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GHAZĀLĪ AL- (1058-1111)

Ghazālī et l'ash‘arisme

Ghazālī, en théologie, était ash‘arite. Abū'l-Ḥasan al-Ash‘arī peut être considéré comme le créateur d'une doctrine du juste milieu entre les interprétations purement littérales du Coran qui conduisent à l'anthropomorphisme de certains ḥanbalites, et l'exégèse rationnelle des mu‘tazilites qui risque d'escamoter le contenu des textes par le commentaire figuré. Sur deux points en particulier, l'ash‘arisme tentait de garder une position moyenne : le problème des attributs divins et celui de la prédestination et de la liberté. Équilibre difficile : il disait par exemple que les attributs ne sont pas Dieu et ne sont pas autre chose que Dieu. Dieu crée les actes humains, mais l'homme se les approprie. Ghazālī a écrit un ouvrage intitulé Al-iqtiṣād fi‘l-i‘tiqād (Le Juste Milieu dans la croyance), où l'on peut lire : « Qu'ils apprennent le chemin qui concilie les exigences de la Loi et les nécessités de la raison. Qu'ils le sachent : ceux des anthropomorphistes qui croient nécessaire de se figer dans l'imitation aveugle et de suivre le sens apparent des textes, n'avancent ces doctrines que par faiblesse d'intelligence et pauvreté d'intuition, tandis que les philosophes et les mu‘tazilites extrêmes qui s'engagent dans le libre usage de la raison, au point d'attaquer les déclarations péremptoires de la Loi, n'avancent ces doctrines que poussés par la malignité de leur pensée intime. Les uns tendent au défaut, les autres à l'excès ; chacun de ces deux extrêmes est loin de la fermeté et de la circonspection. » Rappelons que la conception ghazalienne de la logique est intermédiaire entre celle des falāsifa qui en fait la loi de l'être, et celle des théologiens « intégristes » qui la rejettent comme une science impie.

La théologie, science des intrigants

Ghazālī a également développé la conception que se faisait Ash‘arī de la théologie. La religion et la foi ne sont pas liées à une spéculation théologique. Les compagnons du Prophète ignoraient toutes ces subtilités, et ils étaient pourtant, tel Abū Bakr, de parfaits croyants. Mais les sectes hétérodoxes ayant pullulé, il faut bien les réfuter et définir la vraie croyance. Aussi a-t-on besoin d'une enquête théologique. Dans son grand ouvrage Vivification des sciences de la foi (Iḥyā' ‘ulūm al-dīn), Ghazālī montre qu'après les quatre premiers califes, les Rāṣhidūn, ceux qui suivaient la voie droite, qui étaient capables d'un effort personnel (idjtihād) et ne s'adressaient aux juristes (fuqahā') que là où la consultation (mushāwara) est indispensable, leurs successeurs, incapables d'initiatives, eurent recours à un corps constitué de docteurs. Les hommes pieux, fidèles aux méthodes du passé, refusèrent leur concours ; mais, la demande augmentant, des ambitieux briguèrent ces places. L'esprit de rivalité engendra les discussions que les puissants de ce monde favorisèrent. Des débats juridiques, on passa aux débats dogmatiques ; la politique des grands s'en mêla et on s'appliqua à l'étude de la théologie ( kalām). Mais les sectes, par leurs luttes qui allaient jusqu'à l'effusion du sang, ébranlaient l'islam. Il y eut une réaction, et les chefs voulurent de nouveau orienter les discussions vers les problèmes juridiques et l'explication des écoles de fiqh qui s'étaient constituées. Les docteurs laissèrent donc le kalām pour le droit. Ce faisant, tout en suivant les inclinations des grands, ces savants justifiaient chaque fois leur attitude en prétendant faire exactement ce que faisaient les compagnons du Prophète et les Anciens. Prétention sans fondement.

La véritable connaissance religieuse

De ce court historique, Ghazālī conclut que la théologie[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Roger ARNALDEZ. GHAZĀLĪ AL- (1058-1111) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALBALAG ISAAC (XIIIe s.)

    • Écrit par Gabrielle SED-RAJNA
    • 308 mots

    Philosophe et traducteur juif, qui a vécu probablement en Catalogne. Son œuvre principale est la traduction du Magasid al-Falasifa d'al-Ghazali, à laquelle il a joint des notes critiques réunies sous le titre de Tiqqun ha-De‘et (éd. critique G. Vajda, Jérusalem, 1973) et destinées à définir...

  • ASH‘ARĪ ABŪ L-ḤASAN ‘ALĪ BEN ISMĀ‘ĪL AL- (874 env.-935)

    • Écrit par Roger ARNALDEZ
    • 557 mots

    Fondateur de l'école de théologie musulmane à laquelle se sont ralliés la majorité des sunnites. Né à Baṣra, mort à Baghdād, al-Ash‘arī, d'abord disciple d'al-Djubbā'ī, quitte le mu‘tazilisme vers 912, à la suite de trois visions qu'il aurait eues du Prophète. Il aurait compris qu'il lui était...

  • ASH‘ARISME

    • Écrit par Louis GARDET
    • 865 mots

    L'ash‘arisme est l'école dont l'influence fut prépondérante pendant des siècles (xe-xixe s.) en ‘ilm al-kalām, c'est-à-dire dans la théologie, ou, mieux peut-être, dans l'« apologie défensive » de l'islam sunnite. Elle fut fondée par Abū l-Ḥasan al-Ash‘arī (260-324 de...

  • ‘AṬṬĀR FARĪD AL-DĪN MUḤAMMAD B. IBRAHĪM dit (1119 env.-env. 1190)

    • Écrit par Charles-Henri de FOUCHÉCOUR
    • 1 308 mots
    ...Avicenne avait composé un récit initiatique sur ce thème de l'oiseau, symbole de l'âme, pris aux filets du monde, retournant par degrés vers son roi. Ahmad Ghazāli écrivit à son tour, en persan, un récit sur le pèlerinage des oiseaux vers leur roi ; il insistait sur les épreuves du chemin, mais son récit manquait...
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Voir aussi