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ISLAM (Histoire) Le monde musulman contemporain

Il existe de nos jours une communauté d'attitudes et de sentiments à travers le monde musulman.

Il y a en premier lieu une solidarité internationale de ce qu'on peut appeler l'appareil de l'islam. Certes, il n'y a pas de clergé dans l'islam, au sens d'une hiérarchie disposant de pouvoirs sacramentels, comme dans le christianisme avec le contrôle social considérable de l'Église, notamment au moyen du sacrement de pénitence chez les catholiques. Mais, évidemment, il existe un « personnel » spécialisé dans les tâches du culte et de la doctrine, qui constitue dans le monde musulman un réseau de savants, ‘ulamā’, de juristes, fuqaha, de chefs de la prière, imam, dans les innombrables mosquées ou sanctuaires, de prédicateurs du vendredi, de juges, qāḍī, des tribunaux religieux musulmans. Tous les problèmes pratiques et intellectuels, juridiques et politiques qui se présentent à ce personnel sont discutés dans des réunions internationales, congrès de savants et de juristes, conférences des chefs d'État musulmans ou de leurs ministres. Le poids financier croissant de l' Arabie Saoudite et la présence sur son sol des lieux saints du pèlerinage annuel à La Mecque et à Médine donnent de plus en plus d'importance à ce pays, surtout depuis l'institution d'une Organisation de la Conférence islamique (OCI) en 1970, basée à Djeddah, parallèlement à la Ligue islamique mondiale (créée en 1963), aux objectifs culturels et missionnaires. Des banques islamiques et des centres universitaires se multiplient, en particulier en Afrique.

On rencontre aussi les mêmes grandes confréries sunnites à travers le monde, et les groupements chiites, en Iran essentiellement, rejoignent aisément les objectifs de ces confréries, objectifs religieux, spirituels, mystiques, ainsi que de bienfaisance. Ces objectifs sont parfois politiques, soit indirectement lorsqu'il ne reste que les confréries ou les mosquées pour s'exprimer, pour manifester, voire pour conduire une révolution, soit directement et explicitement quand une confrérie devient un parti politico-religieux, comme au Soudan et en Afrique et à travers l'Asie, non arabe surtout, autour ou à partir de la confrérie Naqshabandiyya, par exemple.

Distincts des confréries et de l'appareil, souvent aidés plus ou moins directement par eux tout en les contestant sur bien des points, surgissent depuis les années 1970 des mouvements islamiques radicaux, soit impatients et violents, soit comme groupes de pression devenant, là où la loi le permet, des partis politiques. De l'Indonésie au Maroc, en passant par l'Afghanistan, l'ex-Union soviétique musulmane, l'ex-Yougoslavie, la Syrie, l'Égypte, la Turquie, l'Afrique subsaharienne et le Maghreb, ces groupes et partis partagent à peu de chose près les mêmes idées et les mêmes stratégies et techniques, ce qui justifie l'expression « internationale islamiste ».

L'attitude générale du monde musulman face au monde moderne trouve son origine dans un mouvement réformiste modéré qui s'est produit et diffusé au cours et à la fin du xixe siècle. L'esprit de réforme, surtout administrative et juridique, advient nettement et continûment dans l'État ottoman au cours du xixe siècle (Tanzimat, Jeunes-Turcs), mais aussi en Iran et en Inde comme dans l'Asie centrale de l'Empire russe. Mais, contrairement à ce que crurent les penseurs « réformistes », le Turc Namik Kemal, le Persan Jamāl Eddine al-Afghāni, les Indiens Sayyid Ahmad Khān, Amir Ali et Muhammad Iqbāl, l'Égyptien Muhammad ‘Abduh et les Syriens Al-Kawākibi et Rashīd Ridā, il ne fut guère question d'un mouvement intellectuel comparable à la Réforme en Europe au xvie siècle ou à la crise du modernisme dans le catholicisme au début du xxe siècle. L'adaptation[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)
  • : docteur ès lettres et sciences sociales, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques
  • : chargée de recherche au C.N.R.S.
  • : chercheur au C.N.R.S.
  • : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : chargé de recherche de première classe au C.N.R.S., responsable de l'équipe cultures populaires, Islam périphérique, migrations au laboratoire d'ethnologie de l'université de Paris-X-Nanterre, expert consultant auprès de la C.E.E. D.G.V.-Bruxelles
  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
  • : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
  • : docteur en histoire orientale, maître de conférences à l'Institut national des langues et civilisations orientales
  • : professeur à l'université de Provence
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Françoise AUBIN, Olivier CARRÉ, Nathalie CLAYER, Universalis, Andrée FEILLARD, Marc GABORIEAU, Altan GOKALP, Denys LOMBARD, Robert MANTRAN, Alexandre POPOVIC, Catherine POUJOL et Jean-Louis TRIAUD. ISLAM (Histoire) - Le monde musulman contemporain [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, 1993 - crédits : Alexis Duclos/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, 1993

Nasser et la R.A.U. - crédits : Keystone/ Getty Images

Nasser et la R.A.U.

Création de la République arabe unie, 1958 - crédits : The Image Bank

Création de la République arabe unie, 1958

Autres références

  • ADOPTION

    • Écrit par Pierre MURAT
    • 8 894 mots
    Concrètement, la loi française exclut désormais l'adoptiondes enfants originaires des pays musulmans, à l'exception de la Tunisie, de la Turquie et de l'Indonésie. Le verset 4 de la Sourate 33 du Coran énonce en effet « Dieu n'a pas mis deux cœurs à l'homme ; il n'a pas accordé à vos...
  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
    • 37 316 mots
    • 19 médias
    Qui sont les talibans ? Il ne s'agit pas d'un mouvement surgi subitement du désert. Leur nom signifie « étudiants en religion ». Ils sont originaires du sud de l'Afghanistan, plus particulièrement de la ceinture tribale pachtoune, parmi les confédérations Dourrani et Ghilzay. Ils ont été formés dans...
  • ‘AĪD AL-FITR

    • Écrit par Universalis
    • 141 mots

    L’‘aīd al-Fitr (en arabe, « fête de la rupture »), est la première des deux principales fêtes rituelles de l’islam. Il marque la fin du ramaān, le neuvième mois qui est consacré au jeûne chez les musulmans. Il est célébré pendant les trois premiers jours de shawwāl, le dixième...

  • ‘AĪD AL-KABĪR

    • Écrit par Universalis
    • 258 mots

    L’‘aīdal-Aḍhā (en arabe, « fête des sacrifices »), également appelé ‘aīdal-Kabīr (« grande fête »), est avec laīdal-Fitr, l’une des deux grandes fêtes musulmanes, communément appelée en France « fête du mouton ». Célébrée par les musulmans du monde entier, cette fête...

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Voir aussi