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BIOCÉNOSES

Le terme de « biocénose » a été introduit dans le langage scientifique en 1877 par le biologiste allemand Möbius, à propos de l'étude des bancs d'huîtres, auxquels de nombreux organismes se trouvent associés.

Selon cet auteur, une biocénose est « un groupement d'êtres vivants dont la composition, le nombre des espèces et celui des individus reflète certaines conditions moyennes du milieu ; ces êtres sont liés par une dépendance réciproque »... Celle-ci doit, selon lui, être compatible avec l'aptitude de ces espèces à se reproduire au niveau du site (biotope) qu'occupe la biocénose, ce qui permet le maintien en place du groupement. Par deux points essentiels, la quantification des individus et leur relation d'interdépendance, la notion de biocénose innove de façon décisive en regard des descriptions jusqu'alors données des communautés biotiques. Avant 1850, les naturalistes se bornaient en effet à identifier des ensembles naturels corrélés à des conditions géoclimatiques précises, à l'instar des étages de végétation en montagne, auxquels Alexandre de Humboldt a consacré des pages demeurées classiques.

La prise en compte par Möbius des phénomènes de masse, de leurs interactions et de leur équilibre global, n'est pas sans rapport avec les nouvelles analyses des rapports sociaux qui se développent au xixe siècle et à l'influence dès lors exercée par la pensée de Darwin. Combattant la thèse qui liait l'idée d'espèce à celle d'archétype biologique, Darwin avait utilisé les thèmes de populations naturelles et de lutte pour la vie, ce qui conduisit à l'analyse des communautés biotiques par la méthode statistique. En effet, les biocénoses représentent, dans la série des niveaux d'organisation qui caractérisent le monde vivant, des unités structurées à l'échelle des populations puisqu'elles regroupent des ensembles d'individus habitant à une époque donnée un milieu donné. Faute d'adaptation à ce milieu, certaines espèces seront éliminées par la sélection naturelle. Au contraire, celles qui tolèrent une certaine ampleur de variation des conditions du milieu (température, humidité, etc.) autour de leur valeur moyenne pourront s'intégrer à la communauté à condition que s'instaurent entre les différents habitants des équilibres d'intersubsistance. Dans un tel système d'action et de réaction entre les êtres et le milieu, et de coaction des êtres entre eux (selon la terminologie instituée par Clements), deux faits essentiels caractérisent l'agencement des espèces : leur distribution a lieu selon une ordonnance caractéristique qui donne à la biocénose une structure spatiale, et leur succession temporelle obéit à une séquence de stades, ou phénophases, dont la récurrence est cyclique si la biocénose est stable. La division du travail au sein de la biocénose, où chaque espèce remplit une fonction propre, institue une répartition des ressources, autrement dit une organisation trophique donnant naissance à une biomasse dont la grandeur dépend à la fois de l'organisation spatiale et de l'organisation temporelle de la communauté. Ainsi se constitue un capital biologique dont l'homme peut apprendre à percevoir le fruit à condition qu'il se garde d'en détruire les maillons.

Identification et délimitation

Il n'est pas facile de définir avec rigueur la notion de biocénose car des entités en apparence assez différentes peuvent être rangées sous ce vocable.

Dans une première acception du terme, la biocénose est un ensemble irrégulier mais bien délimité dans l'espace ; c'est le cas, si souvent pris comme exemple, de la communauté biologique d'un étang, ou encore d'un rivage marin. Les rives y diffèrent du centre, et les diverses zones de profondeur les unes des autres, mais il s'agit[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Université libre de Bruxelles
  • : professeur honoraire à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie (faculté des sciences), ancien directeur du laboratoire de zoologie de l'École normale supérieure
  • : docteur en médecine
  • : membre de l'Institut de France, commandeur de la Légion d'honneur, professeur émérite de l'université de la méditerranée Aix-Marseille-II

Classification

Pour citer cet article

Paul DUVIGNEAUD, Maxime LAMOTTE, Didier LAVERGNE et Jean-Marie PÉRÈS. BIOCÉNOSES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Distributions des représentants d'une espèce - crédits : Encyclopædia Universalis France

Distributions des représentants d'une espèce

Forêt caducifoliée - crédits : Encyclopædia Universalis France

Forêt caducifoliée

Strate herbacée d'une savane - crédits : Encyclopædia Universalis France

Strate herbacée d'une savane

Autres références

  • BIOGÉOGRAPHIE

    • Écrit par Pierre DANSEREAU, Daniel GOUJET
    • 11 072 mots
    • 18 médias
    On appellera écosystème un espace limité où le cyclage des ressources, à travers un ou plusieurs niveaux trophiques, est effectué par des agents plus ou moins fixés et nombreux, utilisant simultanément et successivement des processus mutuellement compatibles qui engendrent des produits utilisables...
  • BIOTOPE

    • Écrit par Didier LAVERGNE
    • 244 mots

    Littéralement, le mot biotope signifie « lieu de vie ». Cette acception reste utilisée — à bon droit — par les systématiciens ou les microbiologistes qui cherchent à désigner le ou les sites que se sont appropriées les différentes espèces (certains à la surface ou à l'intérieur d'autres organismes constituent,...

  • ÉCOLOGIE

    • Écrit par Patrick BLANDIN, Denis COUVET, Maxime LAMOTTE, Cesare F. SACCHI
    • 20 635 mots
    • 15 médias
    ...constituée par les relations qui lient les organismes consommés à ceux qui les consomment, relations dont l'ensemble forme le réseau trophique du système. Ce terme traduit bien mieux que celui de chaînes alimentaires les relations innombrables qui existent entre les différentes espèces de labiocénose.
  • ÉCOSYSTÈMES

    • Écrit par Luc ABBADIE
    • 6 409 mots
    • 7 médias

    Le terme « écosystème » désigne un groupe d'êtres vivants – parfois désigné sous le nom de biocénose (animaux, végétaux et microorganismes) – et de composantes physiques et chimiques – parfois regroupées sous le terme de biotope. Il correspond à une vision intégrative...

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Voir aussi