Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ARTAUD ANTONIN (1896-1948)

Le 4 septembre 1896, Antoine-Marie-Joseph Artaud (dit Antonin) est né à Marseille. Le père, Antoine Roi, est capitaine au long cours ; la mère, Euphrasie Nalpas, est une Levantine originaire de Smyrne. Il est l'aîné de cinq enfants, dont deux mourront en bas âge. Ses premières années sont celles que pouvait vivre tout enfant de la bourgeoisie aisée, en province, au début de ce siècle, avec parfois l'aventure émerveillée de séjours à Smyrne chez sa grand-mère maternelle qu'il appelle Neneka. Vers l'âge de cinq ou six ans, il est atteint d'une maladie nerveuse grave qui aurait été une méningite. En 1915, alors qu'il allait achever au collège du Sacré-Cœur à Marseille l'année de philosophie, de nouveaux troubles d'origine nerveuse se manifestent, et de façon si inquiétante que sa famille l'emmène consulter un spécialiste à Montpellier. Il s'ensuit un premier séjour dans une maison de santé près de Marseille. Mobilisé en 1916, réformé quelques mois après, il va aller d'une maison de santé à l'autre chercher l'apaisement de ces douleurs physiques qu'il accusera toute sa vie. En 1920, après un long séjour en Suisse, l'amélioration obtenue lui permet de quitter sa ville natale.

Le témoin de soi-même

Le jeune homme qui arrive à Paris se sent poète, se veut poète ; il sait dessiner et regarde la peinture d'un œil averti ; il est très beau et désire aussi être comédien.

Dès lors, la vie d'Antonin Artaud est si étroitement mêlée à son œuvre que l'on pourrait presque dire qu'il écrit son œuvre avec sa vie, qu'il suffit de lire ses écrits pour connaître l'essentiel de sa vie, non qu'il s'agisse d'une anecdotique autobiographie, car, Maurice Blanchot l'a souligné : « Ce qu'il dit, il le dit non par sa vie même (ce serait trop simple), mais par l'ébranlement de ce qui l'appelle hors de la vie ordinaire. »

Le poète, donc, écrit des poèmes (un premier recueil, Tric Trac du Ciel, paraît en 1923), en adresse quelques-uns au directeur de La Nouvelle Revue française, Jacques Rivière, qui les refuse. Antonin Artaud écrit alors à Rivière non tant pour défendre leur facture que pour tenter de faire comprendre pourquoi il « propose malgré tout ces poèmes à l'existence. Je souffre, écrit-il, d'une effroyable maladie de l'esprit. Ma pensée m'abandonne à tous les degrés. » Et il tient d'autant plus à ce que soit reconnue « l'existence » de ces « quelques poèmes qu'ils constituent les lambeaux qu'[il a] pu regagner sur le néant complet ». « Il m'importe beaucoup que les quelques manifestations d'existence spirituelle que j'ai pu me donner à moi-même ne soient pas considérées comme inexistantes par la faute des taches et des expressions mal venues qui les constellent. »

Ces lettres échangées à propos de « la recevabilité de ces poèmes », Rivière propose alors de les publier. C'est la Correspondance avec Jacques Rivière (parue en septembre 1924 dans La Nouvelle Revue française, puis en 1927 en plaquette chez le même éditeur), dont Maurice Blanchot parle comme d'« un événement d'une grande signification ».

Il y a peut-être de l'orgueil dans ce cri : « Je suis témoin, je suis le seul témoin de moi-même. » Il y en a certainement dans cette affirmation : « Je me connais, et cela me suffit, et cela doit suffire, je me connais parce que je m'assiste, j'assiste à Antonin Artaud. » Pourtant, si L'Ombilic des Limbes(Paris, 1925), Le Pèse-Nerfs (Paris, 1925), réédité suivi de Fragments d'un Journal d'Enfer (Marseille, 1927), peuvent être considérés comme les textes les plus denses et les plus fulgurants de leur époque, c'est qu'ils témoignent de cette impossibilité à penser, de la douleur[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Paule THÉVENIN. ARTAUD ANTONIN (1896-1948) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Antonin Artaud dans <it>La Passion de Jeanne d'Arc</it> - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Antonin Artaud dans La Passion de Jeanne d'Arc

Autres références

  • L'OMBILIC DES LIMBES, Antonin Artaud - Fiche de lecture

    • Écrit par Pierre VILAR
    • 997 mots
    • 1 média

    Il faut se figurer, d'un siècle l'autre, ce que représenta la parution de L'Ombilic des limbes dans la prestigieuse collection Une œuvre, un portrait des éditions de La Nouvelle Revue française, accompagnée d'un portrait d'Antonin Artaud (1896-1948) par son ami peintre...

  • LE THÉÂTRE ET SON DOUBLE, Antonin Artaud - Fiche de lecture

    • Écrit par Florence BRAUNSTEIN
    • 998 mots
    • 2 médias

    Le 6 janvier 1936, Antonin Artaud (1896-1948) soumet à Jean Paulhan plusieurs textes (articles, conférences, lettres) destinés à composer un essai sur le théâtre. Au mois de décembre de la même année, il écrit à Gaston Gallimard pour défendre son travail « qui touche à des problèmes d'une extrême...

  • ACTEUR

    • Écrit par Dominique PAQUET
    • 6 815 mots
    • 2 médias
    Si, pour Antonin Artaud, l'acteur est un « athlète affectif », il doit nécessairement rompre avec les conventions qui faisaient encore les beaux jours d'un certain théâtre. Par le souffle, on entre dans le corps du personnage théâtral : « À chaque sentiment, à chaque mouvement de l'esprit, à chaque bondissement...
  • CARASCO RAYMONDE (1939-2009)

    • Écrit par Raphaël BASSAN
    • 978 mots

    Née en 1939 à Carcassonne, la cinéaste Raymonde Carasco entreprend, au milieu des années 1970, une recherche sur la pensée-cinéma, « concept » hérité d'Eisenstein et que l'on retrouve, entre autres, dans les écrits de Gilles Deleuze et les œuvres de Jean-Luc Godard. Le tronc...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Les théories du cinéma

    • Écrit par Youssef ISHAGHPOUR
    • 5 396 mots
    • 2 médias
    ...toujours du sens que chacun donnera à ces trois termes, de l'identité, de l'exclusion et de la synthèse qu'on établira entre eux. Scénariste et acteur, Artaud (1896-1948) dira qu'il ne faut pas s'éloigner des apparences, mais chercher leur transsubstantiation, leur vie occulte, leur mystère. Car le cinéma...
  • DRAME - Drame moderne

    • Écrit par Jean-Pierre SARRAZAC
    • 6 057 mots
    • 7 médias

    Pourra-t-on jamais écrire une poétique du drame moderne ? Une telle entreprise tiendrait, en vérité, de la gageure, tant le concept de drame paraît aujourd'hui flou et indéterminé au regard de celui de roman ou de poésie. Et d'abord faut-il donner à ce terme son extension maximale, celle qu'il prend...

  • Afficher les 24 références

Voir aussi