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MALRAUX ANDRÉ (1901-1976)

André Malraux - crédits : Bettmann/ Getty Images

André Malraux

Depuis sa mort, il n'est guère possible de traiter d'André Malraux sur le ton mesuré qui convient. Peu d'hommes auront été tour à tour aimés ou détestés avec tant de passion. L'heure de la synthèse posthume, de la dernière métamorphose n'est pas encore venue. Pour une part, Malraux est entré dans ce purgatoire – dans ces limbes, aurait-il dit – qui guettent à leur mort les grands écrivains d'une génération pour laquelle rien n'était plus grand que le grand écrivain. Comme Drieu la Rochelle, son quasi-jumeau, comme Montherlant, Aragon, Morand, ses illustres contemporains, Malraux s'éloigne peu à peu de l'actualité et de la modernité. Le silence et l'oubli n'épargnent pas celui qui tint pendant cinquante ans le devant de la scène, donnant au siècle sa légende. Peut-être est-il trop tôt pour considérer seulement Malraux comme l'auteur de trois ensembles organisés de textes : les romans, tels qu'il les a choisis et limités pour la Bibliothèque de la Pléiade, tous écrits entre 1928 et 1937 ; l'ensemble des écrits sur l'art, que dominent Les Voix du silence (1951) et La Métamorphose des dieux (1957-1976) ; Le Miroir des limbes, réunissant les textes du mémorialiste, miroir d'une histoire et de l'Histoire. Restent toutes les traces d'une activité fébrile : préfaces, allocutions, écrits de circonstances, entretiens innombrables qui avaient le secret de donner du talent à l'interlocuteur. La postérité ne s'est pas souciée de les réunir pour donner à voir, pièces en main, l'itinéraire du « plus fascinant personnage de la littérature contemporaine », au dire de Jean-Luc Godard (1958).

« Une vie dans le siècle », selon le sous-titre de la meilleure biographie qui lui ait été consacrée, mais sans doute plus d'une : Jean Lacouture a esquissé les vies successives ou parallèles de Malraux ; il a aussi mesuré la part d'ombre que son héros oppose à l'enquête biographique. On ne sait autant dire rien de l'enfance, des relations avec la famille, des choix amoureux, de la profondeur des amitiés, du secret des métamorphoses. Or l'œuvre de Malraux, par un paradoxe qui lui est inhérent, tend toujours à imposer une image héroïque et historique de son auteur. Le critique ne parvient guère à démêler le fictif et le biographique de cette image ; tantôt il crie à l'imposture et à la mythomanie, tantôt il reconnaît l'un des plus brillants hommes d'action de son temps, celui des engagements fiévreux, brefs, efficaces.

Le romancier d'avant guerre : un héros de son temps (1920-1939)

Le Malraux d'avant guerre ne s'est pas trouvé d'emblée. Seuls les spécialistes de l'œuvre s'intéresseront aux Lunes en papier (1921), écrit dans la mouvance de Max Jacob, ou même au Royaume farfelu (1928), plus tardif, dont le titre indique ce qui sera une constante, mais mineure, dans le reste de l'œuvre. Malraux va multiplier durant ces années de jeunesse des expériences assez diversifiées : animateur ou conseiller de revue d'art, technicien de l'édition, bibliophile averti, spéculateur malheureux. Un premier séjour en Indochine, en 1923, au cours duquel il se croit habilité à découper des bas-reliefs du temple de Banteai-Srey, se termine par une condamnation à trois ans de prison ferme, peine réduite en appel, puis sans doute annulée en cassation. Un second séjour, en 1925, le voit animer avec feu un journal, L'Indochine (plus tard L'Indochine enchaînée), qui proteste contre les injustices de l'empire français : cette aventure indochinoise met au premier plan un militant anticolonialiste qui tente d'organiser, en marge de son journal, le mouvement « Jeune-Annam ». Retour d'Asie, il compose un essai à deux voix, La Tentation de l'Occident[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Jacques LECARME. MALRAUX ANDRÉ (1901-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

André Malraux - crédits : Bettmann/ Getty Images

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André Malraux - crédits : Archiv Gerstenberg/ Ullstein Bild/ Getty Images

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