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ARABIE

L'Arabie depuis la mort de Mahomet

Querelles et divisions

S'il y eut discorde à Médine, cela ne dura pas, car Ançār et Mouhājjiroūn comprirent vite que cette discorde pouvait entraîner la ruine et la destruction de la communauté musulmane. L'influence des Mouhājjiroūn l'emporta, appuyée sur le fait qu'à la fin de sa vie Mahomet avait désigné l'un d'eux, Abou Bekr, pour diriger la prière. Soutenu par Omar b. al-Khattāb, celui-ci fut nommé calife (khalīfat an-nabī, successeur du Prophète) ; il semble que les Qorayshites se soient ralliés facilement à ce candidat, qui faisait l'unanimité par ses qualités de croyant de la première heure, de beau-père de Mahomet, d'homme simple, intègre et désintéressé. Il fut donc reconnu comme chef de la communauté par les « sédentaires ». Il n'en fut pas de même des Bédouins.

En effet, certaines tribus, comme celles des Asad et des Ghatafan, se soulevèrent dans le centre et le sud de l'Arabie ; elles trouvèrent un appui auprès des faux prophètes qui utilisèrent le mécontentement des tribus, dû à l'obligation de payer l'impôt et à la suprématie des sédentaires sur les nomades au sein de la communauté. Face à cette révolte, Abou Bekr se montra intransigeant : les tribus lui devaient obéissance entière, comme à Mahomet, et devaient payer l'impôt (zakāt) ; le refus de payer l'impôt fut considéré comme une apostasie. Abou Bekr entreprit sans tarder de refaire l'unité musulmane en Arabie ; ses troupes, placées sous le commandement de Khālid b. al-Walīd, soumirent rapidement les Asad et les Ghatafan et leur prophète Toulayha. Puis il se tourna contre les autres tribus soulevées, et d'abord les Banou Tamīm qui dans le nord-est de la péninsule avaient un moment suivi la prophétesse Sajjah : celle-ci, dès la mort de Mahomet, avait prêché un vague christianisme et la lutte contre les musulmans. Ayant échoué dans ses tentatives de regroupement des adversaires de l'islam, elle se réfugia en Mésopotamie où elle mourut peu après ; les Banou Tamīm furent rapidement soumis.

Plus redoutables furent les Banou Hanīfa qui s'étaient groupés dans la région du Yemāma, autour de Mousaylima : celui-ci se prétendait prophète et l'égal de Mahomet. Il prêchait au nom du Dieu ar-Rahmān (le Clément), et lui-même se proclamait ar-Rahmān. Sa doctrine prônait l'ascétisme et la chasteté et était plus ou moins imprégnée de christianisme. Mousaylima acquit une assez grande audience et il ne fallut pas moins de deux armées musulmanes pour venir à bout des Banou Hanīfa, qui finalement furent massacrés en même temps que Mousaylima. À la suite de cette victoire, Khālid put soumettre les populations du Bahreïn et du golfe Persique, elles aussi révoltées sous la conduite d'un descendant des anciens souverains de Hirā ; puis ce furent les tribus du ‘Omān qui subirent la loi des musulmans. Restaient le Yémen et le Hadramaoūt. Après la prise de La Mecque par Mahomet, les tribus du Yémen étaient venues faire leur soumission au Prophète ; celui-ci avait envoyé auprès d'elles des missionnaires qui étaient en même temps des collecteurs d'impôts ; leur attitude parfois brutale déclencha une insurrection dans le Hadramaoūt, du vivant même de Mahomet. Puis un prophète apparut, al-Assouad, surnommé Dhoū l-Khimār (l'Homme au voile) qui, à l'annonce de la mort de Mahomet, prit l'offensive et s'empara du Yémen. Il fut assassiné peu après, mais un de ses partisans, Qaïs, continua la lutte contre les musulmans. Une armée envoyée par Abou Bekr reconquit le Yémen, puis le Hadramaoūt. Moins d'un an après la mort du Prophète, les révoltes locales étaient écrasées, l'Arabie soumise à l'islam dans sa totalité : elle connut alors une unité politique qu'elle ne devait plus retrouver par la suite.[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis, Robert MANTRAN et Maxime RODINSON. ARABIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ABŪ BAKR (570 env.-634)

    • Écrit par Khalifa SOUA
    • 1 049 mots

    Premier calife musulman, ami, beau-père et successeur du Prophète Mahomet ‘Abd Allāh, Abū Bakr reçut le surnom de ‘Atīq (affranchi), puis celui d'al-Siddīq (le crédule), parce qu'il aurait été le premier à avoir cru immédiatement à l'histoire du voyage nocturne de Mahomet à ...

  • AKABA ou AQABA GOLFE D'

    • Écrit par Jean-Marc PROST-TOURNIER
    • 416 mots
    • 1 média

    Bras de mer étroit (de 20 à 30 km) allongé sur 180 kilomètres, séparant l'Arabie de la presqu'île du Sinaï. Par sa structure, le golfe d'Akaba (ou ‘Aqaba) est un fossé d'effondrement profond (1 828 m maximum), prolongeant celui de la mer Rouge en changeant de direction...

  • ‘ALĪ IBN ABĪ ṬĀLIB (600 env.-661)

    • Écrit par Georges BOHAS
    • 664 mots

    Cousin de Muḥammad, et l'un des premiers convertis à l'islam. En 623 (ou 624), ‘Alī épouse Fāṭima, fille du Prophète et de sa première épouse, Khadīdja. À la mort du Prophète, en 632, il ne lui succède pas à la tête de la communauté : ce n'est qu'en 656 qu'il sera élu calife. La légende et...

  • ARABE (MONDE) - Le peuple arabe

    • Écrit par Universalis, Maxime RODINSON
    • 4 081 mots
    • 5 médias

    Les Arabes forment un peuple ou ethnie dont le critère distinctif est l'usage de la langue arabe, qui est une langue sémitique comme l'akkadien l'araméen et l'hébreu. Cependant ne se considèrent et ne sont considérés comme Arabes que les individus et les groupes de langue arabe qui se reconnaissent...

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Voir aussi