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BONIFACE VIII (1235-1303)

Le pontife

La tumultueuse politique de Boniface ne doit pas faire oublier son gouvernement général de l'Église. Le retour à l'Évangile, opéré par les ordres mendiants depuis un siècle, avait discrédité la chrétienté féodale, mais n'avait point dégagé l'Église de ses pouvoirs constantiniens ; et d'Innocent III, l'ami de François d'Assise et de Dominique le Prêcheur, les successeurs avaient plus conservé le prestige, qu'ils n'avaient soutenu la réforme. La communauté du peuple chrétien était distendue par la scission entre les « institutionnalistes » et les « évangéliques », telle que la manifeste la lutte fraternelle qui, chez les Franciscains, divise les «  conventuels » et les « spirituels ». Non point querelle subtile de frati, mais manifestation exaspérée du régime paradoxal d'une Église continuant dans les contingences de l'histoire le mystère d'un Dieu humblement incarné dans cette histoire. Le réveil évangélique qui travaillait les esprits, aussi bien dans le dolce stil nuovo que dans les sommes de théologie, mettait durement en question les structures et la spiritualité du régime féodal, dont le Saint Empire s'était emparé et que l'Église avait sacralisé comme l'ordre divin sur terre.

Boniface considérait cette sacralisation politique comme le test et le triomphe de l'Église. Par conviction et par tempérament, il s'acharna à en proclamer la vérité et à en poursuivre le succès. C'est, autant que chez les princes, dans le petit peuple de Dieu que se produisit la résistance. Dès le lendemain de son élection, Boniface annula la décision de son prédécesseur, qui avait favorisé la formation d'une branche religieuse fidèle à l'inspiration primitive de François d'Assise. Il déposa le ministre général des Frères mineurs, Raymond Godefroid, protecteur des « spirituels », ami du roi de France, protégé des Colonna, les rivaux romains de Boniface. S'ensuivirent les plus rocambolesques aventures, assaisonnées d'excommunications et d'intrigues politiques. Jacopone de Trodi (1230-1306), riche avocat devenu franciscain, dans ses délicieuses laudi, poursuit le pape de ses apostrophes ; et Ubertin de Casale, relégué à l'Alverne, au moment où Giotto décorait l'église d'Assise (1296-1304), l'invective dans son Arbor Vitae (1305), œuvre étrange où s'entremêlent la tendresse, la méditation théologique et le pamphlet contre le pontife usurpateur. Tous dénoncent, bien avant Laurent Valla, la « donation de Constantin », qui prétendait fonder sur l'histoire la théocratie temporelle de l'Église. Dante, dans son Enfer, placera Boniface parmi les prévaricateurs simoniaques, et ses conseillers parmi les perfides.

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Pour citer cet article

Marie-Dominique CHENU. BONIFACE VIII (1235-1303) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Boniface VIII - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Boniface VIII

Autres références

  • ANNÉE SAINTE

    • Écrit par Régis HANRION
    • 653 mots

    D'après le Lévitique, xxv, 8-55, l'année sainte est envisagée comme une tentative de redressement social, où l'esclave retrouvait sa liberté et l'homme endetté son patrimoine : « Tu compteras 7 semaines d'années, c'est-à-dire le temps de 7 semaines d'années, 49 ans ; le 7...

  • ANAGNI ATTENTAT D' (1303)

    • Écrit par Vincent GOURDON
    • 216 mots

    Au tournant du xiiie siècle, plusieurs querelles éclatent entre le pape Boniface VIII et le roi de France Philippe IV le Bel. À propos de la levée d'une décime sur le clergé (1296) ou de la volonté du roi de juger un évêque, celui de Pamiers, Bernard Saisset (1301), le pape affirme la thèse de...

  • CÉLESTIN V saint, PIETRO ANGELERI dit aussi PIETRO DEL MORRONE (1215-1296) pape (5 juill.-13 déc. 1294)

    • Écrit par André DUVAL
    • 254 mots

    Né à Isernia (Campobasso), Pierre de Morrone devient moine bénédictin au monastère de Faifoli (province de Bénévent) ; il en sera l'abbé de 1276 à 1279. À plusieurs reprises, il fait de longues expériences de vie érémitique en plusieurs endroits, notamment sur le mont Morrone, dans les Pouilles,...

  • NOGARET GUILLAUME DE (1260 env.-1313)

    • Écrit par Jean FAVIER
    • 481 mots

    Homme de loi, originaire du Languedoc, Guillaume de Nogaret fut d'abord professeur de droit romain à l'université de Montpellier et conseiller juridique de divers seigneurs, et notamment du roi de Majorque. Entré au service de Philippe le Bel vers 1292-1295, il s'entremit lors de l'achat par le...

Voir aussi