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BAUER BRUNO (1809-1882)

Philosophe hégélien, historien, exégète critique des textes bibliques et des Évangiles, Bruno Bauer est né à Eisenberg en 1809. Il mourra à Rixdorf (Berlin) en 1882. Traditionnellement rangé dans la droite hégélienne, par référence à Marx qui l'accable de railleries dans La Sainte Famille, il se contente en fait de perpétuer la croyance en un devenir de l'Esprit, que Marx a, lui, matérialisé dans la réalité historique du prolétariat et dans l'évolution de l'économie qui le produit.

Dans Zeitschrift für spekulative Theologie (1836-1838), il tente encore de concilier philosophie et théologie. Mêlé aux polémiques du milieu hégélien, il se livre à une vive critique de La Vie de Jésus de David Friedrich Strauss, avant de se lancer dans une approche historique de la Révélation (Kritik der Geschichte der Offenbarung). Il y défend l'idée que l'Ancien et le Nouveau Testament correspondent à deux moments différents de la révélation divine et annonce la thèse des futurs exégètes, pour qui les textes sacrés appartiennent à la constitution du dogme plus qu'à l'histoire.

Nommé en 1839 maître de conférences à la faculté de théologie de Bonn, il entreprend une critique des Évangiles qui lui vaut rapidement la révocation et l'interdiction d'enseigner (1840). Néanmoins, il récidive avec une Critique de l'histoire évangélique de saint Jean (1840) et une Critique de l'histoire évangélique des synoptiques (1842). Par ailleurs, il fait paraître anonymement un pamphlet, Die Posaune des Jüngsten Gerichts über Hegel, der Atheisten und Antichristen (La Trompette du Jugement dernier, sur Hegel, les athées et antéchrists), où il s'attache à démontrer comment Hegel, réduisant Dieu à l'idée absolue, identifie la religion chrétienne à un panthéisme et trace la voie à l'athéisme. Bruno Bauer ne s'est jamais dégagé de l'ambiguïté où le situait un conservatisme spontané, auquel il attribuait, par raison dialectique, une force de négativité qui était l'essence même du progressisme. On comprend que Marx l'ait pris pour cible dans La Sainte Famille, où il ironise sur « saint Bruno » et sa passion d'une liberté exclusivement spirituelle. Bauer ne reconnaît, en effet, d'autre réalité que le processus selon lequel toute affirmation philosophique, religieuse, politique ou morale est amenée à se nier et à se dissoudre dans le devenir de la pensée. La conscience de soi s'inscrit comme un élément inéluctable dans le mouvement de l'Esprit décrit par Hegel. Bauer pose en quelque sorte au prophète, appelé à réaliser le destin intellectuel de l'homme.

La nouvelle critique ou « critique critique » a pour mission de décrire et de parfaire le devenir de l'Esprit s'incarnant dans l'individu. La religion a été ainsi le produit de la conscience de soi jusqu'à un stade où, asservissant l'homme à Dieu, elle perd son rôle positif et devient un obstacle au progrès de la conscience universelle. Rien ne peut désormais incarner une telle conscience : ni religion ni parti. Il appartient seulement à l'Esprit de réaliser l'émancipation de l'homme grâce au combat de la critique. Il n'est pas interdit de pressentir dans une telle attitude l'option de tous les intellectuels qui, par les voies les plus diverses, ont prétendu instaurer le règne de la liberté. Max Stirner ne s'y trompe pas, qui constate : « Bruno Bauer voit parfaitement que l'attitude religieuse existe non seulement envers Dieu, mais envers le droit, l'État, la loi. Mais ces idées, il veut les dissoudre par la pensée ; et alors, je dis : une seule chose me sauve de la pensée, c'est l'absence de pensée. »

— Raoul VANEIGEM

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Raoul VANEIGEM. BAUER BRUNO (1809-1882) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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