Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHINOIS CINÉMA

Nourri aux sources étrangères, héritier d’un art né hors des frontières où lui-même s’épanouit, le cinéma chinois est à l’image de la société chinoise elle-même. Celle-ci, alternativement, s’ouvre sur l’extérieur ou se replie sur elle-même. Le cinéma, incontestablement, subit, au cours de son histoire, diverses influences étrangères souvent difficiles à déceler avec netteté, bien qu’à certaines époques celles des cinémas américain puis soviétique soient évidentes. Cependant, il reste en permanence à la recherche d’une identité qui lui soit propre.

Après avoir failli disparaître au moment de la révolution culturelle (à l’exception de quelques ballets révolutionnaires, on assiste à un gel de la production), le cinéma chinois renaît au milieu des années 1980, porté par une nouvelle génération de cinéastes révélés sur la scène internationale par les festivals (Zhang Yimou, Chen Kaige). Le star system, qui fut l’un des aspects du cinéma de Shanghai des années 1930, revient alors en force, grâce notamment à Gong Li. Si les événements tragiques de Tiananmen en 1989 brisent cet élan d’ouverture, ils vont permettre à une nouvelle génération de cinéastes, marqués par ce drame, d’enregistrer les récentes mutations de la vie sociale en Chine, conséquences de l’ouverture du monde du travail aux lois du marché. Jia Zhangke est le chef de file de ce courant qui, dans le sillage des aînés, a contribué à redonner au cinéma chinois une place centrale au sein du cinéma asiatique.

La difficile pénétration d’une industrie importée

Quel pays aurait pu être mieux préparé à recevoir le cinématographe que celui des « ombres chinoises » ? Aussi bien le désigne-t-on en Chine en forgeant le mot dianying, qui signifie « ombres électriques ». Le premier film projeté dans le pays l’est à Shanghai le 11 août 1896. Le grand port, ouvert à toutes les influences étrangères – élément déterminant –, n’est donc guère en retard sur Paris. Le retard se creusera davantage au cours des années suivantes : il faut, en effet, attendre 1905 pour que soit réalisé le premier film chinois, d’une durée de quinze minutes, par des photographes de la capitale : Le Mont Tingkiun, court extrait d’ opéra de Pékin. Le premier film national de long métrage ne sera tourné que huit années plus tard.

Y eut-il engouement populaire pour ces « jeux d’ombres occidentaux » comme on appela d’abord ce nouveau type de spectacle, le plus souvent importé de France grâce à l’importante position occupée par notre pays au sein d’une des plus puissantes concessions étrangères ? Toujours est-il que de nombreuses projections suivirent celle du 11 août 1896. Onze mois plus tard, un homme d’affaires américain débarquait à son tour à Shanghai, ses bagages pleins de films qu’il projeta à prix d’or dans les maisons de thé. L’affaire se révélant rentable, il fut suivi de nombreux autres étrangers dont le plus notable, l’Espagnol A. Ramos, s’assura bientôt une place prépondérante sur le marché : ne se contentant plus des maisons de thé, il projeta ses films dans une vaste patinoire, puis loua une salle spécialement réservée à cet usage, attirant la foule à grand renfort de trompes, de gongs et de tambours, ouvrant enfin, en 1908, la première salle de cinéma proprement dite.

Sans doute faut-il attribuer à l’état semi-colonial qui était alors celui de la Chine l’intervention tardive de nationaux sur le marché du film. Le premier Chinois à y faire irruption fut un certain Lin Zhusan, à son retour d’Europe et d’Amérique, d’où il rapportait des appareils de projection et des films qu’il commença à montrer en 1903 à Pékin. Il fallut pourtant vaincre une certaine méfiance officielle née de la répétition d’incidents fâcheux.

Bien des raisons expliquent donc la lenteur à la fois de l’expansion[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : journaliste, écrivain, historien du cinéma chinois
  • : journaliste
  • : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Régis BERGERON, Adrien GOMBEAUD et Charles TESSON. CHINOIS CINÉMA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jia Zhangke - crédits : Elisabetta A. Villa/ WireImage/ Getty Images

Jia Zhangke

Autres références

  • BIG BOSS, film de Wei Lo

    • Écrit par Laurent JULLIER
    • 926 mots

    Né à San Francisco, Li Zhenfan (1940-1973), dit Bruce Lee, débute au cinéma à dix ans au côté de son père dans Le Kid (Xilu xiang de Feng Feng, 1950). Il travaille ensuite sur d'autres films sous le pseudonyme de Li Kiaolong ou « Li le petit dragon », avant de faire des études de philosophie...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    ...nouvel espace. Mais c'est surtout en Extrême-Orient que le désir de cinéma a trouvé ses conditions les plus viables. Les cinémas du Japon, de Corée, de Hong Kong, Taïwan et de Chine, fondés sur de solides traditions artisanales, ont su réactiver leur production à partir de genres traditionnels (des...
  • ÉPOUSES ET CONCUBINES, film de Yimou Zhang

    • Écrit par Jacques AUMONT
    • 974 mots

    Fils d'un officier du Kuomintang, Zhang partait avec un lourd handicap dans la Chine communiste ; « rééduqué » à la campagne durant la révolution culturelle, il n'entre qu'à vingt-sept ans à l'école de cinéma de Pékin, après avoir appris la photo en autodidacte. Lorsqu'il obtient son diplôme, en...

  • THE GRANDMASTER (Wong Kar-Wai)

    • Écrit par Pierre GRAS
    • 889 mots
    • 1 média

    Présenté à Berlin au début de 2013, The Grandmaster a marqué le retour très attendu de Wong Kar-wai qui, après son 2046 à la fois magistral et déconcertant (2004), n’avait pas retrouvé le succès public. Son court-métrage La Main (2005), intégré à l’inégal Eros comprenant également...

  • Afficher les 18 références

Voir aussi