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ROBINSON ABRAHAM (1918-1974)

Mathématicien et logicien américain d'origine allemande.

Né à Waldenburg, en Allemagne (l'actuelle Walbrzych polonaise), dans une famille intellectuelle sioniste, Abraham Robinson émigre en Palestine avec sa famille en 1933. Tout en gagnant sa vie et en suivant l'entraînement militaire de la Haganah, il étudie les mathématiques à l'université hébraïque de Jérusalem ; il y manifeste un talent si éclatant que, dès 1938, son maître, le grand logicien Abraham Fraenkel, peut déclarer qu'il n'a plus rien à lui apprendre. En 1939, Robinson obtient une bourse pour étudier à la Sorbonne, mais après quelques mois il doit se réfugier en Angleterre. Brièvement engagé dans les Forces françaises libres, il est bientôt versé au centre de recherches de la Royal Air Force de Farnborough. En très peu de temps, il s'initie à l'aérodynamique et devient d'emblée un spécialiste hors pair d'aérodynamique supersonique. La guerre terminée, après un an de service en tant qu'expert dans l'Allemagne occupée, il est nommé au collège d'aéronautique de Cranfield, où il acquiert une renommée mondiale dans la théorie des ailes en delta.

Tout en poursuivant une fructueuse carrière en mathématiques appliquées (qu'il n'abandonnera jamais complètement, puisque la trentaine d'articles qu'il consacrera aux applications s'échelonneront jusqu'en 1968), Robinson renoue, à partir de 1946, avec la logique mathématique. Avec sa thèse, qu'il soutient en 1949, il s'affirme comme l'un des fondateurs de ce qu'on nommera bientôt la théorie des modèles. Dès lors, l'essentiel de son énergie est consacré à la logique. Son œuvre, qui comprend huit traités et plus de cent articles originaux, le désigne comme l'un des grands logiciens de l'époque moderne. Professeur de mathématiques appliquées à l'université de Toronto (1951-1957), il est professeur de mathématiques et de logique à l'université de Jérusalem (1957-1962), à l'université de Californie, Los Angeles (1962-1967), à Yale enfin où il enseigne jusqu'à sa mort prématurée, au terme d'une maladie supportée avec un courage exemplaire. Les disciples dont il est entouré à Yale constituent une véritable école, dont sont issus bon nombre des jeunes logiciens qui au cours des années soixante-dix donneront à la discipline un développement sans précédent.

L'unité de l'œuvre, exceptionnellement étendue, de Robinson, tient en l'idée d'application. De même qu'en aérodynamicien il fait des mathématiques un outil adapté à certains problèmes de mécanique des fluides, de même l'intérêt de la logique réside à ses yeux dans la lumière qu'elle peut jeter sur les mathématiques. Indifférent aux exercices d'abstraction « pure », il est à l'affût de méthodes logiques « utiles », c'est-à-dire véritablement fécondes en mathématiques : en algèbre surtout, mais aussi en analyse, en topologie, en théorie des nombres, voire en économie mathématique.

Les premiers travaux mêlent étroitement la théorie des modèles générale, que Robinson élabore à sa manière, à la même époque que Tarski, et les applications à l'algèbre. Parmi les notions modèles-théoriques les plus fécondes qu'on lui doit, la première en date est celle de théorie modèle-complète. La modèle-complétude est une variante de la complétude, particulièrement adaptée à mainte situation algébrique, et pour laquelle existe un critère commode. Ultérieurement, Robinson et son école définiront la modèle-complétion d'une théorie, établissant dans certains cas l'existence d'une notion naturelle de clôture d'une théorie (par opposition à la clôture « algébrique » d'un modèle). La modèle-complétion est liée à une autre grande invention, celle de forcing modèle-théorique ; réussissant[...]

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-IV-Sorbonne, ancien directeur du département d'études cognitives, École normale supérieure

Classification

Pour citer cet article

Daniel ANDLER. ROBINSON ABRAHAM (1918-1974) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANALYSE NON STANDARD

    • Écrit par Jean-Michel SALANSKIS
    • 1 411 mots

    Au milieu du xxe siècle, le mathématicien et logicien Abraham Robinson (1918-1974) est parvenu à refonder la notion d'infinitésimale –  de grandeur infiniment petite – dont Georg Cantor (1845-1918) et Richard Dedekind (1831-1916) étaient supposés avoir délivré la communauté mathématique...

  • HILBERT DAVID (1862-1943)

    • Écrit par Rüdiger INHETVEEN, Jean-Michel KANTOR, Christian THIEL
    • 14 726 mots
    • 1 média
    Ce résultat a été établi par Artin, qui a montré aussi le résultat correspondant en remplaçant R par Q. Plus tard, Abraham Robinson a donné une démonstration qui utilise la logique mathématique (calcul des prédicats).
  • MALTSEV ANATOLI IVANOVITCH (1909-1967)

    • Écrit par Gabriel SABBAGH
    • 635 mots

    Mathématicien soviétique, célèbre pour ses travaux en logique et en algèbre. Les premiers écrits de Maltsev contiennent les idées essentielles d'une bonne partie de son œuvre. Dans son premier et plus célèbre article, Untersuchungen aus dem Gebiete der Mathematischen Logik...

  • MODÈLES THÉORIE DES

    • Écrit par Daniel ANDLER, Daniel LASCAR, Gabriel SABBAGH
    • 7 801 mots
    Théorème de cohérence de Robinson. Soit L1 et L2 deux langages, L leur intersection (c'est-à-dire l'ensemble des [formules écrites à l'aide des] symboles figurant dans L1 et dans L2). Soit T une théorie complète de L, et T1, T2 des théories cohérentes de L1, L2, respectivement,...

Voir aussi