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ÉVANGÉLISME ET ÉGLISES ÉVANGÉLIQUES

Les chrétiens évangéliques se rattachent au protestantisme moderne, dont ils constituent l'aile conquérante. Armés d'une rhétorique de conversion, ces chrétiens organisés en réseau revendiquent des ailes plutôt que des racines. Porté par ses objectifs de conversion et sa vocation prosélyte, l'évangélisme représentait, au début du xxie siècle, environ les deux tiers du protestantisme mondial (585 millions de chrétiens en 2014). Dans la tradition protestante, les évangéliques refusent l'idée d'une Église-institution sainte, au profit d'associations de convertis, très prosélytes. Ce prosélytisme donne au courant évangélique une capacité d’expansion et une visibilité exceptionnelle, son travail d’évangélisation touchant aussi bien les nations traditionnellement chrétiennes que des zones géographiques où il est en concurrence avec l’islam, le bouddhisme ou les religions dites traditionnelles.

L’évangélisme et le texte biblique

Profondément prosélyte, l’évangélisme se revendique aussi d’un des principes fondateurs de la Réforme du xvie siècle, le sola scriptura (l'« Écriture seule »), qui donne la prépondérance à la Bible, reçue comme « parole de Dieu », au détriment de la tradition et de l’interprétation. Il existe de ce point de vue un biblicisme évangélique. Il se distingue aujourd'hui des autres courants issus de la Réforme protestante par une insistance sur un rapport direct au texte, doublée d’une réticence vis-à-vis des médiations critiques. Les théologiens ? les sciences humaines ? les déconstructions critiques ? l’Évangile aux risques de la psychanalyse ? le lecteur évangélique de la Bible s’en méfie, surtout lorsque les conclusions des spécialistes tendent à relativiser ou à transformer ce qui passe pour être le sens premier du texte. L'actualisation des récits bibliques dans la vie du chrétien s’appuie sur la conviction que c’est parce que Dieu a historiquement « fait merveille» qu’il peut intervenir de même ici et maintenant. Le biblicisme évangélique défend par ailleurs une lecture très normative de la Bible, volontiers présentée comme un « code de la route », qui ne se limite pas à la sphère intellectuelle et dogmatique, mais concerne tous les aspects de la vie quotidienne. Il souligne enfin l’infaillibilité des Écritures. Cela ne signifie pas que les évangéliques adhèrent à l'idée que les textes bibliques auraient été directement dictés par le Saint-Esprit. Même lorsqu’ils se rapprochent de cette idée, dans la lignée du théologien genevois Louis Gaussen (1790-1863), ils admettent que la Bible est le fruit d’une élaboration historique, et reconnaissent qu’elle contient différents genres littéraires.

Il n’en reste pas moins que le biblicisme évangélique peut aboutir à une forme de magistère autoritaire ou les interprétations agréées en viennent à primer sur la lecture individuelle des Écritures. Au sein de la branche la plus conservatrice du mouvement évangélique, l’accent mis sur l’inerrance (conviction que l’Écriture ne comporte aucune erreur) et sur la véracité factuelle de tous les récits bibliques peut, par exemple, amener nombre de fondamentalistes à soutenir des positions créationnistes intransigeantes, qui postulent une création sans évolution des espèces, voire la réalité historique d’un déluge universel. L’usage autoritaire du texte biblique peut aussi conduire au texte-prétexte, magiquement invoqué au service de la légitimité du pasteur-prophète.

Les évangéliques partagent tous la conviction d'un impératif missionnaire, que légitime leur lecture littérale de la Bible. Le protestantisme évangélique s'appuie pour cela sur une vaste mosaïque d'Églises et de réseaux qui ne sont pas ordonnés en un ensemble unifié : on ne peut pas parler de l'« Église évangélique »[...]

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Écrit par

  • : agrégé d'histoire, chercheur au CNRS, laboratoire Groupe sociétés, religions, laïcités

Classification

Pour citer cet article

Sébastien FATH. ÉVANGÉLISME ET ÉGLISES ÉVANGÉLIQUES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Prière inaugurale lors de l’investiture de Barack Obama, janvier 2009
		 - crédits : Pat Benic/ EPA

Prière inaugurale lors de l’investiture de Barack Obama, janvier 2009

Médecin de l’ONG Samaritan’s Purse au Darfour en 2004 - crédits : Michael Freeman/ Corbis Historical/ Getty Images

Médecin de l’ONG Samaritan’s Purse au Darfour en 2004

Autres références

  • ÉVANGÉLIQUES (ÉGLISES)

    • Écrit par Jean-Louis KLEIN
    • 340 mots

    Le qualificatif « évangélique » est revendiqué par des Églises qui affirment par là garder, contrairement à celles dont elles sont issues, les Évangiles comme seule base ou norme de leur foi.

    Dans les pays germaniques, le mot recouvre l'adjectif français « protestant » et s'oppose à « catholique...

  • D'UN MONDE À L'AUTRE, NAISSANCE D'UNE CHRÉTIENTÉ EN PROVENCE (exposition)

    • Écrit par Claude SINTES
    • 959 mots

    En 1986 s'était tenue à Lyon une exposition intitulée Les Premiers Temps chrétiens en Gaule méridionale. Puis les fouilles effectuées sur plusieurs grands sites provençaux et les recherches concernant les iiie-vie siècles avaient amené une perception plus fine de ces années, cruciales...

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Le territoire et les hommes) - Religion

    • Écrit par Sébastien FATH
    • 3 481 mots
    ...le kaléidoscope religieux américain des années 2000. La plupart des acteurs religieux de la scène chrétienne sont protestants ou d'origine protestante. Et parmi les protestants, beaucoup sont évangéliques, au sens d'un protestantisme marqué par l'accent sur la conversion (la « nouvelle naissance...
  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    La prédication de Edwards fixe les lois d'un genre : sermons exhortatoires, appel insistant aux émotions et notamment à la terreur de l'Enfer, atténuation du contenu dogmatique, offres d'une conversion immédiate à l'ensemble de la population et d'un salut plausible à tout « volontaire de Dieu ». ...
  • FONDAMENTALISME

    • Écrit par Sébastien FATH
    • 1 611 mots
    • 1 média
    À partir de 1979, une inflexion s'est cependant fait jour. Des leaders fondamentalistes ont fait le pari d'une reconquête politique.Les télévangélistes Jerry Falwell (1933-2007, fondateur de la Moral Majority) et Pat Robertson (né en 1930, fondateur de la Christian Coalition) ont défrayé la chronique...

Voir aussi