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VIGNES ET VINS

Nouveaux mondes du vin

Voici une trentaine d'années, en 1976, un jury composé des critiques gastronomiques et viticoles français les plus connus se réunissait à Paris à l'instigation d'un jeune marchand de vin britannique, Steven Spurrier, pour déguster à l'aveugle quelques crus français et californiens. À la surprise générale les seconds furent jugés supérieurs. Ce « jugement de Paris » (George M. Taber) fut la première attaque sérieuse contre la suprématie des vins français dans l'opinion mondiale, tout comme le début de la montée en prestige des vins des « nouveaux mondes ». L'industrie française du vin sent désormais chaque jour la concurrence internationale lui ravir des parts de marché. C'est ainsi qu'aujourd'hui, sur un marché mondial qui s'est développé au point d'absorber plus du tiers de la consommation totale (2007, estimation), États-Unis, Australie, Afrique du Sud, Argentine, Chili et Nouvelle-Zélande réalisent en valeur plus de 30 p. 100 des exportations (15 p. 100 à la fin des années 1990), contre 21 p. 100 pour l'Italie et 17 p. 100 pour la France. Prompts à sonner l'alarme, en invoquant au besoin l'exception culturelle nationale, les acteurs français du secteur devraient au contraire profiter du formidable engouement pour le vin dans de nombreux pays peu ou pas producteurs (Europe du Nord, Asie...) et affirmer l'originalité et la qualité de leur production, s'ils ne veulent pas qu'au regard de l'histoire leur position dominante n'ait été qu'un feu de paille. Rappelons, en effet, que si la production du vin est très ancienne en France, ce pays n'a inventé ni la culture intelligente de la vigne, ni le vin de luxe, ni la notion de cru ou de terroir, trois créations de la civilisation gréco-romaine ; et que, jusqu'aux révolutions agronomiques et œnologiques des grands viticulteurs français du xixe siècle, quelques vignobles européens comme celui de Tokay en Hongrie ou les vins mutés du bassin méditerranéen valaient infiniment plus cher et étaient plus recherchés que les crus français. Regardez par exemple ce que boit sir John Falstaff dans ses tavernes favorites (du xérès), dans un pays qui, deux siècles après Shakespeare, par sa force commerciale, imposera le vin français à travers toute l'Europe, comme il sera le premier à trahir ses amours françaises pour les productions des nouveaux mondes anglophones et postcoloniaux.

En fait, dans ces derniers comme dans les vignobles historiques européens, nous assistons un peu partout à un phénomène de rattrapage de l'avance technique et culturelle prise autrefois par les viticulteurs français et à une mise en valeur d'un patrimoine de terroirs de qualité dont il serait bien naïf de croire qu'ils seraient limités à l'Hexagone par les faveurs de la Providence ou sous l'effet d'un heureux hasard.

L'universalité des facteurs de la qualité

Le vin de qualité doit son existence à la conjonction de facteurs naturels favorables et du savoir-faire humain capable de comprendre ces facteurs et d'obtenir que le produit final en reflète les caractères.

Dans les deux hémisphères de la planète, on peut trouver les sols, les expositions et les microclimats qui permettent à la vigne de produire des raisins capables de faire du bon vin. Des pionniers jadis défrichèrent les coteaux les plus adaptés de l'Europe occidentale et tempérée, qu'ils aient appartenu à des ordres monastiques ou à de grandes familles aristocratiques ; mais ce sont les mêmes intuitions qui ont guidé leurs successeurs partout où les exigences de la religion ou les besoins de la vie sociale demandaient la production d'un vin de qualité.

On sait depuis longtemps, et la science la plus actuelle n'a fait que le confirmer, que la vigne aime les sols pauvres,[...]

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Écrit par

  • : directeur de la rédaction
  • : professeur honoraire à l'École nationale supérieure agronomique de Montpellier
  • : correspondant de l'Académie des sciences, professeur à l'université de Bordeaux-II, directeur de l'Institut d'œnologie de l'université de Bordeaux-II
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Michel BETTANE, Jean BRANAS, Universalis et Pascal RIBEREAU-GAYON. VIGNES ET VINS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Vignobles de Champagne - crédits : Julian Elliott Photography/ Stone/ Getty Images

Vignobles de Champagne

Cépage cabernet - crédits : Tim Rue/ Corbis/ Getty Images

Cépage cabernet

Vin : composition chimique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Vin : composition chimique

Autres références

  • FRANCE - (Le territoire et les hommes) - Espace et société

    • Écrit par Magali REGHEZZA
    • 14 002 mots
    • 3 médias
    ...dont la surface a été divisée par deux depuis 1950, s’est accompagnée d’une amélioration de la qualité, qui permet à de petits vignobles de se maintenir. Premier producteur mondial de vin, la France conquiert de nouveaux marchés dans les pays émergents, notamment la Chine, malgré la concurrence très forte...
  • AGROMÉTÉOROLOGIE

    • Écrit par Emmanuel CHOISNEL, Emmanuel CLOPPET
    • 6 627 mots
    • 7 médias
    ...dans l'espace intercellulaire. La sensibilité au gel varie selon le type de culture, mais également et surtout en fonction de son stade de développement. Prenons l'exemple de la vigne : en plein hiver, alors qu'elle est en état de repos végétatif, elle pourra supporter une température de près de — 20 ...
  • ALIMENTATION (Aliments) - Technologies de production et de conservation

    • Écrit par Paul COLONNA
    • 7 414 mots
    • 3 médias
    C'estla filière où la qualité de la matière première à l'entrée dans l'itinéraire technologique a le plus d'importance, déterminée en l'occurrence par la date de récolte. La maturité de la baie est un compromis à déterminer entre la teneur en sucres, l'acidité totale, les potentiels aromatiques et/ou...
  • ALIMENTATION (Aliments) - Risques alimentaires

    • Écrit par Jean-Pierre RUASSE
    • 4 757 mots
    • 1 média
    Un exemple bien connu, toujours actuel bien qu'en régression, de contamination accidentelle est donné par la présence de plomb dans le vin. Provenant du traitement des vignobles par l'arséniate de plomb, de l'apport de plomb sur le raisin par les poussières du sol (principalement le long des routes,...
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Voir aussi