Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

AFRIQUE NOIRE (Arts) Histoire et traditions

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par , , , et

Art musulman et arts africains

Par sa monumentalité, par son décor théoriquement très codifié, par ses interdits, l'islam n'a pu rester sans influence sur ses périphéries africaines où les sculptures sur bois et autres matériaux surabondent aujourd'hui encore. Là où il a rencontré des masques et des statues, l'islam s'est montré radicalement destructeur, comme les missionnaires chrétiens du xixe siècle face à des « idoles » ou à des « fétiches ». Aujourd'hui, dans le « vieux domaine » de l'islam en Afrique, au Sénégal et au nord du Mali, du Niger, du Tchad et du Soudan, les statues et les masques ont disparu : sur une carte des « arts d'Afrique », le vide est impressionnant. La découverte, depuis 1960, de représentations en terre cuite et en pierre, parfois de très grande beauté, dans des terres d'islam, le fait que la production de tels objets ait certainement été poursuivie au moins jusqu'aux xve et xvie siècles – période qui constitue une cassure essentielle – suffisent à démontrer que ces sculptures ont été nombreuses dans des régions où elles n'existent plus aujourd'hui que pour le tourisme ; protégés par les tombes ou par l'empilement des monuments musulmans postérieurs, ils avaient été brisés, souvent, aux moments d'extermination rigoriste. On a retrouvé de tels témoins – souvent de piètre qualité artistique – aussi bien à Tegdaoust qu'à Kumbi Saleh, en Mauritanie, dans la boucle du Sénégal, au Mali surtout – à Jenne-jeno en particulier –, et tout récemment au Niger.

L'islam et la figuration humaine

Les interdits religieux expliquent probablement l'absence de représentations anthropomorphes dans une bonne partie de la moitié nord du continent ; peut-être aussi sur la bande côtière orientale. Il serait important, si pilleurs et marchands en laissaient le temps aux archéologues, d'établir une progression chronologique et territoriale de cette interdiction-destruction. Pour l'Afrique occidentale, elle a commencé dès le xe siècle, dans la boucle du Sénégal ; elle a gagné très lentement et très inégalement vers le sud, en particulier avec les progrès du rigorisme aux xviiie et xixe siècles. Le cas des Bamoum du Cameroun est particulièrement éclairant : il existait, dans ce royaume, une importante sculpture sur bois, riche en signes symboliques ; la sculpture n'a pas disparu, pas plus que la décoration du vêtement, avec l'apparition de l'islam chez eux au début du xxe siècle : mais elle a été dépouillée de tout ce qui pouvait « rappeler le paganisme » ; les ornements anciens n'ont plus qu'un rôle décoratif, qui tend à l'abstraction.

En Afrique occidentale, l'influence de l'islam, en matière de décor surtout, s'est introduite loin au sud de la limite du Dar al-Islam. Il serait particulièrement révélateur, de ce point de vue, d'étudier l'évolution des bijoux entre la Méditerranée et le golfe du Bénin, ainsi que celle des cuirs peints ou des tissus.

En Afrique orientale, où l'influence de l'islam a été plus longtemps et plus nettement contenue qu'à l'ouest, la reconnaissance d'une « frontière » serait probablement moins difficile à cerner. En arrière de ce front d'avancée de l'influence artistique musulmane, l'abstraction du décor l'a définitivement emporté.

Cette pression qui cherche à transformer radicalement objets et décors pour respecter les canons musulmans a provoqué, dans les régions qui y ont consciemment résisté, l'exaspération naturaliste et baroque ou au moins l'affirmation volontaire de la fidélité à l'héritage, comme chez les Dogon du Mali, les Kurumba du Burkina Faso ou dans l'admirable production des cimiers-antilopes bambara. L'importance[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-I
  • : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
  • : maître de conférences à l'université de Lille-III (égyptologie), directeur de la Mission française de l'île de Saï, Soudan
  • : ethnologue, directeur de recherche honoraire de l'Institut de recherche pour le développement (I.R.D., ex-O.R.S.T.O.M.)
  • : docteur ès lettres, maître de conférences associé à l'université de Paris-I

Classification

Pour citer cet article

Jean DEVISSE, Encyclopædia Universalis, Francis GEUS, Louis PERROIS et Jean POLET. AFRIQUE NOIRE (Arts) - Histoire et traditions [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 15/05/2023