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CHANGE Le système monétaire international

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Le système monétaire international (S.M.I.) ne se réduit pas aux seuls régimes de change. Alors que ceux-ci ne concernent que les formes juridiques d'organisation des paiements internationaux (régimes fixes, flottants ou intermédiaires), le système, selon une définition de Robert Mundell (Prix Nobel d’économie 1999), est « l'ensemble des mécanismes qui gouvernent les interactions entre les monnaies et les instruments de crédit des différentes nations, et les moyens de règlement des biens et des services ». À ce titre, le S.M.I. se situe en amont des régimes de change. Il englobe à la fois les opérations de règlement des transactions commerciales, mais aussi toutes les opérations financières, non seulement celles qui sont liées à ces dernières, mais aussi celles qui se développent de façon autonome entre les nations.

De façon plus générale, un système est avant tout un mécanisme ordonnateur qui permet qu'une myriade de décisions des agents économiques ou des États, qui n'ont aucune raison d'être compatibles entre elles ex ante, le deviennent pourtant ex post. Si l'on part de cette définition (un ensemble d'interactions autant financières que monétaires dominé par une régulation), on doit convenir que le S.M.I. est d'interprétation plus difficile qu'on ne le croit. Il ne suffit pas de le caractériser directement (étalon de change or, étalon dollar, flottement) pour comprendre la nature profonde et l'histoire de ce système monétaro-financier complexe. Certes, depuis les accords de Bretton Woods (1944) ou le retour des monnaies européennes à la convertibilité limitée en 1958, le S.M.I. a considérablement évolué. Il porte notamment la trace des violentes crises financières subies par les marchés émergents (1997-1999), à l'occasion desquelles le Fonds monétaire international fut fortement sollicité et tout aussi critiqué. Pour autant, il n'est pas sûr que le « cœur » du système ne soit pas demeuré presque inchangé, autour du dollar des États-Unis et de la règle du « déficit sans pleurs » de l'économie américaine. Le S.M.I. est toutefois aujourd’hui marqué par un choix difficile, entre un universalisme confirmé du billet vert et l’émergence d’un modèle multipolaire avec l’internationalisation des monnaies européenne et chinoise, l’euro et le renminbi.

Les grandes étapes du S.M.I.

Les origines du S.M.I.

L'histoire du S.M.I. n'a pas commencé en 1944 à Bretton Woods. En effet, dès le milieu du xixe siècle, un système existe, celui de l'étalon or, promu par ce qui est alors l'économie dominante : la Grande-Bretagne. Après de nombreuses oppositions, le monométallisme or défendu par ce pays l'emporte sur le bimétallisme or et argent qui eut longtemps la préférence de la France (le franc germinal de l'an XI est défini par son poids d'argent et seulement indirectement par rapport à l'or). La tentative de résistance de Paris à travers l'Union latine (1865), après quelques années de succès, fera finalement long feu et l'or s'imposera comme étalon monétaire dans la plupart des grands pays au cours des années 1870.

L'étalon or triomphe parce qu'il met en œuvre un système dominé par des règles strictes. Il est encadré par les points d'or qui correspondent aux frais de transport, d'assurance et de monnayage du métal. De plus, le réglage de la liquidité se fait par le maniement du taux d'escompte (Bank rate) de la Banque d'Angleterre. Ces « règles du jeu » garantissent en principe sa stabilité. Mais, au-delà de ces mécanismes, c'est la domination de la City et de la Banque d'Angleterre qui assurent la pérennité du système : « tout ce qui était à Londres était liquide et tout passait par Londres », a noté à ce propos Arthur Bloomfield.

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Après la Première Guerre mondiale et au cours des années 1930, lorsque la domination britannique commence de s'émousser, le S.M.I. subit ses plus violentes secousses avec en Grande-Bretagne l'inconvertibilité et la dévaluation de la livre sterling en 1931 qu'accompagne la création d'un fonds d'égalisation des changes. La France qui, après la stabilisation Poincaré de 1926-1928, est revenue à l'étalon or et a constitué, en 1933, le « bloc or » avec la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie, la Suisse et la Pologne, ne peut éviter l'éclatement du dispositif en 1935, et doit passer très vite à un régime de flottement limité avec le franc Blum de 1936.

Ces années de l'entre-deux-guerres sont aussi marquées par de fréquentes dévaluations compétitives et par un effondrement des échanges internationaux. Quand la Seconde Guerre mondiale s'achève, la volonté s'affirme de parvenir à une organisation, cette fois rationnelle et négociée, des paiements internationaux.

Les accords de Bretton Woods

Chronologie du système monétaire international - crédits : Encyclopædia Universalis France

Chronologie du système monétaire international

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La conférence qui a lieu dans cette petite station proche de Boston, en juillet 1944, ne compte qu'un petit nombre de délégués (une quarantaine), y compris ceux de l'U.R.S.S. qui ne signeront pas le texte final. Elle aboutit néanmoins à un accord qui, des dizaines d’années plus tard, constitue encore la pierre angulaire de tout l'édifice. Plusieurs de ses dispositions sont devenues caduques, mais d'autres, telles que la création du Fonds monétaire international (F.M.I.), fondent encore l'organisation des paiements internationaux. La mission confiée à cette institution pivot, dès 1944, est d'établir une structure stable des taux de change, en prévoyant un financement temporaire en cas de difficulté des balances des paiements. Pour ce faire, le F.M.I. dispose d'un pool de ressources financières, constitué par des quotes-parts (quotas) versées par les pays membres (un quart en or et les trois quarts restants en monnaie nationale). Un pays en difficulté obtient les devises qui lui sont nécessaires (il « tire » sur son quota) et fournit en échange sa monnaie nationale. Au-delà des tirages libres sur ce quota (« tranche or » et « tranche de réserve »), les tirages ultérieurs sont soumis à des conditions de plus en plus strictes. Maintes fois étendu par des procédés divers (des Accords généraux d'emprunt de 1962 aux Facilités de réserve supplémentaire – F.R.S. – de 1997), ce mécanisme des tirages a été très souvent utilisé et demeure à la base des interventions du F.M.I.

La Conférence de Bretton Woods aboutit à une organisation rationnelle des paiements au terme d'âpres discussions. Elles voient s'affronter les propositions de John Maynard Keynes, voulant créer avec le bancor une véritable monnaie mondiale (anationale), et celles du représentant de la Trésorerie américaine ; Harry Dexter White, partisan de maintenir le rôle international du dollar, qui finalement s'imposeront.

L'idée d'un étalon de change or (gold exchange standard) s'impose : un étalon (standard), constitué par une monnaie convertible en or (gold exchange). L'article 4 des statuts du F.M.I. stipule que « la parité de la monnaie de chaque État membre sera exprimée en termes d'or pris comme commun dénominateur, ou en dollars des États-Unis d'Amérique du poids et du titre en vigueur au 1er juillet 1944 », compte tenu d'une marge de fluctuation autorisée de ± 1 p. 100. Le choix semble donc être celui de la définition de chaque monnaie en or ou en dollars. En réalité, chacune des monnaies sera définie en or et en dollars – ou plutôt en dollars et en or. Le dollar américain est à l'époque considéré comme au moins « aussi bon » que l'or puisque la détention de monnaie américaine est alors le moyen obligé d'accès aux autres monnaies. Il s'agit donc d'une convertibilité à deux paliers, assistée par le dollar américain et encadrée par le F.M.I. susceptible de fournir de la liquidité, notamment en cas de « déséquilibre fondamental » des balances des paiements.

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Malgré quelques secousses (fortes dévaluations notamment de la livre sterling et du franc français) – et grâce à plusieurs adaptations comme la création du pool de l'or, en mars 1961, afin de maintenir le prix du marché libre à un niveau proche du cours officiel (35 dollars l'once) –, le système se maintient sans accident majeur pendant plus de vingt ans. Sous l'égide du Fonds, le système général des droits de tirage permet d'aider les pays dont la balance des paiements est déficitaire. Il évolue, en 1968, avec la création des droits de tirage spéciaux (D.T.S.), qui fournissent à la fois un nouvel instrument de crédit international et, peu à peu, le nouveau numéraire du système (moyenne pondérée des cours, d'abord de 14 monnaies, puis de 4). Parallèlement, un réseau très serré de crédits croisés entre banques centrales (swaps) permet aussi, de façon très souple – en fait, par simple échange téléphonique entre responsables des banques centrales –, de pallier les besoins de financement des pays déficitaires.

Néanmoins, dès la fin des années 1960, le système se dérègle. La première atteinte à la convertibilité du dollar intervient quelques mois après la dévaluation de la livre sterling (novembre 1967). Le pool de l'or est abandonné en mars 1968, quand les États-Unis, qui l'alimentaient pour moitié, décident de s'en retirer. Un double marché de l'or est constitué : les États-Unis continuent d'honorer uniquement les demandes de conversion des dollars en or présentées par les banques centrales, au prix officiel de 35 dollars l'once, mais ils n'alimentent plus le marché libre de l'or. À partir de ce moment, l'or (et donc le dollar) peut ainsi avoir un prix différent sur chacun des deux compartiments du marché (officiel et libre). Le mécanisme de base de l'étalon de change or (la convertibilité or à prix fixe) s'en trouve affaibli et la porte est ouverte aux spéculations ultérieures.

La suite, à savoir l'incapacité pour les États-Unis d'équilibrer leurs paiements, est connue. Ils payaient à retardement le prix de leur volonté de financer simultanément des politiques économiques intérieures ambitieuses et le fardeau de la guerre du Vietnam. Après la dévaluation du franc français en 1969 et le flottement du deutsche Mark la même année – suivi de sa réévaluation, l'Amérique décrète, le 10 août 1971, l'inconvertibilité du dollar en or, puis dévalue sa monnaie : une première fois en décembre 1971 par l'accord de l'Institut Smithonian qui porte le prix de l'or à 38 dollars l'once, et une seconde fois (de 10 p. 100), en février 1973.

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Le dilemme de Triffin permet de comprendre plus finement l'origine de l'inconvertibilité du dollar. En 1960, Robert Triffin, alors professeur à Yale, avait d'abord dénoncé vigoureusement l'importance prise par les monnaies de réserve, en particulier le dollar américain, dans les réserves de change. La part de l'or, qui était de 91 p. 100 en 1937, était effectivement tombée à 51 p. 100 en décembre 1958 et à 44 p. 100 en septembre 1970. L'accumulation par les banques centrales d'encaisses en devises, constituées à hauteur de 80 p. 100 en dollars, allait procurer le moyen principal d'accroissement des liquidités internationales. Dès lors, soit on freinait le rythme d'accumulation des encaisses dollar, et on pouvait craindre une déflation mondiale ; soit on l'accélérait, et on risquait d'accentuer le déséquilibre entre cette masse de dollars « externes » et le stock d'or devenu trop faible des États-Unis. Triffin mettait aussi l'accent sur le caractère, selon lui fondamentalement pervers, d'un système dans lequel un pays particulier, les États-Unis, pouvait, en raison de son privilège de pays émetteur de la monnaie de réserve de plus en plus dominante, être exonéré de toute obligation de solder par des pertes de ses réserves en or les déficits de sa balance des paiements apparus dès la fin des années 1950. En effet, les banques centrales non américaines, qui accumulaient des avoirs en dollars, les plaçaient en bons du Trésor américain par l'intermédiaire de la Banque de réserve de New York. Ce financement du déficit américain par les pays créanciers dispensait les États-Unis d'équilibrer leurs comptes extérieurs et leur permettait, dans le cadre d'une politique dite de « négligence bienveillante » (benign neglect policy), de continuer parallèlement à conquérir des positions en Europe ou au Japon, par l'investissement extérieur. Ce que Jacques Rueff devait, à son tour, appeler le « déficit sans pleurs » contribuait aussi à nourrir l'inflation mondiale par une duplication des bases du crédit : en Europe et au Japon, le gonflement des avoirs en devises entraînait une augmentation de la monnaie centrale, tandis qu'il n'y avait pas symétriquement, aux États-Unis, de contraction compensatrice de la base monétaire, les pays étrangers mettant leurs dollars à la disposition de l'économie américaine.

Le flottement des monnaies

Régimes de change : classification officielle (1970-1999) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Régimes de change : classification officielle (1970-1999)

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Après la seconde dévaluation du dollar (février 1973), les banques centrales autres que celle des États-Unis décident, en mars 1973, de ne plus se considérer comme tenues d'acquérir des dollars au cas où leur monnaie dépasserait la marge de fluctuation par rapport au cours pivot antérieur. Le flottement des monnaies s'installe de facto. Les États-Unis se refusant eux-mêmes, traditionnellement, à intervenir pour assurer le soutien de leur monnaie, les taux de change vont désormais évoluer en fonction des conditions du marché.

Il faut convenir qu’en réalité le flottement n'a pas exactement confirmé les espoirs placés dans ce type d'organisation : des cours stables proches de l'équilibre, l'ajustement automatique de la balance des paiements, une politique monétaire indépendante et une spéculation stabilisatrice.

Les cours au jour le jour se sont d'abord révélés fortement volatils avec des variations qui ont atteint jusqu'à 1 à 2 p. 100 sur une même journée voire jusqu'à 1 p. 100 en moins d'une heure. À moyen et long terme, les cours de change ont également accusé une irrégularité et des désalignements considérables. En novembre 1978, sous la présidence de Jimmy Carter, le dollar américain valait seulement 1,74 deutsche Mark et 3,85 francs, pour remonter à 3,45 deutsche Mark et 10,61 francs en février 1985, au plus haut de la bulle enregistrée sous le gouvernement Reagan, et s'effondrer ensuite. Rudiger Dornbusch (1976) a fourni une excellente explication de ces variations manifestement non justifiées par des variations de même ampleur des fondamentaux. Avec son modèle de surréaction (overshooting), il montre comment une variation imprévue de la masse monétaire peut entraîner une dépréciation instantanée du taux de change suffisamment amplifiée (la surréaction) pour laisser place, ensuite, à une anticipation d'appréciation ramenant progressivement le taux de change à son niveau d'équilibre, celui de la parité des pouvoirs d'achats. Ce mécanisme, fondé en fait sur des vitesses d'ajustement différentes des flux commerciaux et des flux financiers, a permis d'expliquer qu'en maintes occasions les cours de change se soient écartés nettement du niveau d'équilibre désigné par le rapport des indices des prix à la consommation.

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Ces trajectoires souvent heurtées des cours de change, bien que totalement non anticipées à l'origine, ne paraissent pas, cependant, avoir entravé le commerce des biens et services (grâce, en particulier, aux progrès des couvertures à terme), ni l'investissement direct étranger.

La libération de la politique monétaire à des fins spécifiquement internes n'a, en revanche, été que partielle. Le maintien des interventions officielles des banques centrales (surtout celles qui n'étaient pas stérilisées par des contre-mesures destinées à éviter les variations nettes de la liquidité interne), a contribué à lier le marché externe de la monnaie (le change) et la liquidité interne. Ce fut notamment le cas des interventions concertées qui suivirent la conférence du Plaza (septembre 1985) pour tenter de mettre fin à la bulle haussière du dollar ou lors des accords du Louvre (février 1987) qui visaient, au contraire, à éviter son « atterrissage en catastrophe ».

Si les changes flottants n'ont pas davantage assuré l'équilibre automatique des balances des paiements, il semble cependant qu'en général ils aient eu, à cet égard, un rôle de « renfort » de l'ajustement en moyenne ou longue période. La spéculation, en revanche, a constitué l'un des principaux problèmes. Contrairement aux prédictions optimistes de Milton Friedman, celle-ci est loin, en effet, d'avoir joué le rôle stabilisateur attendu. Dans un contexte d'innovation et de « financiarisation » très poussé exigé par la double instabilité du change et des taux d'intérêt, on a, en de très nombreuses occasions, constaté que les opérateurs de marché contribuaient à accroître la volatilité des cours et des taux. Au lieu de vendre lorsque les cours étaient hauts par rapport au cours d'équilibre et d'acheter lorsqu'ils étaient bas, ils ont, sur le marché des changes comme en bourse, très souvent joué le rôle de noise traders (opérateurs « bruyants ») et contribué à créer des bulles spéculatives. Une bulle spéculative se forme lorsque le prix de l'actif (ici, la devise) s'éloigne de plus en plus du cours d'équilibre justifié par les fondamentaux, jusqu'à éclatement. Le problème vient de ce que cet écart croissant par rapport au niveau d'équilibre intervient sur la base d'anticipations autoréalisatrices : si la hausse appelle la hausse et que, inversement, la baisse entraîne la baisse, c'est parce que les opérateurs au lieu de se fixer sur les éléments objectifs de l'économie (les fondamentaux), imitent le comportement de leurs homologues sur un mode « moutonnier » (herding). Dans un monde d'information imparfaite, il peut en effet être plus « rationnel » d'imiter les autres et d'épouser la tendance que de faire « bande à part ». Ce faisant, ces processus mimétiques peuvent – au moins pendant un certain temps – devenir autoréalisateurs : alors même que les niveaux atteints sont excessifs, le fait qu'à un moment donné, tout le monde agisse dans le même sens conduit à l'autovalidation des cours, même s'ils sont anticipés sur une base erronée.

Triangle d'incompatibilité - crédits : Encyclopædia Universalis France

Triangle d'incompatibilité

En définitive, le flottement, aussi instable qu'il se soit révélé, a perduré, au moins pour les grandes monnaies. Sans doute a-t-il permis aux gouvernements d'accommoder plusieurs situations de déséquilibre de grande ampleur (chocs pétroliers, guerre du Golfe, 11 septembre 2001, crise financière de 2008...) qui, sans la flexibilité, auraient vraisemblablement provoqué des dévaluations et réévaluations en cascade. Peut-être faut-il aussi considérer que, dans un contexte de libéralisation financière, il n'est guère possible de concilier la liberté de mouvements de capitaux, l'autonomie des politiques monétaires et la rigidité des changes. Cette « impossible trinité » (triangle d'incompatibilité de Robert Mundell) s'impose de plus en plus, de nos jours, et justifie le fait que, depuis les crises des marchés émergents de 1997-1999, on choisisse le plus souvent des « solutions de coin », c'est-à-dire extrêmes : flottement d'un côté, changes « superfixes » de l'autre.

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L'expérience des solutions intermédiaires entre les parités strictement fixes et le flottement a montré que de tels régimes (bandes de fluctuation, parités glissantes ou crawling pegs, « corridor », etc.) sont insoutenables dans un environnement de liberté des mouvements de capitaux. Différentes expériences vont dans le sens du recul des régimes intermédiaires et de la progression des solutions de coin même si cette orientation est assez vivement contestée (Benassy-Quéré et Cœuré, 2010). La Turquie a, par exemple, été amenée en février 2001 à laisser flotter la livre qu'elle s'était engagée, l'année précédente, à arrimer (pendant 18 mois sur le dollar et l'euro). En 2001, l'Argentine, s'efforçant de revenir à la « pésification » de son économie, a aussi opté pour le flottement du peso après dix années de « superfixité », la caisse d'émission rattachant strictement le peso au dollar sur la base de « un pour un ». Toutes les solutions de coin, en particulier les formules de change rigides, n'ont donc pas rencontré le même succès. Cependant, parmi ces formules de change « superfixes », celle de la dollarisation mérite une attention particulière. Cette formule, qui consiste pour un pays à adopter une monnaie étrangère et à lui donner cours légal, a été adoptée par plusieurs pays, notamment en Amérique latine, tels que l'Équateur (2000), le Salvador (2001) et le Guatemala (2002), et ailleurs, notamment par le Kosovo en Europe centrale ou le Timor oriental détaché de l'Indonésie. Si elle présente l'avantage de rétablir la discipline financière et de réduire la fuite devant la monnaie nationale et l'hyperinflation, elle « externalise » les principaux instruments de la politique économique et, de ce fait, aliène la liberté d'action des pays qui s'y soumettent. Elle vaut finalement pour de petites économies très dépendantes de leurs grands voisins et, plus encore, pour des économies en voie de dislocation. Plus que d'une panacée, il s'agit en fait d'une solution en « dernier ressort » (Bourguinat et Dohni, 2001).

De tout cela, il ressort que les régimes de change évoluent constamment et « qu'il n'y a pas de régime de change unique valable pour tous les pays et pour tout le temps » (Frankel, 2000). Pour autant, la régulation profonde du système monétaire a peu évolué.

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Chronologie du système monétaire international - crédits : Encyclopædia Universalis France

Chronologie du système monétaire international

Régimes de change : classification officielle (1970-1999) - crédits : Encyclopædia Universalis France

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