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BOSSUET JACQUES BÉNIGNE (1627-1704)

Combat sur tous les fronts

Théologie

La pensée théologique de Bossuet est à la fois éclectique et très ferme. Éclectique, Bossuet l'est en ce sens qu'il puise à diverses sources : les Pères de l'Église, Augustin surtout, lui sont très familiers, ainsi que les décisions pontificales et les conciles, mais il n'exclut pas les scolastiques. Il l'est aussi en ce sens qu'il n'a pas pris une position tranchée dans l'affaire du jansénisme. Mais éclectisme n'implique chez lui ni imprécision ni mollesse ; partant du principe qu'il faut « tenir toujours fortement comme les deux bouts de la chaîne », il maintient toujours inébranlablement les affirmations, même apparemment contraires, qu'il estime fondamentales. D'autre part, il est convaincu que la doctrine ne saurait en aucune manière évoluer : permanence est pour lui signe assuré de vérité, variation signe d'erreur ; rien ne lui serait plus étranger que l'idée d'un possible développement des dogmes.

Parmi les grands thèmes de son enseignement théologique on peut relever : une réflexion très poussée sur les attributs de Dieu (surtout sur la Providence), l'approfondissement du mystère de l'Incarnation (en quoi il se rapproche du bérullisme), l'analyse de la notion de péché et l'insistance sur le sacrement de pénitence, l'exaltation du rôle de la grâce et l'affirmation que le Christ est le seul véritable intercesseur. À tout prendre, cette dogmatique ne comporte aucun trait hardi ni nouveau, mais elle doit une sorte d'originalité à l'ampleur et à la cohésion de l'ensemble, à la vigueur des affirmations, et surtout au fait même qu'elle remonte en toute chose aux principes. Bossuet est d'abord et avant tout un théologien.

Histoire

Ce théologien ne fait pas fi de l'histoire. Au contraire, il s'en montre volontiers curieux, et il s'y exerce avec un incontestable sens critique. De l'historien, il possède à la fois le goût de la recherche précise et le don de la résurrection saisissante du passé. Dans ce domaine, son œuvre la plus marquante reste avec certaines pages des oraisons funèbres, le Discours sur l'histoire universelle, où l'on trouve aussi bien des mises au point de détail érudites que de vastes fresques, en particulier à propos de Rome, pour laquelle il éprouve une évidente prédilection.

Il convient, d'autre part, de noter la qualité de son information en matière d'histoire ecclésiastique, domaine alors en pleine évolution : il fait preuve d'une grande circonspection à l'égard des légendes relatives aux vies des saints.

Exégèse

L'exégète, en Bossuet, n'est pas à la hauteur du théologien, ni de l'historien. Non qu'il n'ait parfaitement connu la Bible ; mais il la lisait dans un esprit qui commençait à être dépassé : avec la conviction que tout est également vrai dans le texte inspiré, sur tous les plans (non seulement religieux, mais aussi historique, scientifique, etc.). C'est ce qu'on observe avec une particulière netteté dans sa Politique tirée des propres paroles de l'Écriture sainte, à propos de laquelle il écrivait au pape : « Nous découvrons les secrets de la politique, les maximes du gouvernement, et les sources du droit, dans la doctrine et dans les exemples de la sainte Écriture... »

De là son opposition implacable aux efforts de Richard Simon, qui jetait les bases d'une exégèse plus scientifique ; Bossuet s'acharna à faire interdire ses œuvres, et c'est contre lui qu'il écrivit sa Défense de la Tradition et des saints Pères.

Spiritualité

En matière de spiritualité comme en matière d'exégèse, le nom de Bossuet reste attaché à une polémique fâcheuse pour sa mémoire : la fameuse querelle du quiétisme. Pour un peu, l'on douterait qu'il[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de littérature française à l'université de Paris-Sorbonne
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Jacques TRUCHET. BOSSUET JACQUES BÉNIGNE (1627-1704) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, H. Rigaud - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, H. Rigaud

Autres références

  • ABSOLUTISME

    • Écrit par Jacques ELLUL
    • 4 286 mots
    La pensée de Bossuet, quoique fondée théologiquement, est en même temps d'un grand réalisme : les idées politiques sont pour lui modelées sur les faits, et l'une des preuves que la monarchie est de droit divin, c'est la puissance de fait du roi. En cela, il se rattache effectivement...
  • ANCIENS ET MODERNES

    • Écrit par Milovan STANIC, François TRÉMOLIÈRES
    • 5 024 mots
    • 4 médias
    Reste un domaine où la « nouveauté » ne pouvait être que suspecte : celui de la religion.Bossuet allait faire de la Tradition une véritable preuve de l'orthodoxie catholique, et des « variations » supposées incessantes des « prétendus réformés » (les Protestants) le signe irréfutable de l'...
  • ESCLAVAGE

    • Écrit par Jean-Pierre BERTHE, Maurice LENGELLÉ, Claude NICOLET
    • 8 509 mots
    • 4 médias
    Un siècle plus tard,Bossuet apporte son appui à l'esclavage pratiqué par la France lors de ses disputes avec Jurieu. La discussion engagée par l'évêque de Meaux avec le pasteur protestant était subtile. Jurieu soutenait que l'esclave était libre faute d'un accord librement consenti entre lui et le...
  • FANATISME

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 3 360 mots
    • 1 média
    L'ironie des choses a voulu qu'un des premiers à parler sur un ton méprisant du fanatisme fût Bossuet, un des plus zélés protagonistes de l' absolutisme religieux. Dans l'Oraison funèbre de la reine d'Angleterre, il stigmatise les quakers, « gens fanatiques, qui croient que toutes...
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Voir aussi