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GRAVURE

La gravure, mode de reproduction ou mode d'expression

La gravure n'est pas née de volontés esthétiques mais de la nécessité pratique de multiplier les images, dans ce même mouvement qui assurait la diffusion des textes par l'imprimerie. Sur ces origines très obscures on ne peut faire que des hypothèses. À la fin du xive siècle, les gravures sur bois, ou xylographies, faisaient l'objet d'un commerce de colportage, en particulier dans les lieux de pèlerinage. Le graveur était sans doute aussi imprimeur et vendeur, et son principal souci devait être lucratif.

La vallée du haut Rhin au xve siècle, Anvers au xvie, la rue Saint-Jacques à Paris furent les grands centres de diffusion de ces gravures d'un maigre intérêt artistique. Ces gravures commerciales n'ont jamais été le reflet d'un art vraiment populaire, car les éditeurs, groupés en familles et en quartiers, diffusaient les thèmes les plus rentables, à partir souvent de la mode parisienne.

Le plus notable effet de ce commerce fut de faire circuler dans toute l'Europe certains thèmes et motifs. Les mêmes vignettes typographiques illustraient les premiers livres des éditeurs flamands, allemands ou italiens ; elles étaient, en outre, interchangeables. Au xixe siècle encore, des gravures changeaient de titre selon l'actualité. Ainsi apparaît l'un des traits essentiels de la gravure : sa mobilité. Ce commerce international de la gravure, qui fut sa première raison d'être, permit la diffusion des thèmes plastiques de la Renaissance, les échanges entre l'art du Nord et l'art italien.

On a peine à imaginer aujourd'hui l'importance de la gravure pour la diffusion des œuvres d'art, dans un monde qui ne connaissait ni les musées ni la photographie. C'est ce désir de diffusion des œuvres qui suscita les premières gravures florentines sur métal. La tradition attribue à l'orfèvre Maso Finiguerra (1426-1464) l'idée d'encrer ses plaques incisées destinées à l'origine à faire des nielles, pour reproduire sur un papier le dessin de ses œuvres. Ainsi pouvait-il contrôler son travail, et fournir à ses clients ou à ses élèves des échantillons de son style.

Ce même désir de populariser leurs œuvres décida Andrea Mantegna, puis Raphaël, à utiliser la gravure qui apparaît ainsi comme indissolublement liée, dans son origine comme dans son principe, à l'éclosion d'un monde où l'œuvre d'art conquiert son indépendance, déborde le cadre des cours féodales et entre dans le circuit du commerce international.

Dès Mantegna, la gravure atteint à une qualité qui la situe d'emblée comme un art presque autonome de reproduction ; cependant elle assurera une fonction jusqu'à l'invention de la photographie en 1839 et la monopolisation du commerce de la peinture. Rubens, comme Raphaël, s'attacha des graveurs pour reproduire ses œuvres, pratique qui augmentait le prestige des peintres. Le rapport de ces gravures à succès dépassait souvent celui des tableaux. Certains graveurs se disputaient l'exclusivité des reproductions des peintres en renom.

Au xviiie siècle, les grands collectionneurs recouraient à la gravure pour faire reproduire leurs galeries, et la plupart des peintres cultivèrent ce commerce. Avec Chardin et Greuze, on multiplia même les raretés capables de valoriser les gravures. Depuis ce temps on distingue, entre les « états », les épreuves avant et après la lettre (la légende), les « remarques » (esquisses jetées par le graveur sur la marge de sa plaque). La gravure acquiert ainsi peu à peu une valeur intrinsèque.

Au xixe siècle, la gravure est l'intermédiaire indispensable entre l'artiste et son client devenu anonyme. Entre la disparition du mécène et l'apparition du marchand, la gravure de reproduction joue un rôle considérable, parallèle à celui[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • : directeur de la bibliothèque publique d'information, Centre Georges-Pompidou

Classification

Pour citer cet article

Barthélémy JOBERT et Michel MELOT. GRAVURE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Jules César</it>, opéra de Haendel - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Jules César, opéra de Haendel

Aztèques capturés par les Espagnols - crédits :  Bridgeman Images

Aztèques capturés par les Espagnols

<it>La Grande Fortune</it> - crédits :  Bridgeman Images

La Grande Fortune

Autres références

  • ADHÉMAR JEAN (1908-1987)

    • Écrit par Jean-Pierre MOUILLESEAUX
    • 1 312 mots

    La Bibliothèque nationale de Paris conserve depuis Colbert (1667) des milliers d'images rassemblées dans le cabinet des Estampes. Gravures, affiches, dessins ou collections iconographiques, photographies enfin sont venus régulièrement s'accumuler au gré des acquisitions et des dons, mais surtout avec...

  • ALBRECHT ALTDORFER. MAÎTRE DE LA RENAISSANCE ALLEMANDE (exposition)

    • Écrit par Christian HECK
    • 1 177 mots
    • 1 média
    La circulation des œuvres d’Altdorfer se fait à travers des thèmes traditionnels. Ainsi l’étonnante suite de quarante gravures sur bois composant un cycle de la Chute et Rédemption de l’humanité, vers 1513, qui offre une double originalité. D’une part, il constitue un tour de force artistique...
  • ALDEGREVER HEINRICH (1502-apr. 1555)

    • Écrit par Pierre VAISSE
    • 177 mots

    Peintre et graveur allemand, de son vrai nom Heinrich Trippenmecker. Son activité de peintre est très mal connue. Il doit sa célébrité à ses gravures sur cuivre, environ trois cents, exécutées de 1527 à 1541 et de 1549 à 1555 et signées du monogramme AG, imité de celui de Dürer, dont il fut le disciple....

  • ALMANACH, estampe

    • Écrit par Maxime PRÉAUD
    • 805 mots

    Le mot almanach, d'origine incertaine, apparaît dans l'arabe occidental au xiiie siècle ; il désigne d'abord une éphéméride où figurent les positions du soleil et de la lune. Avec l'invention de l'imprimerie et de l'estampe, ce type de calendrier va se développer...

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Voir aussi