Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHINOISE (CIVILISATION) La littérature

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par , , , , et

L'époque contemporaine (de 1912 à nos jours)

La révolution littéraire

La révolution chinoise de 1911, l'instauration de la République l'année suivante furent suivies, à brève échéance, d'une profonde révulsion culturelle que ses promoteurs appelèrent la « révolution littéraire » et qui se déclencha pendant la Première Guerre mondiale, à partir de 1917. Le principal promoteur en fut Hu Shi (1891-1962), dont les premiers manifestes littéraires furent envoyés en Chine des États-Unis, où il fit ses études de 1910 à 1917 sous la direction du philosophe pragmatiste Thomas Dewey. Ces manifestes parurent en 1917 dans la revue La Jeunesse (Xin qingnian), que publiait à Pékin un de ses compatriotes de l'Anhui nommé Chen Duxiu (1879-1942). Hu Shi y traçait le programme d'une réforme radicale de la littérature chinoise, inspirée d'exemples occidentaux. Sa principale thèse était la nécessité de substituer carrément la langue parlée à la langue écrite comme instrument de la littérature. Une telle réforme, soutenait-il, se justifiait comme l'aboutissement d'une période de gestation longue d'une dizaine de siècles ; depuis les Song et les Yuan, le courant principal de la littérature chinoise avait été celui des œuvres en langue parlée. La langue écrite serait désormais considérée comme une langue morte, ce qu'elle avait été en fait depuis longtemps. La réaction fut très vive de la part de tous les lettrés conservateurs ; mais, avec l'appui du recteur de l'université de Pékin, Cai Yuanpei (1867-1940), esprit avancé de formation française, les mesures préconisées par Hu Shi et Chen Duxiu furent adoptées par le gouvernement républicain et, dès 1920, la langue parlée supplanta la langue écrite au programme des écoles du premier degré. Le problème de l'abrogation de la langue écrite et de son remplacement par la langue parlée comme organe de la littérature se présentait dans des conditions bien différentes de celles de la substitution des idiomes vulgaires au latin, en Europe, à la fin du Moyen Âge, ou de celles au milieu desquelles aujourd'hui encore l'Inde se débat langagièrement. Il n'y avait pas à créer en Chine une langue vulgaire nationale ; elle existait déjà depuis des siècles, avec derrière elle une littérature fort ancienne ; il n'y avait pas non plus à la répandre géographiquement à partir d'un centre donné, puisqu'elle était parlée dans tout le pays par une certaine classe sociale. La question n'était pas à proprement parler langagière : elle était d'ordre social. Il s'agissait de faire pénétrer cette langue de haut en bas, dans toutes les couches de la population, et aussi de la faire admettre de bas en haut, par les élites, comme langue littéraire unique au lieu et à la place de la vieille langue écrite. On peut dire que ce redoutable problème est résolu depuis un certain temps déjà.

Tandis qu'après 1920 Chen Duxiu se tournait vers la politique pour devenir un des chefs du Parti communiste chinois, Hu Shi restait au premier plan de la scène littéraire et donnait par ses propres œuvres l'exemple de ses théories. Dans sa prose, il a mis au point un style de langue parlée qui n'a guère été dépassé jusqu'ici ; tout en restant parfaitement chinoise de rythme, de sentiment et même de vocabulaire, sa langue parlée est claire comme une langue européenne et se plie avec grâce à l'expression des idées les plus étrangères à la tradition chinoise. Cette réussite s'explique sans doute par la familiarité dans laquelle Hu Shi avait vécu avec les chefs-d'œuvre anciens de la littérature vulgaire.

Autour de Hu Shi, puis bientôt sans lui et en partie contre lui, la nouvelle littérature en langue parlée a pris depuis 1920 un développement considérable, en même temps[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France
  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
  • : professeur à l'université de Paris-VII, directeur de l'Institut des hautes études chinoises au Collège de France
  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VIII, Saint-Denis
  • : professeur émérite des Université, université Bordeaux Montaigne
  • : professeure émérite à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)

Classification

Pour citer cet article

Paul DEMIÉVILLE, Jean-Pierre DIÉNY, Yves HERVOUET, François JULLIEN, Angel PINO et Isabelle RABUT. CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2024

Médias

Confucius - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Confucius

Mo Yan - crédits : Sophie Bassouls/ Corbis/ Getty Images

Mo Yan

Gao Xingjian - crédits : Eric Fougere/ Corbis/ Getty Images

Gao Xingjian

Autres références

  • ASTRONOMIE

    • Écrit par
    • 11 339 mots
    • 20 médias
    Quant aux Chinois, ils pratiquent l’astronomie depuis l’Antiquité. Ils s’intéressent alors surtout aux événements temporaires survenant dans le ciel et qui leur paraissent comme autant de présages : éclipses, apparition d’étoiles nouvelles, de comètes, etc. Ils consignent soigneusement...
  • CALENDRIERS

    • Écrit par
    • 9 907 mots
    • 4 médias
    Nos connaissances surl'astronomie et le calendrier chinois sont dues au travail monumental réalisé entre 1723 et 1759 par le jésuite français Antoine Gaubil. Pendant les trente-six années qu'il passe à Pékin, sa fonction de traducteur et d'interprète lui permet d'être en contact permanent avec la cour...
  • CHINE - Hommes et dynamiques territoriales

    • Écrit par
    • 9 801 mots
    • 5 médias
    ...comme l'extension d'un monde chinois qui trouve son foyer originel dans le bassin moyen du fleuve Jaune dès le IIe millénaire avant J.-C. Plus largement, la Chine se veut le foyer de civilisation de l'Asie orientale dans la mesure où elle était elle-même l'ensemble du monde, « tout ce qui était sous le...
  • CHINE : L'ÉNIGME DE L'HOMME DE BRONZE (exposition)

    • Écrit par
    • 934 mots

    L'expositionChine : l'énigme de l'homme de bronze. Archéologie du Sichuan (XIIe-IIIe s. av. J.-C.), un des sommets de l'année de la Chine en France, eut lieu du 14 octobre 2003 au 28 janvier 2004 à la salle Saint-Jean de l'Hôtel de Ville de Paris. Elle avait pour commissaires...

  • Afficher les 10 références