'hui produit, perçu et consommé. C'est affaire ici tout à la fois de culture, de technologie et d'économie. Avançons que ce monde est façonné par une technologie, une économie[...]
  • AUTOFINANCEMENT

    • Écrit par Geneviève CAUSSE
    • 28 909 mots
    [...]épargnés préalablement, et où le financement des investissements n'interfère pas avec la distribution des revenus, on a pu dire que l'autofinancement, épargne forcée, affectait sensiblement la distribution etpesait notamment sur les consommateurs et sur les salariés des entreprises qui le pratiquent.
  • BESOIN, sociologie

    • Écrit par Michel LALLEMENT
    • 3 502 mots

    Tout comme les plantes et les animaux, les hommes ont des besoins. Pour en rendre raison, de nombreuses typologies ont été proposées. Le plus souvent, elles hiérarchisent les besoins en partant des plus élémentaires (nourriture, abri, pulsions sexuelles…) jusqu’aux moins « naturels » (recherche de pouvoir,[...]

  • Afficher les 60 références

Voir aussi