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FOSSE JON (1959- )

Jon Fosse - crédits : Ole Berg-Rusten/ NTB/ AFP

Jon Fosse

L'écrivain norvégien Jon Fosse a accédé en France à une audience élargie lorsqu'en 2010-2011 Patrice Chéreau a mis en scène deux de ses pièces : Rêve d'automne et Je suis le vent. Mais son œuvre bénéficiait déjà d'une vaste reconnaissance internationale, surtout depuis qu'elle s'était augmentée, en moins de vingt ans, d'une trentaine de pièces, traduites dans environ quarante langues. Le prix Nobel de littérature lui a été attribué le 5 octobre 2023.

Né le 29 septembre 1959 à Haugesund, Jon Fosse commence, à peine adolescent, à jouer dans un orchestre de rock et à écrire. Dès ses vingt ans il achève un premier roman, Rouge, noir (1983) ; il se consacre ensuite à des fictions, récits, essais, poèmes. N'acceptant la commande d'un texte destiné au théâtre que par besoin financier, il découvre son domaine de prédilection avec Quelqu'un va venir (1996, trad. franç. 1999). La pièce suivante, Et jamais nous ne serons séparés (1994, trad. franç. 2000), est la première à être mise en scène par Kai Johnsens. Le Nom (1995, trad. franç. 1998) sera publié peu après.

Une œuvre de rupture

La traduction de l'œuvre publiée en France – P.O.L et Circé pour les romans, l'Arche pour les pièces – est due à Terje Sinding, grand passeur de littérature scandinave. Cette entreprise se trouve favorisée par l'expérience de Jon Fosse, lui-même traducteur de Sarah Kane, Lars Norén et Thomas Bernhard. Mais ne peut être restituée la singularité que représente pour un public norvégien l'usage du nynorsk. Le recours à cette langue minoritaire et menacée, illustrée par un grand devancier, l'écrivain Tarjei Vesaas (1897-1970), en elle-même poétique selon Jon Fosse, est aussi un choix politique, un acte de résistance contre l'usage utilitaire du langage. C'est pour lui la langue de l'enfance, passée dans un village de la côte ouest, près d'un fjord, de cette mer si séduisante dans ses romans, de La Remise à bateaux (1989, trad. franç. 2007) à Matin et soir (2000, trad. franç. 2003), dans ses pièces, de Un jour en été (1998, trad. franç. 2000) à Je suis le vent (2007, trad. franç. 2010). Le protagoniste de Melancholia I (1995, trad. franç. 1998), le peintre Lars Hertervig, lui aussi, garde à l'école des Beaux-Arts de Düsseldorf l'obsession de la baie et de ses îlots, de ce Stavanger natal que sa sœur Oline n'a jamais quitté et où elle passe sa dernière journée, incontinente, perdue dans le passé et oublieuse du présent, dans Melancholia II (1996, trad. franç. 2002).

D'une haine du théâtre comme manifestation culturelle et sociale, Jon Fosse est passé à sa célébration comme « la plus humaine, et pour lui la plus intense, de toutes les formes d'art », apte à créer des « moments d'entente émotionnelle [...] inexplicables, du moins intellectuellement » (Essais gnostiques, 1999). À mesure qu'il s'éloigne de ses longues études littéraires, il récuse toute interprétation d'une signification, toute tentative de compréhension qui ne soit de l'ordre de la fiction et de la poésie. Toujours influencé par un grand-père marxiste et quaker, il se présente comme aussi « pétri de christianité » qu'éloigné de l'Église luthérienne de Norvège, tel son double manifeste, l'écrivain Vidme dans Melancholia I : « Être croyant ce n'est pas être sûr de soi, c'est n'être sûr de rien, c'est être dans un état d'étonnement où l'on distingue une lumière, c'est voir quelque chose que l'on ne comprend pas. » Cet état, Jon Fosse semble l'avoir éprouvé à sept ans, après un accident, évoqué dans un de ses textes pour enfants, Petite Sœur (2000, trad. franç. 2009). « Je sais que j'ai vu quelque chose ; et c'est cette chose que je[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'université de Poitiers, critique théâtrale de La Quinzaine littéraire et de En attendant Nadeau

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Pour citer cet article

Monique LE ROUX. FOSSE JON (1959- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jon Fosse - crédits : Ole Berg-Rusten/ NTB/ AFP

Jon Fosse

Autres références

  • LE NOM et UN JOUR EN ÉTÉ (mises en scène)

    • Écrit par Raymonde TEMKINE
    • 891 mots

    Claude Régy est le metteur en scène à qui nous devons le plus de révélations en France d'auteurs dramatiques étrangers. En 1999, c'est le Norvégien Jon Fosse qu'il nous fait connaître en montant Quelqu'un va venir. L'auteur, né en 1959, a déjà publié une quinzaine de romans,...

  • QUELQU'UN VA VENIR (J. Fosse)

    • Écrit par David LESCOT
    • 969 mots

    La compagnie de Claude Régy, Les Ateliers contemporains, a pour vocation de créer en France les œuvres de jeunes auteurs dramatiques. On sait que Régy a toujours privilégié une telle recherche, lui qui aida à découvrir en France Harold Pinter, John Osborne, Peter Handke, Botho Strauss ou, plus...

  • DRAME - Les écritures contemporaines

    • Écrit par Jean-Pierre SARRAZAC
    • 6 535 mots
    • 2 médias
    Dansles pièces du Norvégien Jon Fosse (Un jour en été, 1994 ; Rêve d'automne, 1999), comme dans celles de son collègue suédois Lars Norén (La Force de tuer, 1980 ; Sang, 1995), ce sont les relations les plus intimes au sein du couple et/ou de la famille qui sont exposées dans toute leur...
  • NORVÈGE

    • Écrit par Marc AUCHET, Régis BOYER, Georges CHABOT, Universalis, Lucien MUSSET, Claude NORDMANN
    • 24 666 mots
    • 24 médias
    Depuis les années 1990, Jon Fosse (né en 1959) s'est imposé et bénéficie d'une audience nationale et internationale exceptionnelle. Il fut d'abord un romancier extrêmement attentif à son écriture (Le Plomb et l'eau, 1992), puis l'auteur de recueils de poésie, d'essais et de...

Voir aussi